Censure

La lutte contre l’impunité en Guinée, les solutions ne sont pas loin: C’est la loi et nous (Par Maxim Haba)

Qualifié de « mal de l’Afrique » ou de « plaie béante », le phénomène de l’impunité se trouve généralisé sur le continent africain. En Guinée, le fléau est très présent et même banalisé. L’histoire du pays est lourde en faits impunis qu’ils s’agissent des crimes de sang ou des crimes économiques, des violences sur les personnes et les biens…La mémoire collective des guinéens ne semble pas perdre de vue la triste et révoltante réalité de l’impunité. Le constat révèle même une « sorte de légitimation » ou « d’encouragement » du phénomène par les autorités. En effet, dans de nombreux cas de violation des droits les auteurs sont connus mais ne sont point inquiétés, ils déambulent paisiblement dans la cité. D’autres se voient attribués même des hauts postes au sommet de l’Etat.

Il n’est de secret pour personne en Guinée que les affaires judiciaires sont souvent étouffées et la loi tarde à asseoir toute son autorité à cause des arrangements entre copains ou des choix de règlement des problèmes à l’amiable.

Quoi de plus louable que de débattre de la question de l’impunité en Guinée mais encore faudrait-il que les conclusions servent à changer les choses.

Il y a des réalités qui sautent aux yeux et dont les raisons sont évidentes à leurs nombres se trouve la problématique de l’impunité en Guinée. Lutter contre l’impunité demande sans doute des réformes entre-autres de la justice, mais il est utile de dire que c’est d’abord une question d’hommes et de femmes.

Nous sommes la véritable cause de l’impunité…

« Dans les États actuels une loi nouvelle est considérée comme un remède à tous les maux. Au lieu de changer soi-même ce qui est mauvais, on commence par demander une loi qui le change », écrivait Pierre Alexeiévitch Kropotkine dans son ouvrage La Loi et l’autorité,1892. Cette citation a tout son sens en l’espèce car démontre de l’insuffisance, l’inefficacité et de l’ineffectivité des réformes notamment en Guinée. Combien de lois forment l’arsenal juridique répressif en Guinée ? Une multitude. Toutefois le fléau de l’impunité continue à gagner du terrain. Nous estimons que la lutte contre l’impunité ne pourra passer que par un changement de comportements des uns et des autres et avant tout. Les causes de l’impunité en Guinée ne sont pas dix, souvent sont invoquées la faiblesse de l’institution judicaire (ce qui n’est pas faux) et le renoncement des victimes à saisir les juridictions (les deux vont de soi).

Au niveau de nos juridictions le grand problème reste celui du non-respect de la déontologie et de l’éthique chez les magistrats et autres acteurs du système judiciaire. Il est facile en Guinée de remporter un procès à coup de billets de banque sans oublier les influences diverses. Ce n’est pas du tout un secret ! Toute chose qui n’encourage pas les victimes des abus à saisir les juridictions du pays car elles estiment souvent être perdante en avance.
La question de la renonciation à la justice n’est pas que due aux réticences quant au fonctionnement de la justice, elle a une explication plus profonde qui est culturelle. En effet, dans l’Afrique précoloniale il était une habitude qui est que toutes les affaires devraient être réglées par le Chef. Généralement, la forme de règlement choisie par les personnes en conflit était le règlement à l’amiable. Assurément cette manière continue à gouverner les victimes d’abus en les poussant au renoncement à toute saisine du juge .Notons également l’analphabétisme et les préjugés divers quant à l’accès à la justice comme des causes de cette réticence. Si et seulement si les victimes pouvaient prendre conscience qu’elles ne pourront avoir gain de cause que suite à une action en justice et que les magistrats et autres acteurs, restaient fermes devant toute influence ou tout comportement peu recommandable , nous ne serions assurément pas à ce niveau d’impunité.

Les choses n’étant pas aussi faciles que cela, il importe de renforcer l’autorité de la loi.
Nos lois ne sont que des tigres sur papier…

Nous avons de beaux textes, mais leur application pose problème. Lutter contre l’impunité suppose l’existence d’un arsenal juridique répressif effectif. L’effectivité d’une règle juridique suppose que sa violation ou son ignorance soit sanctionnée. Une règle est juridique du fait qu’elle est sanctionnée. L’une des causes de l’impunité en Guinée reste que l’on préfère recourir à des arrangements dans les cas de violations des droits de l’homme qu’à l’application des textes juridiques, ceci généralement pour faire la joie d’un camp. La conséquence est que l’impunité est encouragée car d’autres personnes, sachant qu’elles ne seront pas inquiétées se livreront à des actes contraires à la loi. C’est pourquoi il est plus que nécessaire que force reste à la loi en Guinée. Cela passe sans doute par des réformes courageuses partant de l’institution judiciaire à la réforme des forces de l’ordre, au-delà des différents efforts notables déjà enregistrés.

La lutte contre l’impunité passe fondamentalement par un changement de nos habitudes, la loi ne viendra pas nous changer. Seuls par nos agissements nous pouvons donner à la loi toute son autorité. Qui d’autres que les hommes peuvent donner force à des règles qu’ils ont eux-mêmes édictées ? Personne. Si ceux qui sont censés veiller à l’application correcte de la loi ne le font pas correctement, que dire des autres ?

HABA Maxim
Master Droit Public (France)

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