Censure

Contrôle fiscal : La fuite en avant du général Mathurin

Sous d’autres cieux, frauder le fisc peut coûter cher, car les infractions en la matière sont passibles du pénal. Sauf qu’en Guinée, certaines grosses huiles, usent de leur position dominante, pour refuser carrément de s’acquitter, en envoyant paître les inspecteurs des impôts. C’est le cas du général Mathurin Bangoura, le tout puissant gouverneur de Conakry.

Aux dires des économistes, le budget de l’Etat repose sur les taxes et impôts prélevés mensuellement ou annuellement sur les revenus des contribuables, et parmi lesdits contribuables les opérateurs économiques constituent la grosse batterie. L’Etat guinéen ne fait certainement pas exception à la règle en matière de collecte de ressources financières, seulement sa particularité est qu’il enregistre un montant faramineux des déperditions des recettes aussi bien dans le refus de paiement par des contribuables que dans la gestion de ce qui entre dans les caisses.

Pour en savoir un peu plus des réalités du recouvrement de nos taxes et impôts, faisons un tour dans les couloirs de la Direction nationale des impôts et écoutons quelques potins qui y ont cours. Le mois dernier une mission d’inspection se serait rendue à Kamsar pour vérifier la comptabilité d’une société de gardiennage. Le gérant de la société aurait dit à la mission qu’il ne saurait répondre à ses questions sans l’autorisation de son patron qui réside à Conakry. Il aurait précisé que le patron, c’est le général Mathurin Bangoura, gouverneur de Conakry.

Dans l’impossibilité d’obtenir le moindre chiffre, la mission serait revenue à Conakry et aurait demandé audience auprès du gouverneur. Celui-ci l’aurait reçue en s’étonnant : « Comment savez-vous que j’ai une société de gardiennage ?

Monsieur le gouverneur, votre société est bien immatriculée au registre du commerce. Nous avons le répertoire de toutes les sociétés agréées en Guinée, aurait rétorqué l’un des inspecteurs.

Alors que voulez-vous de moi, que je paye des impôts, aurait alors lancé le gouverneur, à ses visiteurs.

C’est bien cela, Monsieur le gouverneur, ont-ils répondu.

Ecoutez-moi bien, vous connaissez Bouréma Condé le ministre, il a trois sociétés. S’il paie je paie, s’il ne paie pas je ne paie pas. Allez, sortez de mon bureau », voilà en définitive ce qu’aurait balancé à la figure de la mission d’inspecteurs, M. Mathurin Bangoura.

La leçon de cet entretien malheureux est que certains gros bonnets de l’Etat, qui portent sans l’exhiber, une casquette d’opérateur économique, jouent du trafic d’influence et refusent de s’acquitter des taxes et impôts qu’ils doivent à l’Etat. Il n’ya que les citoyens sans défense, les ‘‘petits Mamadou’’ qui s’empressent de payer, de peur de voir leurs entreprises fermées. Eux aussi négocient parfois avec les agents de recouvrement pour ne s’acquitter que partiellement.

Un inspecteur confie par ailleurs qu’il arrive des fois que la Direction rappelle une mission sur le terrain en lui disant « Arrêtes là, cette société est recommandée ».

L’autre goulot d’étranglement de la rentrée des recettes de notre Etat réside dans la gestion de l’argent collecté auprès des contribuables. Les plus pauvres des employés ou cadres des impôts ont au moins leur maison de retraite. Quant aux plus nantis, ils possèdent chacun une série de villas cossues, des véhicules ou un compte bancaire bien garni. C’est chez-nous que les gens disent couramment qu’il faut être maudit pour ne pas se servir quand on travaille dans le circuit financier.

Ainsi va la république d’Alpha Condé où les plus forts, où les plus rusés font la loi, où les riches continuent de s’enrichir et les pauvres de s’appauvrir ?

O. TIERO (Le Démocrate)

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