Censure

Abdourahamane Sanoh: «Nous sommes en train de mettre en place des mécanismes en faveur des bonnes pratiques de la gouvernance»

Abdourahamane  Sanoh,  président de la (PCUD) est conscient des lacunes que connait la société civile en tant que contre pouvoir, face à un gouvernement qui peine à répondre à la demande sociale devenue de plus en plus pressante. Dans cet entretien accordé à notre reporter, Abdourahamane  Sanoh fait tout de même preuve d’optimisme de voir la société civile se réformer à l’issue de ses états généraux qui ont démarré, afin de mener la Guinée aux pratiques de la bonne gouvernance.

La Guinée a l’air d’aller très mal aujourd’hui, vu  les crises qui minent la majorité de ses institutions dont la HAC, la Cour constitutionnelle, le mouvement social, la Feguifoot. Malheureusement, la société civile reste les bras croisés, pourquoi cette indifférence qu’on pourrait qualifier d’impuissance?

Abdourahamane Sanoh : Non ! Non ! Il ne s’agit pas d’indifférence. Dans tous les cas, il ya deux types de problèmes. Lorsque vous dites que la Guinée va mal, le premier ne ressort pas dans votre question. Le fait que le moral  des  populations soit pratiquement en berne et que sur le plan économique, c’est très dur, il y a une crise financière qui frappe le pays, c’est une crise mondiale qui nous touche beaucoup du fait des spécificités que nous avons connues. Il y a de l’autre côté les crises institutionnelles, les malaises qui existent dans certaines institutions. Ce qui nous préoccupe en tout premier lieu, c’est notamment ce qui touche aux populations directement. Au niveau de la Cour Constitutionnelle, la HAC et autres on observe, la fédération, je crois que ça évolue, on observe tout cela mais ce qui nous préoccupe aujourd’hui, ce qui est dans notre priorité, ce qui touche directement la condition de vie des populations, et à ce niveau-là nous sommes en train de travailler à sensibiliser. Nous sommes intéressés par tout ce qui concerne la gouvernance. Cet aspect du problème est aujourd’hui  ce qui d’ailleurs fonde vraiment la société civile. Les attentes des populations, les identifier et procéder à une alerte au niveau des gouvernants pour que davantage, une attention soit portée sur la demande sociale. Là, nous le faisons déjà avec beaucoup d’actions. Nous avons mis sur tout le territoire des cellules de veille citoyenne pour s’intéresser à ces problèmes là. Nous même on a mis des mécanismes de remonter et de recherche d’information en place. Aujourd’hui on est en train de travailler sur des stratégies que nous pouvons mener pour faire en sorte que davantage les gouvernants tiennent compte de la demande sociale en matière d’amélioration des conditions de vie des populations.

Où en êtes-vous dans la tenue des états généraux de la société civile ?               

Vous savez on a lancé les états généraux de la société civile en fin 2014, à travers la sensibilisation mais les consultations proprement dites ont eu lieu au niveau de la base déjà dans toutes les préfectures du pays en septembre, octobre l’année dernière. La démarche a été longue en raison des contextes que nous connaissons aujourd’hui. Nous sommes en train de nous préparer à organiser des consultations au niveau des régions et au niveau des familles d’acteurs à Conakry et dans les communes de Conakry. Ce processus là, nous sommes en train de le planifier avec les partenaires qui nous suivent. Nous estimons que cela va être en terme de date, préciser le plus rapidement mais ça ne sera pas encore les états généraux ce sera la phase ou des phases préliminaires. C’est à partir de ces consultations au niveau des régions avec des familles d’acteurs qu’on pourrait aller vers les assises nationales, probablement qui pourraient avoir lieu si Dieu le veut vers la fin de l’année. Et nous pensons que le fait que les processus aient pris tant de temps, a été une bonne chose parce que finalement les défis se précisent pour notre pays et puis aussi pour la société civile, le cadre institutionnel se précise davantage.

Il ya un projet de loi portant  attribution des passeports diplomatiques aux députés et à leurs proches qui a suscité un tollé à la PCUD. Qu’envisagez-vous contre le dit projet ?

