Censure

Cellou Dalein à Libé : « Alpha Condé n’hésite pas, à Conakry, à se prévaloir de son appartenance à l’Internationale socialiste, de ses amitiés haut placés et de ses liens personnels avec des grandes figures du pouvoir »

Cellou Dalein Diallo, à la tête de l’opposition en Guinée, devrait se présenter à l’élection présidentielle prévue pour fin 2015, face à Alpha Condé, au pouvoir depuis 2010 et premier chef d’Etat démocratiquement élu dans ce pays indépendant depuis 1958.

Vous avez appelé à manifester avec les centrales syndicales le 7 janvier. Vous lancez un nouveau mot d’ordre pour le 27. Pourquoi revenir dans la rue ?

Parce que le pouvoir n’a toujours pas fixé les dates des élections municipales et présidentielles qui doivent se dérouler cette année ! Nous demandons aussi que ces élections ne soient pas couplées pour éviter des fraudes massives qui, on le sait, interviendront de toute manière. Aujourd’hui, aucune date n’a été donnée, aucune information n’a été communiquée par la commission nationale indépendante. Il n’y a plus de dialogue. Nous sommes dans une impasse alors que le pays meurt de faim, que des foyers Ebola ne sont pas encore sous contrôle et que les prédations économiques continuent.

Que retenez-vous des grandes manifestations du 7 janvier ?

D’abord que la rue a totalement basculé dans l’opposition à ce pouvoir répressif qui n’entend pas la colère d’un pays étranglé par la dette, qui n’entend pas la voix des syndicats ou des gens qui manifestent pour la démocratie et la transparence. Ce pouvoir est dans un enfermement inquiétant.

Comment expliquez-vous que le pouvoir ait refusé l’aide européenne pour organiser les élections ?

L’aide de l’Europe était fixée à 26 millions d’euros. Alpha [Condé] l’a refusée, ainsi que toute assistance technique, au motif qu’il s’agit d’un acte souverain d’organiser des élections alors que, dans le même temps, le patrimoine et les mines, notamment, ont été cédés aux proches du Président et les fonctionnaires sont à peine payés.

Que comptez-vous faire ?

Nous n’avons qu’une voie, celle de la manifestation. Nous savons que nous serons encore réprimés, que des militants vont encore perdre la vie ou que d’autres seront enfermés et jugés sévèrement par une justice à la solde de ce pouvoir.

Comment avez-vous été reçu par la cellule Afrique de l’Elysée ?

Disons assez fraîchement, mais j’ai naturellement alerté un certain nombre de mes interlocuteurs de la dérive autoritaire et prévaricatrice du pouvoir en place. Alpha Condé n’hésite pas, à Conakry, à se prévaloir de son appartenance à l’Internationale socialiste, de ses amitiés haut placés et de ses liens personnels avec des grandes figures du pouvoir.

Recueilli par JEAN-LOUIS LE TOUZET (Libération)

 

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