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Binta ANN, écrivaine et fondatrice d’ONG: «Je mise beaucoup sur les enfants»

Dans cet entretien accordé à notre reporter, la fondatrice de la Fonbale, la Fondation Binta ANN pour les enfants et les femmes  parle de ses différentes œuvres littéraires. Binta ANN explique ce que c’est que réellement la Fonbale. Et se prononce sur le projet « Conakry capitale mondiale du livre »,  et la faible présence des femmes dans le monde littéraire en Guinée. Lisez! 

Présentez-vous à nos aimables lecteurs s’il vous plaît ?

Je suis Binta ANN, enseignante au lycée français, professeur d’anglais. Et, présidente de la fondation Binta ANN pour les enfants et les femmes, Fonbale. Je suis diplômée en éducation enfantine et préscolaire.

Et si vous reveniez sur votre parcours ?

Je suis d’origine guinéenne. J’ai étudié en Guinée en Lettres modernes, avant d’aller en France en 1997 où je me suis orientée vers le tourisme. J’ai travaillé un peu à l’aéroport de Paris. Ensuite je suis allé aux Etats-Unis où je me suis spécialisé en éducation enfantine et préscolaire postuniversitaire. J’ai été comédienne en Guinée ici et militante pour les droits des minorités. En 2003 quand je suis arrivée aux Etats-Unis, je me suis installée là-bas définitivement. Un de mes écrits aussi, « Awa la petite mendiante », avait été réalisé en court métrage par l’UNICEF. Ça c’est ce qui concerne ma carrière littéraire. Après ça, il ya eu « le mariage par colis » en 2004 qui a été réédité tout récemment et qui a eu beaucoup de prix aussi. « Le mariage par colis » dénonce les mariages précoces forcés, qui a été édité à l’Harmattan France. Le premier, « Awa la petite mendiante » a été fait en court métrage par l’UNICEF-Guinée et actuellement j’écris une série de livre pour les enfants sur l’école, l’hygiène et l’instruction civique. En 2008, j’ai créé la fondation Binta ANN pour les enfants et les femmes Fonbale, pour apporter ma contribution pour leur bien-être et assister les plus démunis. J’ai enseigné plusieurs années aux Etats-Unis dans le New Jersey et actuellement je vis en Guinée.

Vous êtes écrivaine, parlez-nous de vos différentes œuvres littéraires. Surtout les thèmes de prédilection ?

Comme je l’ai dit tantôt, j’ai une écriture engagée et sociale. J’écris plus pour essayer non seulement de dénoncer mais de trouver des solutions sur les problèmes des couches vulnérables. C’est-à-dire les enfants et les femmes. Par extension aussi les jeunes. L’une de mes œuvres sur les enfants c’est « Awa la petite mendiante », ça le thème c’était d’encourager la scolarisation de la jeune fille et dénoncer les enfants mendiants qu’on exploite dans les rues de la Guinée et en Afrique en général. Ensuite, il y avait pour les enfants soldats aussi, parce que j’ai fait un peu la Sierra-Leone et, quand j’y suis repartie après plusieurs années, mes amis d’enfance étaient déjà enrôlés dans la guerre. Il ya une autre œuvre également, c’est « le mariage par colis » qui dénonce les mariages précoces forcés par colis. Ces mariages-là malheureusement continuent. Ce n’est pas une façon à nous de dénoncer les mariages arrangés parce que certains arrangés peuvent marcher, mais c’est quand on force les enfants, on les sort de l’école pour les donner en mariage, alors que ces enfants-là n’ont que entre 13, 14, 15 ans. Donc, on essaie de dénoncer ça. J’écris aussi beaucoup d’articles sur l’excision et les mutilations génitales qui, malheureusement continuent et qui est une pratique où la Guinée classée deuxième au rang mondial avec un taux de prévalence de 97%. Donc on pratique assez d’excisions en Guinée, donc j’écris souvent là-dessus. Ces derniers temps, j’ai orienté ma plume pour les enfants, toujours mon domaine. Cela pour plus encourager les enfants à aller à l’école pour lutter contre l’absentéisme et apprendre aux enfants quelques règles de morale, d’instruction civique parce que je me dis plutôt les enfants comprennent quand ils seront grands il y aurait moins de difficultés; un enfant éduqué, un enfant instruit est un adulte responsable de demain. Donc, je mise beaucoup sur les enfants. Donc, la série de livres c’est une série de dix livres de différents thèmes pour ce qui concerne les enfants. Trois ont été édités par l’UNICEF, deux par la Côte-d’Ivoire. Donc je vais continuer jusqu’à ce que j’arrive à atteindre la série de dix livres pour les enfants.

Vous êtes aussi présidente d’une fondation en faveur des enfants. Parlez-nous-en ?

