Censure

José Graziano da Silva : « Le moment est venu de s’attaquer à la malnutrition et à ses coûts humains extrêmes »

Message de José Graziano da Silva, Directeur général de la FAO et Margaret Chan, Directrice générale de l’OMS en prélude de l’ouverture de la Conférence Internationale sur la Nutrition. Rome, 19-21 Novembre 2014. 

Le fléau de la malnutrition touche les plus vulnérables et c’est durant les premiers stades de la vie qu’il fait le plus de ravages. Aujourd’hui, plus de 800 millions de personnes souffrent de faim chronique, soit environ 11 pour cent de la population mondiale. La dénutrition est la cause sous-jacente de près de la moitié de tous les décès d’enfants, et un quart des enfants dans le monde souffrent d’un retard de croissance dû à une nutrition inadéquate. Les carences en micronutriments – dues à des régimes alimentaires pauvres en vitamines et minéraux, également appelées la «faim cachée» – affectent 2 milliards de personnes.

L’obésité, autre forme inquiétante de la malnutrition, est à la hausse. Plus de 500 millions d’adultes sont obèses du fait d’une alimentation trop riche en graisses, sucres et sel. Cela expose les individus à un risque accru de maladies non transmissibles comme les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux, le diabète et le cancer, qui sont actuellement les principales causes de décès dans le monde. Une mauvaise alimentation et l’inactivité physique représentent aussi 10 pour cent de la charge mondiale de morbidité.

De nombreux pays en développement sont actuellement confrontés aux multiples problèmes engendrés par la malnutrition. Il arrive, par exemple, que des personnes vivant dans la même communauté – parfois la même famille – souffrent de sous-nutrition, de faim cachée et d’obésité.

Les chiffres de la malnutrition sont choquants et doivent servir d’appel mondial à l’action.

Outre la souffrance humaine terrible qu’elle engendre, la malnutrition a un impact négatif sur la capacité des pays à se développer et à prospérer. Le coût des différentes formes de malnutrition est estimé entre 4 et 5 pour cent du PIB mondial.

Chefs de gouvernement, scientifiques, nutritionnistes, agriculteurs, représentants de la société civile et du secteur privé du monde entier prendront part du 19 au 21 novembre 2014 à Rome aux travaux de la deuxième Conférence internationale sur la nutrition (CIN2). C’est une occasion qu’ils ne peuvent pas se permettre de rater, l’enjeu étant de transformer en réalité mondiale le droit des peuples à une alimentation saine.

Les systèmes alimentaires actuels ne sont ni soutenables ni sains

La création de systèmes alimentaires sains et durables est essentielle pour surmonter la malnutrition sous toutes ses formes, et la palette est large qui va de la faim à l’obésité.

La production alimentaire a triplé depuis 1945 tandis que la disponibilité alimentaire moyenne par personne n’a augmenté que de 40 pour cent. Nos systèmes alimentaires nous ont permis d’augmenter la production, mais au prix d’un coût environnemental élevé et sans avoir éliminé la faim pour autant. Ces systèmes ont continué d’évoluer en produisant des quantités de plus en plus grandes de denrées alimentaires transformées et commercialisées, ce qui a gonflé l’offre d’aliments à haute valeur énergétique contenant beaucoup de graisses, de sucres et de sel.

Aujourd’hui, nos systèmes alimentaires ne sont tout simplement ni soutenables ni sains. Ils le seront encore moins en 2050, lorsque la planète devra nourrir plus de 9 milliards de personnes. Nous devons produire plus d’aliments nutritifs tout en préservant la capacité des générations futures à se nourrir. Autrement dit, pour mener une vie saine et productive nous avons besoin de systèmes alimentaires sains et durables, capables d’assurer à la fois l’équilibre diététique et la production en quantités suffisantes d’aliments de qualité accessibles à tous. 

Agir tout de suite

En prévision de la CIN2, les pays ont convenu d’une Déclaration politique et d’un Cadre d’action sur la nutrition préconisant des recommandations pour élaborer des politiques publiques cohérentes en matière d’agriculture, de commerce, de protection sociale, d’éducation et de santé, des politiques orientées vers une alimentation saine et une meilleure nutrition à tous les stades de la vie.

Le Cadre d’action offre aux gouvernements une feuille de route pour élaborer et mettre en œuvre des politiques nationales et investir tout au long de la chaîne alimentaire afin d’assurer une alimentation saine, variée et équilibrée pour tous. A cet effet, il convient de renforcer la production agricole locale et la transformation des aliments, notamment en utilisant la production des agriculteurs familiaux et des petits exploitants pour servir des repas scolaires. Il convient également de réduire les graisses, les sucres et le sel dans les aliments transformés, d’inciter les écoles et autres institutions publiques à offrir une alimentation saine, de protéger les enfants contre les aliments et les boissons de qualité douteuse et laisser les gens faire des choix de consommation éclairés.

Certes, les ministères de la santé, de l’agriculture et de l’éducation sont censés agir en chef de file, mais pareilles tâches sont également dévolues à toutes les personnes impliquées dans la production, la distribution et la vente de nourriture.

Le Cadre d’action de la CIN2 préconise aussi des investissements conséquents pour garantir l’accès universel à des interventions nutritionnelles efficaces, notamment la promotion et le soutien de l’allaitement maternel et l’amélioration en quantité et qualité de l’alimentation des mères.

Les pays peuvent lancer de telles initiatives dès à présent. La première étape consiste à se fixer des objectifs de nutrition nationaux dans l’optique d’une mise en œuvre des objectifs mondiaux convenus dans le Cadre d’action. La CIN2 offre un moment privilégié et un cadre idéal pour prendre de tels engagements.

La FAO et l’OMS sont disposées à aider les pays dans cet effort. Dès lors que l’engagement se muera en action et qu’une coopération plus efficace entre pays et avec d’autres partenaires se sera engagée, le monde aura une chance réelle de mettre fin, en l’espace d’une génération, aux multiples problèmes engendrés par la malnutrition sous toutes ses formes.

Source : FAO/Guinée

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