Censure

Dans une sous-préfecture de Tougué, cette école en ruine fait pourtant des meilleurs scores aux examens

Des murs lézardés, craquelés, défraîchis, une toiture branlante et absente par bien des endroits ; le sol envahi de détritus et d’amas de tables-bancs garni d’herbes hautes, même à l’intérieur des classes. Les images que renvoie depuis des ans le collège de Kansagui, une des neufs Sous-préfectures de Tougué, en Moyenne Guinée, à plus de 400Km de Conakry sont plutôt misérables pour les uns, révoltantes pour les autres. Coup de projecteur sur une infrastructure scolaire en lambeaux qui a fait pourtant l’un des meilleurs scores au BEPC, session 2015-2016.

Le collège de Kansagui ressemble, à priori, à une suite de vestiges des prisons post indépendances. Sur l’écriteau fait de peinture noire, on peut lire aisément à travers une curieuse haie qui ne sert qu’à encombrer davantage la devanture: Collège de Kansagui. Tout de suite, une question taraude l’esprit: c’est une école ? La réponse est décevante, car, en réalité, c’en est vraiment une. Le visiteur le moins attentionné est curieux de voir ce qui se dresse derrière cette clôture en bois, rappelant bizarrement un dégarni patrimoine historique du siècle dernier.

Sur les lieux, on est tout de suite saisi de l’état de délabrement très avancé de cette école. Délabrement très avancé, disions-nous ? Bel euphémisme tout de même ! Cette infrastructure scolaire est en effet tout simplement rendue à la nature. Il n y a pas de clôture. Les bêtes sauvages en font littéralement un havre de paix et de refuse. Les portes et fenêtres de la bâtisse sont invisibles à bien des endroits. Le toit décoiffé depuis bien des lunes, certainement sous l’effet des premières pluies de la saison dernière. Les murs qui ne se rappellent plus la dernière couche de peinture ont, de fait, été bien arrosés par l’hivernage. Conséquence : ils sont cabossés-ici, craquelés-là, branlants et habités d’algues de l’autre côté.

Dans une des salles, c’est un bois qui sert de support, de pilier pour contenir la masse du toit tombant. Le moindre coup de vent c’est toute la suite d’amas de briques, de vielles tôles qui bougent. L’unique salle de classe rescapée à la décrépitude a servi pour abriter certains élèves, le temps de finir l’année scolaire… en beauté ( ?). Le bureau du maître fait d’une simple table de trois pieds (ce meuble-là existe aussi à Kansagui) – le quatrième étant absent depuis des années me rapporte-on – suffi, à lui-seul, pour décrire la peine et les difficultés qui ont accompagné maîtres et encadreurs durant l’année scolaire écoulée.

Ce sentiment d’abandon et d’indifférence a récemment provoqué un certain   sursaut patriotique chez les fils ressortissants et résidents. Ils multiplient actuellement les démarches, notamment avec des maigres cotisations pour tenter de sauver ce qui peut l’être, en vue d’une réhabilitation vraiment partielle de ce collège. Il reste que l’ouverture des classes ne va plus tarder, or, les moyens financiers sont introuvables, en dépit de l’engagement des uns et des autres. « Mais, faudrait-il qu’on se lève pour sauver l’avenir de nos enfants », lançait, dépité mais engagé, un des responsables du bureau de l’Association des ressortissants pour le développement de Kansagui, à sa sortie d’une visite au collège sinistré. Actuellement, l’alerte est lancée. Les ressortissants se partagent les travaux : les uns du ciment, les autres des blocs, etc.

ecole-kadangui

Pourtant, c’est ici, dans cette école chargée d’histoires que l’un des meilleurs pourcentages au BEPC sont enregistrés, avec plus de 80% de réussite. En l’absence du premier responsable de la Sous-préfecture, toujours absent, à cause de maladie.  Cette percée est à mettre à l’actif de l’ensemble des fils de Kansagui qui n’ont rien ménagé avec les encadreurs pour enregistrer ce succès. Un succès qui ne fait pas oublier le défi du moment : la (re)construction pure et simple, voire l’extension et l’équipement du collège.  A défaut de cette bouée de sauvetage, qu’on ne s’y trompe pas, les élèves du collège risquent d’occuper le primaire dont les salles déjà insuffisantes datent ici, des années 50, c’est-à-dire avant l’indépendance de la Guinée. Comme quoi, ici, on n’est pas au bout des peines.

Au-delà d’un simple cri de cœur d’un ressortissant, c’est un SOS retentissant que le tout Kansagui lance pour son collège, aujourd’hui lamentablement en lambeaux. Le primaire de son côté est loin d’être le mieux loti, mais, nous y reviendrons.

Thierno Fodé Sow, de retour de Kansagui pour guinee7.com

 

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