Censure

Clôture de la session ordinaire des lois : voici le discours intégral du président de l’Assemblée, Kory Koundiano

 

« Nous voici arrivés au terme de notre session des lois au cours de laquelle nous avons été saisis non seulement par le Pouvoir Exécutif mais aussi par les députés avec 22 textes, en vue de leur examen et adoption.

Sur les vingt deux (22) textes reçus, dix (10) projets et propositions de lois ont été examinés et adoptés, un (1) projet et une (1) proposition de lois organiques ont été retirés parce que l’adoption de telles lois exigent la majorité des deux tiers (2/3), six (6) accords, conventions ou traités sur dix (10) ont été approuvés et fait l’objet d’adoption de lois d’autorisation de ratification et quatre (4) conventions ont été renvoyées par l’Assemblée Nationale parce que les conditions de leur recevabilité n’étaient pas réunies.

Au total donc, seize (16) textes sur vingt-deux (22) reçus ont été examinés et adoptés au cours de cette première session ordinaire de l’année 2015 entre le 07 avril et le 02 juin 2015.

Il faut dire que cette première session s’est tenue à un moment où le pays est secoué par une crise politique et économique aux conséquences dévastatrices qu’il convient de juguler rapidement pour la paix dont le pays a maintenant tant besoin.

Il convient, au demeurant de rappeler ici que si cela n’est pas fait, ces conséquences risquent d’annihiler les progrès socio-économiques énormes enregistrés par notre pays durant ces dernières années.

C’est pourquoi, il nous faut résorber cette crise  très rapidement afin de préserver la paix indispensable au progrès économique et social du pays et d’améliorer le climat des affaires. 

Honorables Députés,

Mesdames, Messieurs,

Je n’ai nullement besoin de vous rappeler que notre pays souffre de cette crise depuis la fixation par la CENI du calendrier électoral. J’avoue ici que cette tension politique entretenue n’a aucune raison d’être parce que  si les acteurs politiques acceptent de dialoguer honnêtement et sans à priori, un accord peut vite être trouvé.

En effet, en examinant en profondeur les textes juridiques qui régissent les élections dans notre pays, on s’aperçoit très vite de la mauvaise compréhension de ceux-ci ou du refus de les comprendre de la part de ceux qui s’y réfèrent pour justifier leur préférence de l’ordre à observer pour organiser les élections.

Comme le Peuple dont nous sommes les mandataires a besoin de connaître la vérité, nous devons la lui livrer crûment à travers les dispositions contenues dans ces différents textes que sont : la constitution, le code électoral et le code des collectivités locales.

Pour la part qui la concerne, la Constitution du 7 mai 2010 enferme, dans un délai légal impératif, l’organisation et la tenue de l’élection présidentielle. Il s’agit d’une disposition très rigide qui, par conséquent, n’admet aucune dérogation dans la mesure où, en son article 28, ce texte dispose que,  je cite : ‘’Le Scrutin pour l’élection du Président de la République a lieu quatre-vingt-dix (90) jours au plus et soixante (60) jours au moins avant la date d’expiration du mandat du Président de la République en fonction…’’, fin de citation :

C’est donc dire que le non-respect de ce délai a pour conséquences d’entrainer la vacance du Pouvoir au sommet de l’Etat dans la mesure où son détenteur actuel deviendra illégal et illégitime. Est-ce un tel objectif que visent les partisans du renversement de l’ordre du calendrier électoral en commençant par les élections locales au risque d’imposer au pays une nouvelle transition ? De bonne foi, je pense plutôt que l’approche technique du problème oppose malheureusement quatre contraintes principales, à savoir :

Tout d’abord, le code des collectivités locales en son article 86, dispose que le nombre de conseillers à élire dans une circonscription électorale doit être proportionnel au nombre d’habitants de cette localité d’où la nécessité de déterminer ce nombre. Dès lors, on se demande sur quelle base faire ce travail puisque le chiffre du dernier recensement est récusé par une partie des acteurs politiques du pays. Si donc on doit aller aux élections locales, il faut commencer par accepter le résultat du recensement général de la population.

Ensuite, l’article 3 du code des collectivités locales dispose que ‘les quartiers et les districts sont des sections des communes urbaines et des communes rurales’’, ce qui oblige à organiser au même moment toutes les élections locales, c’est-à-dire celles des communes urbaines, des conseils de quartiers et des conseils de districts.

