Censure

La short list des premiers-ministrables (Analyse)

Disons-le : on ne voit pas exactement ce que pourrait faire le président Alpha Condé après la proclamation définitive des résultats des législatives sinon que changer un gouvernement au bilan mitigé. Et surtout composé en grande partie de has been. D’ailleurs Sekhoutoureyah en serait conscient et s’attellerait à le faire.

Si pour le moment il est difficile de donner les noms exacts de ceux qui peuvent être ministres dans le prochain gouvernement, quelques noms de premiers ministrables sont cependant susurrés dans les allées du Palais. Ils ont tous un dénominateur commun : appartenance à la Basse Guinée. Les visiteurs du soir fuitent que c’est un critère fondamental pour le président qui respecterait ainsi les clauses d’une convention non écrite avec les ressortissants de cette partie de la Guinée.

Ainsi, des informations distillées à dose homéopathique parlent des probables premiers ministres. Ci-dessous une short list de ces personnalités pour la plupart connues.

1-Kerfalla Yansané. L’actuel ministre des Finances est un ami des années d’exil en France du président Condé. Les deux se connaissent et se respectent. En plus l’argentier du pays fait partie des oiseaux rares du gouvernement sortant pouvant valablement présenter un bilan : l’équilibre macro-économique, le retour des bailleurs de fonds, l’allègement de la dette (initiative PPTE), maitrise de l’inflation, etc. Même si certains estiment que la ‘‘croissance ne se mange pas’’, parce que les réformes engagées n’influencent pas encore positivement le quotidien du Guinéen, Kerfalla Yansané est tout de même en bonne posture pour être à la tête d’un gouvernement de technocrates. C’est peut-être ce qui constituerait aussi son handicap. Car à la veille de la présidentielle de 2015, le président aurait besoin d’un premier ministre qui comprend la chose politique. L’austérité montée en épingle de l’ancien gouverneur de la banque centrale n’œuvrerait pas en sa faveur.

2-Abdoul Kabèlè Camara. Le ministre délégué à la Défense, avocat de renom, est un proche du président. Il a dans sa gibecière un trophée dont on parle peu : la réforme de l’armée. Qui l’aurait cru ? Instaurer une certaine discipline au sein de nos forces de sécurité et de défense, envoyer une bonne partie des militaires à la retraite, donner une allure républicaine à une armée connue pour ses frasques n’était pas aussi simple qu’un plaidoyer d’un vieil avocat. Contrairement à Kerfalla Yansané, Kabèlè a une base politique. Il s’est d’ailleurs fortement impliqué dans la campagne des dernières législatives. Il peut s’enorgueillir d’avoir fait gagner Coyah, sa ville d’origine, au parti présidentiel. Ceux qui estiment que l’autre défi du président est de réussir la réforme de l’administration taillent pour Kabèlè le manteau de la Primature. Certains diront aussi que le principal problème de la Guinée d’aujourd’hui est économique. A-t-il des arguments solides dans ce domaine ? Pas évident.

3-Kiridi Bangoura. Le ministre secrétaire général à la Présidence est un des lieutenants du feu général Conté qui ont su s’adapter à l’actuel régime. Il a su bien utiliser son intelligence et son charisme pour se donner une place de choix dans le cercle restreint du président de la République dont il a gagné la confiance. Le plus jeune de cette petite liste de premiers-ministrables, Kiridi connait la chose politique et sait bien défendre son camp. Très présent dans les dernières négociations entre le pouvoir et l’opposition, il a su donner de la voix à celui-là à un moment où la communauté internationale et la presse le malmenaient à la tronçonneuse. Politique jusque sous les ongles, maitrisant des questions électorales –essentielles pour la Guinée d’aujourd’hui-, certains estiment tout de même que l’enfant de Wonkifon n’est qu’un théoricien politique. Il n’aurait pas de base politique lui permettant d’imposer sa vision.

4-Kémoko Touré. C’est la surprise de cette liste, bien qu’il connaisse le président qu’il aurait côtoyé pendant les années d’exil en France.  Le premier guinéen à occuper le poste de directeur de la CBG pourrait faire un bon premier ministre technocrate. Kémoko qui a quitté la Guinée depuis les années 60 a travaillé à des niveaux élevés dans de grandes entreprises occidentales comme la société américaine Westinghouse Infilcoj, le Groupe Malakoff, Allied-Signal (USA), Siemens et Thalès. A la CBG depuis 2010, il a su sauver cette entreprise qui à son arrivée n’était pas loin des zones de turbulence. On pense alors qu’il peut adapter son expérience à l’Etat. Seulement voilà. Ici il aura besoin d’une certaine expérience politique qu’il n’a forcément pas. Bien qu’œuvrant dans l’humanitaire, le blanc- c’est le surnom qu’on lui donne à Kamsar- peut-il gérer le côté social d’un pays fortement enraciné dans les intrigues et considérations irrationnelles ?

5-Un premier ministre importé. Il est aussi probable que le futur premier ministre vienne de l’Etranger où il aurait fait une brillante carrière. L’idée est de donner un sens au slogan de changement prôné par Alpha Condé. Un tel premier ministre donnerait par ailleurs une image rassurante de la Guinée à la communauté internationale.

Notre liste est très limitée, vous l’aurez compris. Mais elle est ressort des débats tenus dans certains salons feutrés de Conakry et des indiscrétions des allées du pouvoir.

Qu’à cela ne tienne, les Guinéens ont besoin d’un gouvernement de cadres méritants, soucieux de l’avenir d’un pays qui a tout pour réussir mais toujours remorquée. De l’audace, monsieur le président, et la Guinée est sauvée.

Ibrahima S. Traoré              

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