Censure

Entretien avec l’Ambassadeur du Japon en Guinée (suite et fin)

Le nouvel ambassadeur du Japon en Guinée, son Excellence Monsieur  Hisanobu Hasama est un fin connaisseur du continent, qu’il pratique depuis plus d’un quart de siècle. C’est donc  un diplomate à la conversation aisée, qui a accepté de se prêter à nos questions, dans cet entretien à bâtons rompus qu’il a bien voulu nous accorder. Avec des sujets portant entre autres sur la coopération bilatérale, la dernière présidentielle, les droits de l’Homme et le terrorisme. Bonne lecture.

Est-ce que le Japon veille à ce que son aide soit utilisée à bon escient?

Hisanobu Hasama : Le Japon est un pays intègre dont le peuple aussi majoritairement. Mais, il n’en reste pas moins que dans l’histoire du Japon il ya eu des gens malveillants. Le nombre était minoritaire certes. Le développement économique du Japon dépend largement de l’intégrité des fonctionnaires et des opérateurs économiques. On peut dire, c’est grâce au travail effectué par la Cour des comptes du Japon que cela est possible. La coopération japonaise est aussi sous le contrôle de la Cour des comptes du Japon. Mais le système japonais de coopération est très strict. Une fois signée, une convention gouvernementale, je ne sais pas pour les autres pays mais dans le cas du Japon, on ne donne pas l’argent intégralement et facilement comme ça. Dans la majorité des cas,  c’est un système de réalisation de projet, s’il ya un projet et si une partie du projet est réalisée, l’Agence japonaise de coopération internationale qui est une agence d’exécution, décaisse un fonds nécessaire pour la partie réalisée. Sans avoir la réalisation concrète, visible, l’Agence japonaise de coopération internationale ne décaisse pas. C’est-à-dire, qu’il n’y a pas de magouille dans le cas du système japonais. Cette tradition est toujours valable partout dans le monde. S’il ya des magouilles, ça peut se faire dans le cas de la contribution financière sans motif. Par exemple, il ya un système dont plusieurs pays contribuent financièrement, et puis l’utilisation est décidée par un gouvernement récipiendaire. Dans ce cas-là il serait extrêmement difficile de contrôler les dépenses. Dans le cas du Japon, le Japon ne contribue pas financièrement sans avoir  des objectifs concrets. C’est à la fois un point fort et un point faible du système japonais. Pourquoi je dis point faible, c’est parce que pour concrétiser le programme d’utilisation du fonds d’un projet, on a besoin d’un certain temps. Par exemple, pour savoir le montant nécessaire pour tel projet, on calcule d’abord l’achat des engins, l’achat des matériels, il faut bien étudier le prix des marchés. Pour élaborer le projet avec des coûts estimatifs, cela prend beaucoup de temps. Une fois que le projet est élaboré, à la fin donc du projet, il n’y aura pas de problème sur le budget qui était déficitaire ou trop excédentaire. Dans le cas d’un projet dont le prix estimatif n’est pas bien calculé, ça peut être une source de magouille. La partie japonaise a évité ce genre de choses dans tous les pays auxquels le Japon avait apporté son aide.

Maintenant, est-ce que le Japon est regardant sur les droits de l’homme dans les autres pays avec lesquels il coopère? Et qu’est-ce que le Japon fait dans le domaine des droits de l’homme, dont la défense s’avère nécessaire dans une démocratie?