Ecoutez, ce projet de loi portant amendement au règlement intérieur de l’assemblée nationale a fait déjà l’objet d’une déclaration de la PCUD. Un député mérite d’avoir un passeport diplomatique. Ce n’est pas là le problème, il se trouve que dans ce document, il ya beaucoup d’avantages que les députés veulent s’accorder que nous trouvons préoccupants.  Dans le contexte où on est, nous sommes dans un contexte socioéconomique qui nécessite que tout le monde, à commencer par les députés, fassent des sacrifices. On exige des sacrifices des populations, on a augmenté les taxes récemment, l’Etat n’a pu diminuer les prix de carburant au moment où les syndicats l’ont demandé le mois dernier, à cause du fait qu’on traverse des crises énormes, en ce moment là je crois que l’Etat doit revoir son train de vie, diminuer les dépenses partout où cela est possible, pour que les populations qui continuent à s’appauvrir de plus en plus ne soient pas la partie de notre nation qui doit continuer à supporter les conséquences de la mauvaise gouvernance dans notre pays. Et les députés demandent des véhicules de fonction, des indemnités de logement, des indemnités de transport, la prise en charge, les frais funéraires, le risque lié à l’exercice de leur mandat. Il demande même la sécurité pour avoir certains avantages, notamment les risques maladies et les risques décès. On trouve que c’est trop pour un pays pauvre. Ils peuvent être tentés de dire que c’est ce qui se passe ailleurs. Nous leur demandons d’œuvrer à ce que les mêmes conditions de vie qui se trouvent ailleurs puissent être en Guinée pour les populations. Dans ce cas, la Guinée serait suffisamment riche pour ne pas prêter attention aux différents avantages… Ils demandent même qu’ils aient les mêmes avantages que les ministres. Je ne sais vraiment pas si la façon de voir les choses au moment où nous avons besoin plus de sacrifices de leurs parts, en tant que représentants du peuple, pour donner la preuve qu’ils sont soucieux, et sont préoccupés de ce dont souffre les populations aujourd’hui en termes de précarité, en termes d’inégalité. Les jeunes sont au chômage, les pères de famille n’ont pas quoi donner à manger à leurs familles, les mères de familles qui se débrouillent pour faire vivre la famille  sont dans des conditions extrêmement atroces.

Donc ce n’est pas le bon moment pour les députés qui disent être les représentants, soient là à se proposer autant d’avantages financiers qui peuvent avoir des conséquences assez néfastes sur notre budget. Nous disons que nous n’approuvons pas cela, surtout dans le contexte actuel. S’ils veulent avoir les mêmes conditions de vie que les députés d’ailleurs, ils n’ont qu’à créer les mêmes conditions de vie pour nos populations que les populations d’ailleurs.

Cette société civile qui devait jouer le rôle de contrepouvoir ne manque-t- elle pas de tonus. C’est du moins ce que pense la majeure partie de l’opinion?

Oui ! bien sûr mais n’oubliez pas d’où elle vient. La société civile guinéenne a joué un rôle très important dans les années 2006 – 2007.

Notamment autour du mouvement syndical parce que c’est elle et le mouvement syndical qui ont vraiment porté le leadership de tout ce qu’on a connu, qui a accéléré le processus démocratique dans notre pays. Elle a évolué, elle a connu sa crise de décroissance et puis il y a eu le décret, à partir du décret en 2010, qui a commencé en 2009 et en 2011, on a commencé la redistribution des cartes. Il y a une forte mutation, beaucoup d’organisations se sont créées en tant que structures faitières dont la PCUD. Aujourd’hui, on peut se réjouir qu’en moins de trois ans que la PCUD soit aujourd’hui l’organisation qui regroupe les plus grandes structures de la société civile du pays. Mais ce n’est pas en trois ans qu’on peut régler tous les problèmes de la société civile parce qu’en même temps le contexte nous exposait à une instrumentalisation du pouvoir ou en tout cas des acteurs politiques. Et donc, cela était bien réel, avant que la presse, les opinions comprennent le rapport des forces. Aujourd’hui ça prend un peu plus de temps, il se trouve que  c’est en ce moment précis ou notre pays va très mal sur le plan social, sur le plan financier, sur le plan économique et ces domaines là sont vraiment les domaines qui interpellent à plus d’un titre la société civile. Je ne parle pas de domaine politique qui est le domaine déjà  dont on est le plus habitué en termes de crises, mais je parle des domaines qui touchent directement les populations. Donc, nous estimons que nous sommes donc interpellés aussi bien à faire face à ces situations là qu’à continuer à la restructuration et à la refondation de la société civile. Ce qu’on est en train de faire à travers les états généraux de la société civile mais aussi à travers les nouvelles dynamiques et des nouvelles initiatives qu’on est en train de prendre pour que déjà toutes les structures engagées de la société civile puissent prendre aussi ces préoccupations qui sont aujourd’hui des préoccupations des populations qui sont exprimées à travers une demande sociale de plus en plus forte et qui doit pouvoir méritée une réponse de la part de la société civile.

Quel appel avez-vous à lancer à la population face à cette crise ?

C’est de dire au peuple qu’elle peut compter sur la PCUD, la CANEG, la COFIG, sur le CNOSCG, sur les syndicalistes qui ont déjà mené des actions extrêmement importants, et sur toutes les organisations comme la coalition des  organisations de défense des droits de l’homme, qui sont membres de la PCUD. Mais des organisations comme la confédération des paysans, les ordres et autres sont en train de se mobiliser pour que nous puissions faire en sorte qu’il y ait une convergence et que les gouvernants prennent franchement en compte la demande qui est celle de la population, c’est-à-dire une gouvernance transparente, une gouvernance qui renoue avec les bonnes pratiques. Mais aussi sur une vision assez claire, là nous sommes en train de travailler à cela, et c’est cet appel que nous lançons.

le démocrate

Entretien réalisé par Alpha Amadou Diallo                                  

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