La Fonbale est une fondation qui est à but non lucratif. Elle est là pour assister les enfants. Elle est créée en 2008 aux Etats-Unis parce que c’est là-bas que je vivais. Elle a participé à plusieurs actions sociales. Quelques-uns de ses objectifs c’est lutter contre l’excision, les mutilations génitales, encourager la scolarisation des enfants en général et en plus, apporter le soutien, que ça soit maintenant moral, matériel ou toute sorte d’assistance à ces couches vulnérables des femmes, des enfants et des jeunes. Aux Etats-Unis un moment on s’occupait aussi des enfants dont les parents sont toxicomanes. On a fait aussi une campagne de sensibilisation avec certaines premières dames qui étaient aux Etats-Unis, qui étaient de passage tout le temps. En plus, quand on est rentré en 2012 en Guinée, on a continué avec la fondation en Guinée Fonbale, on a inauguré un siège qui se trouve à Nongo. Et, ici on a diversifié nos activités, nous donnons des cours de soir gratuits à près de deux cents enfants et ces enfants depuis près de trois ans viennent après l’école, nous leur donnons des goûter  si on en a et, si on n’en a pas ces enfants suivent des cours de soir avec des moniteurs que nous avons embauchés. Certains c’est des bénévoles aussi de la fondation qui nous assistent avec les enfants. Nous sommes en partenariat aussi sur l’excision et les mutilations génitales avec l’UNICEF et l’ambassade des Etats-Unis et le ministère des Actions sociales sur ce combat. En ce qui concerne la révision des enfants, nous sommes en partenariat avec la NSIA Banque qui offre des fournitures scolaires à ces enfants chaque année.

Parlons de la lutte contre l’excision, quelles sont les différentes actions que vous avez menées dans ce sens depuis la création de la Fonbale?

Depuis l’année dernière, la Fonbale a organisé toute l’année des activités de sensibilisation dans la commune de Ratoma. C’est nous qui avons la commune de Ratoma en charge parce qu’il ya une forte concentration des populations pratiquant cette excision de façon générale. Et, on a fait beaucoup d’ateliers de formation, de sensibilisation en langues nationales, nous avons fait des panneaux éducatifs qu’on a implantés dans quelques écoles partenaires. Je crois qu’on n’a pas eu assez de moyens, les moyens que nous avons eus, nous en avons fait ces panneaux dans quelques écoles primaires de la commune de Ratoma. Nous avons formé des formateurs, nous avons fait aussi des activités avec les exciseuses qui sont devenues des formatrices et sensibilisatrices. Nous avons travaillé avec trente et trois groupements féminins de la commune sur ça. Nous avons sensibilisé les hommes qui sont dans les cafés, les buvettes, les espaces publics en ce qui concerne cette sensibilisation qui continue avec une extension d’un an encore dans la commune de Ratoma.

Lutter en faveur des enfants demande assez de moyens, où est-ce que Fonbale puise ses ressources?

Les moyens que nous recevons c’est pour des projets bien déterminés, on fait ces projets avec et puis c’est fini. C’est surtout par les moyens à travers mon petit salaire ou les contributions des membres bénévoles de la Fonbale. Il ya quelque bonnes volontés aussi, sinon il n’ya pas de subvention spécialement pour s’occuper de l’éducation de ces enfants.

Maintenant revenons dans le monde du livre. Dites-nous, quel est le nombre de femmes au sein de l’association des écrivains de Guinée?

Il n’ya pas autant de femmes que d’hommes. Parce que pour des raisons diverses et variées, même si nous écrivons ne publions pas beaucoup comme les hommes. Les femmes de plus en plus montrent ce qu’elles savent faire. Elles écrivent, elles écrivent très bien les femmes guinéennes mais le fait qu’on n’est pas trop poussé en avant c’est un peu compliqué. On ne nous valorise pas comme il le faut. La femme actuellement dans nos sociétés, c’est l’inverse, c’est elle qui est devenue maintenant le chef de famille; c’est elle qui se bat dehors parce que les maris, nos papas, nos frères, beaucoup sont au chômage. Economiquement c’est très dur dans les pays du tiers-monde actuellement. Ces femmes braves qu’elles sont, se lèvent très tôt le matin, le temps de finir le petit commerce, le temps de finir son boulot, le temps de venir s’occuper de l’éducation des enfants, la révision tout ça là, le temps de finir toute une journée, on a que peu de temps pour le faire. Je pense que ça ne doit pas être une excuse pour ne pas écrire. Parce que, comme elles savent le faire, elles peuvent le faire, elles doivent trouver le temps. C’est une question d’organisation. Il faut que les femmes, que nous arrêtons maintenant de nous victimiser ou de nous mettre au second plan, nous-mêmes en disant qu’on attend qu’on nous pousse en avant. Nous pouvons le faire par le travail, par la compétence, parce que les femmes sont aussi compétentes que les hommes. On est en train de demander l’égalité, salaire égal, travail égal, mais il faut que nous montrions déjà la volonté de le faire. S’il n’ya pas cette volonté, peu importe l’envie du pouvoir public, l’envie avec des personnes qui nous travaillons, l’envie des gens que nous voulons qui nous poussent, peu importe cette envie, nous ne pourrons pas avancer. Il faut que cette motivation vienne des femmes elles-mêmes, il faut qu’elles sachent qu’elles peuvent le faire, donc elles doivent le faire. Dans cette association d’écrivains il ya plus d’hommes, il faut que nous revoyons ça pour que les femmes puissent être éditées parce qu’actuellement nous avons des éditeurs qui peuvent le faire.