La troisième contrainte a trait au code électoral publié en 2013  qui institue un mode d’expression du suffrage qui viole manifestement la règle du secret du vote en disposant ce qui suit :

  • les conseils de quartiers sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle (Article 100 du code électoral) ;
  • les conseils de districts sont élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour et le vote se fait à main levée ou par alignement (Article 102 du code électoral). C’est donc dire que ce code doit obligatoirement faire l’objet de révision.

Il est à préciser que le mandat de ces conseillers est de quatre (4) ans renouvelable. Mais depuis qu’ils ont été installés en 1992, leur mandat n’a jamais été renouvelé.

La quatrième contrainte réside dans l’organisation judiciaire au niveau local où les juridictions compétentes pour juger du contentieux électoral sont les Tribunaux de Première Instance et les Justices de Paix (Article 120 du code électoral). Il convient de les restructurer pour les rendre aptes à gérer les aspects juridiques des prochaines élections locales. Il est vrai qu’une loi portant réorganisation judiciaire initiée par le Ministre d’Etat, Ministre de la Justice vient d’être adoptée par l’Assemblée Nationale et sera bientôt promulguée par le Président de la République. Mais, pour pouvoir l’appliquer, il faut d’abord combler le déficit de 350 magistrats qu’a décelé cette organisation en les recrutant et en les formant.

Il ressort donc de ce qui précède, que le problème des données statistiques fiables de la population pouvant permettre la détermination du nombre des conseillers par circonscription électorale, l’obligation d’organiser toutes les élections locales au même moment, le déficit de l’effectif indispensable de magistrats qu’il faut combler ainsi que la nécessité de les former constituent, entre autres problèmes, des préalables juridiques incontournables à lever avant d’aller aux élections locales.

En outre, comment pouvions-nous réviser le code électoral qui est une loi organique pendant que l’opposition, avec sa minorité de blocage, était absente de cette session, alors que la proposition de loi portant code électoral dont elle est l’initiatrice ne peut être adoptée qu’à la majorité des deux tiers (2/3) des députés. La mouvance présidentielle ne peut à priori disposer de ce quorum qu’exige la loi.

Enfin, pour éviter de violer l’article 86 du code des collectivités locales qui asseyait la détermination du nombre de conseillers à élire par localité sur le nombre de ses habitants, on devrait se servir des chiffres du dernier Recensement Général de la Population. Curieusement, ceux-ci sont récusés par l’opposition qui, pourtant, tient à ce qu’on commence par les élections locales et par conséquent à violer, même si elle ne le dit pas, la loi électorale qui est actuellement en vigueur.

Par conséquent, puisqu’aucun texte juridique, ni la constitution, ni le code électoral, ni le code des collectivités locales, ni aucun autre texte réglementaire n’établit d’hiérarchie ou un ordre de priorité entre les différents scrutins en indiquant un ordre chronologique dans lequel ils devraient être organisés, il est impossible de prouver qu’on viole la loi en ne commençant pas par les élections locales.

Par contre, l’obligation que nous impose l’article 28 de la constitution qui nous fixe une date limite qui ne saurait dépasser le 31 octobre 2015 est irréfragable.

Honorables Députés,

Mesdames, Messieurs,

Il est vrai que l’organisation des élections locales aurait dû avoir lieu depuis longtemps, mais elle ne l’a pas été. La faute incombe non seulement aux autorités de la deuxième République et à  celles de la transition militaire, mais également aux leaders des forces vives.

Je tiens à insister sur le fait que nos mandants et l’opinion internationale ont le droit de savoir que c’est en 1992 qu’ont été mis en place les 305 conseils de quartiers et conseils de districts pour un mandat de quatre (4) ans, pendant que les conseils des 38 communes urbaines l’ont été en 2005 pour un mandat de cinq (5) ans.

Ainsi, en 2010, le mandat des conseillers installés en 1992 était arrivé à expiration depuis 18 ans et ceux installés en 2005 dont le mandat a expiré depuis 2010.