La grande majorité des pays du globe sont démocratiques. Il ya 193 pays membres des Nations-Unies, dont le Japon et la Guinée. A propos des droits de l’homme, si un pays crie pour le respect des droits de l’Homme, la force d’expression n’est pas très forte. Les droits de l’Homme sont garantis surtout par la pression émanant de plusieurs pays. Dans ce sens, si on regarde le problème des droits de l’Homme, plusieurs pays essaient d’en discuter au sein des Nations-Unies. La résolution des problèmes des droits de l’Homme, le Japon avec le concours des autres pays, y tient toujours.   Déjà dans l’expérience de l’Afrique dans le passé, il y avait beaucoup de cas de violation des droits de l’Homme. Vous vous en souvenez certainement, dans le passé plusieurs pays ont soulevé ce problème de violation des droits de l’Homme au sein des Nations-Unies. Une résolution a été adoptée, c’est déjà une pression extrêmement forte sur le plan moral des dirigeants des pays concernés. La contribution financière ne peut pas toujours résoudre le problème. C’est une question de conscience. Donc, il faut bien sensibiliser. Il ya plusieurs types de droits de l’Homme. On parle aussi de violation de droits de l’Homme relativement lors des élections législatives ou présidentielle. Aussi, à nos yeux, les superstitions ou d’autres croyances peuvent entrainer parfois  des violations des droits de l’Homme. Par exemple, l’excision des femmes qui ne sert à rien, pratiquée dans certains pays constitue un exemple. Nous les peuples des pays situés loin de l’Afrique, c’était incroyable pour nous de croire que  l’excision était pratiquée chez les femmes. On croyait que c’est une histoire de quelques siècles passés. Mais c’est encore pratiqué en Afrique, mais surtout en Afrique de l’Ouest. Et il faut dire qu’il ya des maladies infectieuses qui sont causées par l’excision. Nous essayons d’aménager le système de santé. Nous avons contribué à la construction d’hôpitaux, nous avons octroyé des fonds nécessaires pour le stage des médecins. Ce genre de pratiques  ne contribue à rien, plutôt elles gâchent la santé des femmes. On peut imaginer la destruction au lieu de la construction du corps humain. Dans les quelques pays où j’étais, grâce à la sensibilisation par des ONG avec l’appui des gouvernements, on avait sensibilisé le peuple et les dirigeants sur les méfaits de l’excision. Je ne sais pas si c’est à cause des superstitions ou bien des problèmes économiques des exciseuses que cela se fait. De toutes les façons, ce qui est clair, c’est que cette pratique ne fait qu’aggraver la santé des femmes. Et ça, il faut l’arrêter le plus tôt que possible.

Pour clore, parlons du terrorisme international. On sait que personne n’y échappe, les récents événements à Bamako illustrent cet état de fait. Comment le Japon appréhende-t-il cette épineuse question du terrorisme?

Les terroristes ont beaucoup plus de facilités qu’avant. D’abord les moyens, avant la lance-roquette ou bien les missiles portatifs étaient hors de la portée des simples citoyens. Egalement les fusils et les pistolets étaient hors de la portée des gens. Avant, quand on parlait de terrorisme, c’était seulement avec les couteaux pour poignarder. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Dans le marché noir, le pistolet, le fusil, la mitraillette circulent avec des prix abordables. Si on a de l’argent de poche, on peut acheter ces armes de guerre facilement. Cela aggrave la situation. Ensuite, avec les techniques permettant de dissimuler les armes et les bombes aussi, et si le prix et la technique se combinent, tous les terroristes potentiels peuvent sévir dans tous les pays. C’est ce qui est le grand problème. Il y a aussi des gens qui  croient que dans notre monde, il n’y a que des maux. Les simples citoyens vivent la vie. Le plus important, c’est de respecter les droits des autres. Si on voit la cartographie du terrorisme, ce sont des pays où l’éducation de base n’était pas faite historiquement. L’éducation de base comprend aussi l’éducation sur les droits de l’Homme. Vous pouvez faire toutes les choses, mais respectez les droits des autres sans déranger les autres. Mais avec le terrorisme, ce n’est pas le cas. Cela est dû au manque d’éducation de base. En raison de ce manque d’éducation de base, il ya la pauvreté. Dans les pays industrialisés, les dirigeants ont compris que pour éradiquer le terrorisme, il faut le développement économique des pays concernés. Pour cela, on a besoin de ressources financières. Nous vivons au 21ème siècle, nous ne voulons pas vivre le 19ème siècle ou bien celui du 20ème où il y avait des guerres sanglantes. Il ya trois siècles, dont du 16ème au 19ème siècle au Japon, il y avait des guerres entre les seigneurs. Les seigneurs de plusieurs régions étaient toujours en rivalité. Il y avait des conflits. Ce phénomène se trouvait toujours aussi en Europe aussi. Donc, l’histoire mondiale est parsemée de l’histoire des guerres. A la deuxième moitié du 20ème siècle, il ya eu la création des Nations-Unies. Donc tous les pays sont d’accord pour régler les problèmes diplomatiquement par la voie de discussions. Mais les terroristes refusent la discussion. Et aussi, probablement on a tendance à comprendre que la discussion est inutile pour ces gens-là. Ils ne comprennent rien du tout par la voie des discussions. C’est déjà triste et tragique. On ne sait pas ce qu’il se passe. Il revient en quelque sorte aux dirigeants de l’islam de s’impliquer davantage dans la lutte contre le fléau qu’est le terrorisme. Car la grande majorité des terroristes disent qu’ils sont musulmans et qu’ils préfèrent réaliser le monde de l’époque du prophète (Ndlr, le prophète Mohamed,  Paix et Salut sur Lui). Les dirigeants, les autorités de l’Islam, doivent faire des efforts pour inverser cette tendance. C’est ça  mon avis. 

Merci monsieur l’ambassadeur.

Merci à vous.

Interview réalisée par Mamadou Dian Baldé

et  Oumar Daroun (L’Indépendant)

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