Quels sont vos rapports avec les autres écrivains guinéens?

J’ai de bons rapports et j’occupe une place dans le bureau de l’association des écrivains de Guinée. Je suis chargée des droits d’auteurs pour le nouveau bureau. Parce qu’avant il y avait plusieurs associations, elles se sont combinées. Donc il ya une grande ressource à partir du moment que nous sommes ensemble. Parce que être par-ci par-là, ce n’était pas facile de travailler. Donc depuis le congrès, on est devenu une association et c’est devenu très fort. J’ai une bonne relation. Je suis l’une de leurs benjamines et, beaucoup d’entre eux je les ai vus étudier au lycée, à l’université ou au collège. Ce sont des hommes et des femmes que je respecte. Certains m’ont vu grandir, j’apprends beaucoup avec eux.

Parlant de Conakry capitale mondiale du livre, que représente cet événement pour vous?

Conakry capitale mondiale du livre c’est un rêve qui est devenu une réalité, ça été un combat. Ça ne peut être qu’une joie pour nous. C’est un honneur même que la Guinée soit choisie, parce qu’il y avait d’autres candidats aussi valeureux. Mais la Guinée se bat beaucoup. On n’a pas assez de moyens mais on a montré notre volonté, on a montré que nous voulons et nous pouvons le faire, nous pouvons l’organiser. C’est tout le pays qui est invité à soutenir Conakry capitale mondiale du livre. Tout le pays doit être concerné, parce qu’on va inviter tout le monde entier chez nous. C’est aujourd’hui même qu’on doit commencer et de ne pas attendre en 2017 pour se lever pour le faire. Il ya déjà un comité qui est mis en place coordonné par Sansy KABA. On peut être derrière cette équipe, nous sommes tous dedans, pour pouvoir faire de cet évènement culturel, un événement unique du genre en Guinée.

Quelles sont les chances pour la Guinée de réussir ce pari?

Pour réussir ce pari? Ô, 100% on va le réussir. Parce que nous sommes des personnes motivées. Nous allons tout faire pour réussir ce pari. Si on a voulu le faire, c’est qu’on pense qu’on peut le faire. Il ne faut pas qu’on dise déjà tout va aller bien si on ne se prépare pas. Toute guerre qui n’est pas préparée est vouée à l’échec. Donc, ça c’est notre nom en jeu, c’est l’honneur, c’est la crédibilité. On fera notre mieux et vous aussi la presse, on compte sur vous pour motiver les gens, pour en parler autour de vous « Conakry capitale mondiale du livre », un événement unique en son genre en Guinée.

Quelles sont les perspectives de “Beija’’ en tant que littéraire?

En tant que littéraire, c’est poursuivre l’écriture des manuscrits pour les enfants et terminer mon roman que j’ai commencé.

Et les perspectives pour Fonbale?

Pour Fonbale à long terme, c’est trouver un centre digne du nom pour ces deux cents enfants que nous ne pouvons pas contenir tous (Ndlr, au siège actuel), où ces enfants peuvent venir réviser, faire des activités culturelles, faire des activités physiques, des activités intellectuelles pour pouvoir contribuer à leur développement, parce que les enfants ont besoin de ça pour s’épanouir. Un enfant qui n’est pas bien encadré on voit toujours les conséquences à son âge adulte. Donc il faut vraiment donner de l’importance à ces enfants. Ils en ont besoin.

C’en est terminé pour cet entretien à moins que vous ayez quelques choses d’autres à ajouter…

Je tiens à vous remercier déjà pour votre déplacement et le soutien durant toutes ces trois dernières années depuis que je suis de retour en Guinée, toute la presse à travers vous. Merci. Et toutes les personnes qui m’ont soutenue, merci. Et, le combat ne fait que commencer parce que tant qu’il ya un seul enfant dehors, qui a faim, ou qui dort dehors, ou qui dort mal, ou qui ne va pas à l’école, c’est qu’on doit continuer le combat. Merci beaucoup.

Entretien réalisé par Oumar Daroun pour l’Indépendant, partenaire de guinee7.com

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