Censure

Enquête sur les événements de janvier et février 2007 : L’heure des comptes a-t-elle sonné pour les syndicats ?

Amadou Diallo, à la tête du plus puissant syndicat de la Guinée, la CNTG

L’ex-présidente du conseil national de la transition (CNT) Rabitatou Sérah Diallo, a été invitée à témoigner de son rôle dans les événements qui ont failli précipiter la chute du régime de Conté entre janvier et février 2007. Devant le tribunal de première instance de Dixinn, où elle s’était présentée le mardi dernier, la syndicaliste a déclaré ne pas être préparée à témoigner devant une cour, dans l’improvisation. Et d’avancer qu’elle avait besoin de temps, pour procéder à des consultations avec le mouvement syndical, vu qu’elle n’est pas la seule concernée dans ce dossier judiciaire, qui vise à faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé de janvier à février 2007, lors des convulsions sociales, qui ont causé des pertes en vies humaines, et d’importants dégâts matériels dans le pays.

La venue de l’ex présidente du conseil national de la transition (CNT) mardi dernier au tribunal de première instance de Dixinn, avait mobilisé les médias. Car la nouvelle avait déjà fuité, et les commentaires allaient bon train dans la cité, sur les motifs de cette convocation d’un leader syndical, de surcroît de la trempe de Raby, devant une juridiction. Même s’il faut bien le réitérer, nul n’est au-dessus de la loi. C’est surtout la coïncidence de cette comparution avec la date du 13 mai initialement prévue pour le déclenchement d’un mouvement de grève, à l’appel du mouvement syndical, qui faisait que cela revêtait un caractère étrange aux yeux de maints observateurs.

Mais au final, l’on a compris que la convocation de l’ancienne présidente du CNT s’inscrivait dans le cadre d’une enquête judiciaire portant sur les événements de janvier et février 2007.

Des convulsions sociales, dont elle  avait été l’un des acteurs principaux, aux côtés du défunt Ibrahima Fofana, ex-secrétaire général de l’USTG. Sept ans après cette révolte populaire qui avait gagné quasiment tout le pays, avec des populations réclamant du pain, l’heure des comptes semble, avoir sonné pour les centrales syndicales. C’est du moins ce que laisse entrevoir la convocation de la trentaine de syndicalistes, dont Rabiatou Sérah Diallo, devant le tribunal de Dixinn, pour des besoins d’enquête. Car les parents des victimes de la répression qui s’est abattue sur les manifestants, durant ces convulsions sociopolitiques, ont besoin de connaître la vérité sur leurs bureaux.

Ce n’est d’ailleurs pas de gaîté de cœur que le gouvernement a ouvert un tel dossier. C’est plutôt la pression de la communauté internationale, notamment les défenseurs des droits humains, qui auraient contraint le pouvoir d’Alpha Condé à se lancer dans une telle démarche. Sans bien évidemment une véritable assurance, que cela produise l’effet escompté.

On peut bien douter de la volonté et des moyens de la justice guinéenne à mener jusqu’au bout une telle affaire, qui incrimine des hauts gradés de l’armée, dont certains sont toujours en fonction. En
attendant de vivre les péripéties de ce dossier, il faut souligner que Raby avait répondu à la convocation, sans se faire accompagner de ses camarades syndicalistes. Mais, elle a trouvé le temps trop juste, pour répondre à la préoccupation des magistrats. Ayant été prise au pied levé, pour témoigner dans une affaire aussi délicate, en tant que partie civile.

«Je ne suis  pas au-dessus de la loi. Je suis une citoyenne, si je suis convoquée, je dois répondre, et je dois faire confiance à la justice guinéenne », a-t-elle laissé entendre, au sortir du tribunal. « C’est pourquoi je me suis  présentée seule au tribunal, en demandant aux autres syndicalistes de ne pas faire le déplacement et de ne pas envoyer des gens », a déclaré l’ex secrétaire générale de la CNTG. Qui a estimé  que la convocation « était vague ».

« On me dit que c’est une convocation pour témoignage. Je suis venue, et ils m’ont dit que c’est les événements de janvier-février 2007. Je ne suis pas préparée à ça. Je ne peux  pas répondre à ça, parce qu’il y a les autres leaders syndicaux. Il  y a toute une liste même docteur Ibrahima Fofana, paix à son amen est cité », a-t-elle indiqué à la presse.

L’ancienne présidente du conseil national de la transition (CNT) a souhaité  une concertation entre syndicalistes pour convenir d’un même langage. ‘’Car nous avons tous été victimes au même titre. Nous avions mené ce combat pour le peuple de Guinée, pour une justice sociale.

Donc je ne suis pas prête à répondre aux questions auxquelles je ne me suis pas préparée », a lancé Raby. Qui a toutefois déploré l’attitude du tribunal, qui selon elle,  devrait préparer les gens à l’avance, lorsqu’il y a une procédure engagée contre eux.  « Les autres aussi vont venir parce qu’ils sont cités aussi dans cette affaire. Mais ça sera la même chose. Est-ce que c’est du sérieux?, s’est interrogée Raby.

En outre, elle a réitéré qu’elle demeurera syndicaliste à vie. Et que personne ne pouvait l’intimider.

Le procureur Aboubacar Sylla, visiblement gêné par ces propos de la présidente, a interdit aux journalistes toute prise de son, ainsi que des images dans la cour du tribunal.  Mais Hadja Rabiatou Serah Diallo a tenu à s’exprimer haut et fort, pour dit-elle éclairer la lanterne de ses compatriotes sur le fonctionnement de l’appareil judiciaire.  « Non, il faut que je lève l’équivoque dans cette affaire, pour informer la population » a-t-elle rouspété.

Le procureur s’est finalement confondu en excuse devant la syndicaliste. Voilà qui ressemble bien à du folklore. Mais faudrait-il que Raby ne tente pas de ‘’s’extirper’’ des griffes de la justice. Elle, qui est soupçonnée d’opérer une fuite en avant, en agitant l’épouvantail du syndicalisme. Pour faire peur sans nul doute le gouvernement…

In L’Indépendant

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