Cette situation a préoccupé les forces vives en 2010 et Alpha CONDE avait, à l’époque, proposé qu’on commence par les élections locales. Mais sa proposition fut rejetée par les autres leaders qui ont exigé la tenue de l’élection présidentielle et proposé que les élections locales ne se fassent que six (6) mois après.

C’est ainsi qu’on alla à l’élection présidentielle. Mais après le premier tour, des débats ont été engagés et ce, pendant quatre (4) mois sur le fichier et le découpage. Et, après le deuxième tour de l’élection présidentielle ainsi que l’installation de Alpha CONDE dans ses fonctions de Président de la République, des débats qui ont duré trois (3) ans ont, de nouveau, été déclenchés sur :

  • les opérateurs SAGEM et WAYMACK,
  • sur l’opérateur local (SABARI TECHNOLOGY)
  • et sur la recomposition de la CENI.

Et, c’est juste au moment où on était prêt à tenir les élections locales que le pays a été foudroyé par la fièvre hémorragique à virus EBOLA dont les conséquences, ajoutées à celles des marches dites pacifiques qui l’avaient précédée, ont affecté très gravement les grands équilibres économiques et sociaux du pays.

Honorables Députés,

Mesdames, Messieurs,

Cette maladie a affecté les équilibres sociaux dans la mesure où les pertes en vies humaines ainsi que les pertes de revenus liées à des pertes d’emplois qui en ont résulté sont considérables.

Quant aux effets économiques d’EBOLA sur l’épargne, la consommation, les investissements publics et privés, comme sur les finances publiques en recettes et dépenses, l’inflation, la valeur interne et externe de la monnaie nationale, ils sont aujourd’hui durement ressentis par toute la population guinéenne.

Et, il faut reconnaître que, n’eut été la très forte implication des humanitaires et des partenaires techniques et financiers, et le renforcement de celle-ci par celle de Son Excellence Monsieur le Président de la République et des services sanitaires nationaux, les conséquences sanitaires et économiques de cette épidémie auraient été bien plus dramatiques.

Comme si tout cela ne suffisait pas, à cette crise sanitaire dont on souffre aujourd’hui des conséquences socio-économiques est venu s’ajouter une crise politique récurrente aux conséquences économiques similaires. C’est ainsi que, dans une étude récente du Ministère de l’Economie et des Finances, le montant des pertes enregistrées par l’Etat du fait des marches de l’opposition s’est chiffré à plus de 93 Milliards Francs Guinéens.

Aussi, voudrais-je dire à mes compatriotes toutes tendances politiques confondues, de s’abstenir maintenant de tous comportements qui peuvent être de nature à compromettre la bonne marche de notre économie qui se trouve déjà dans une situation très difficile. Cette attitude citoyenne n’enlève en rien le droit que confère la loi les citoyens de tenir des manifestations politiques pacifiques autorisées et dont l’objectif ne serait pas d’entamer les fondements de notre république.

Je vous invite plutôt à vous retrouver autour de la table pour dialoguer car, le dialogue est un passage obligé si on tient à la paix dans notre pays ainsi que le développement et la croissance durable de son économie que celle-ci peut générer.

Dans toutes les démocraties et en l’occurrence dans un Etat en construction comme le nôtre, le dialogue politique reste impératif et permet notamment de consolider les acquis démocratiques et sociaux.

De plus, Dialoguer permet de raffermir et préserver la paix sans laquelle l’on ne saurait parler de développement économique et encore moins de croissance durable de son économie.

C’est pourquoi, je ne cesserai jamais de vous inviter à vous retrouver plutôt autour de la table afin de dialoguer et trouver  les solutions aux problèmes qui opposent les uns aux autres dans le respect strict des textes et lois de notre pays.

En tout état de cause, nous ne pouvons pas, en tant que mandataires du Peuple duquel nous tenons la légitimité, cautionner un dialogue dont la finalité serait la violation des lois chargées de préserver ses intérêts.

Honorables Députés,

Chers Collègues, 

Il vous souviendra que c’est avec beaucoup d’ardeur et de confiance en notre partenaire RIO TINTO, que nous avons, au cours de la session des lois de 2014, accepté d’examiner et d’adopter, pour ratification, le projet de loi portant cadre d’investissement du projet Simandou Sud.

Il faut d’ailleurs dire que RIO TINTO faisait de l’adoption de ce projet de loi la condition de reprise de ses activités qui avaient été volontairement gelées au point que la société avait même suspendu tous les contrats avec les sous-traitants.

Face à cette situation, le cadre d’investissement a donc été adopté par tous les représentants du Peuple et ratifié comme rappelé plus haut.

A partir de ce moment, RIO TINTO s’est, à son tour, engagé à finaliser l’étude de faisabilité du projet et à constituer un consortium pour le financement des infrastructures en s’imposant, pour ce faire, une date butoir fixée au 18 juillet 2015. Mais jusqu’à ce jour, rien de tout cela n’a été fait.

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,

Honorables invités,

Mesdames, Messieurs,

Vous comprendrez donc combien de fois la représentation nationale est surprise par ce comportement de RIO TINTO car, que dire maintenant à nos mandants, notamment ceux du périmètre du CORRIDOR qui, chaque fois, nous pressent de questions sur la sincérité de cette société à s’engager effectivement dans notre pays.

C’est là un questionnement auquel seule la société RIO TINTO peut répondre soit en rassurant le Peuple de Guinée, soit en lui disant la vérité que ce gisement est plus tôt GREENFIELD, c’est-à-dire un gisement non encore prêt à être exploité.

Honorables Députés,

Chers Collègues,

Au cours de cette session des lois notre Assemblée Nationale a examiné et adopté plusieurs textes dont la mise en œuvre impactera sans nul doute la vie politique, économique et sociale de notre pays avec les conséquences heureuses qui peuvent en résulter sur les conditions d’existence de notre population. Il s’agit, entre autres :

  • convention-Cadre de Coopération signée le 10 novembre 2011 à Freetown (Sierra-Leone) entre les Etats riverains des fleuves originaires du massif du Fouta Djallon.
  • Loi portant code révisé des Douanes de la République de Guinée.
  • Accord entre le Gouvernement de la République de Guinée et le Gouvernement de la République Française sur la promotion et la protection réciproque des investissements, signé le 10 juillet 2007 à Conakry.
  • Accord relatif à la promotion et la protection des investissements entre la République de Guinée et le Fonds de l’OPEP pour le Développement International (OFID), signé le 10 mars 2006.
  • Loi portant code des investissements de la République de Guinée.
  • Accord portant adhésion de la République de Guinée à la Société Financière Africaine.
  • Loi portant gouvernance Financière des Sociétés et Etablissements Publics.
  • Loi relative au volontariat national jeunesse en République de Guinée.

10-.  Loi portant sur les Télécommunications et les

Nouvelles Technologies de l’Information

(Transposition des Dates Additionnels de la

CEDEAO).

11-.  Traité révisé de la Communauté des Etats

Sahélo- Sahariens (CEN-SAD), adopté le 16

février 2013, à N’djamena (République du Tchad)

par la Conférence des Chefs d’Etats des

pays membres.

12-.  Loi portant réorganisation judiciaire en

République de Guinée.

13-.  Proposition de loi portant application de

l’Article 37 de La  Constitution du 07 mai 2010

et Régimes Particuliers de répression des

infractions Commises par certaines personnalités.

14-.  Projet de loi portant code de la Construction

et de l’Habitation.

15-.  Projet de loi portant maintien de l’ordre Public.

16-.  Projet de loi portant modification de l’ordonnance

N°042/PRG/85 du 25/02/1985 créant l’ordre des

Experts Comptables et Comptables agréés

(OECCA) de la République de Guinée.

Je reste convaincu, que durant nos vacances parlementaires, nous aurons à restituer à nos mandants les bienfaits de ces textes et de toutes les autres activités de l’Assemblée Nationale durant la session des lois. Il ne s’agit donc pas de vacances au sens vrai du terme dans la mesure où chacun de nous est appelé à aller vers la population à la base pour l’informer amplement de ce qu’est et fait l’Assemblée Nationale et de ce qu’elle a fait au cours de la session qui vient de s’achever.

Cela étant dit, je vous souhaite de bonnes vacances laborieuses dans vos Préfectures, Sous-préfectures, Districts voire, pour certains d’entre nous, dans nos villages où la population souhaite vivement être en contact avec ses députés.

C’est sur ces mots que je déclare clos les travaux de la session ordinaire dite session des lois de l’année 2015 ».

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