Censure

L’appel d’un cardiologue: « je demande au gouvernement de soutenir la prise en charge des pathologies cardio-vasculaires qui demandent des coûts exorbitants »

La Rédaction de l’Agence Guinéenne de Presse a rencontré un cardiologue de l’Hôpital National d’Ignace Deen (Conakry) pour  parler de la Cardiologie dans sa globalité et des maladies liées à ce service. Dr Koffi Kouakou Olivier, est cardiologue à l’Hôpital national Ignace Deen de Conakry

Docteur, parlez nous de la cardiologie

La Cardiologie est une spécialité de la médecine qui s’occupe des maladies cardio-vasculaires, c’est-à-dire le fonctionnement du cœur et toutes les pathologies qui pourraient atteindre le fonctionnement du cœur.

 Quelles sont les causes des crises cardiaques en Guinée de façon globale ?

 Ce sont ces causes même qui représentent la pierre angulaire des études en cardiologie, c’est une maladie qui est d’abord méconnue des populations, mais qui créent beaucoup de victimes. La crise cardiaque est une appellation courante des profanes de la cardiologie, sinon c’est l’infarctus du myocarde qu’on appelle crise cardiaque. Elle survient lorsqu’une artère coronaire est bouchée,  soit par un caillot de sang. L’artère coronaire assure la circulation du sang au niveau du cœur. Une fois que cette artère coronaire est bouchée, le sang n’arrive plus à passer à travers le caillot de sang pour irriguer la zone qui est en avale. Alors il peut y avoir une mort partielle ou bien totale du muscle cardiaque qui se trouve en aval.

Toutes les pathologies qu’on trouve en cardiologie peuvent provoquer la crise cardiaque,  même l’hypertension artérielle dont on parle, entraine la crise cardiaque. Mais, ce qui favorise beaucoup plus la survenue de ces crises cardiaques, ce sont des facteurs qui prédisposent  à la crise. Par exemple,  il y a l’obésité, le stress entrainé par trop d’efforts intellectuels, la sédentarité aussi c’est-à-dire les personnes qui ne font pas le sport, le tabac.  Le diabète également peut causer les crises cardiaques.

Peut-on aujourd’hui avoir des statistiques du nombre de décès en moyenne par an de crises cardiaques en Guinée ?

Les statistiques sont mal élucidées parce que c’est un gros problème que notre service rencontre, ce qui fait que nous ne nous basons que sur un certain nombre d’échantillons  pour une période donnée. On peut catégoriser les statistiques par exemple en tranche d’âges : si le patient est jeune, ou bien s’il est vieux, on peut disposer de ces statistiques, mais une statistique générale, notre service n’en dispose pas pour le moment. Ce qui fait que je ne peux pas trop me prêter à cette question.

Dites nous comment s’effectue le traitement des crises cardiaques ?

Le traitement des crises cardiaques est à trois volets, d’abord il y a le volet des facteurs qui prédisposent à la survenue des crises cardiaques, par exemple si l’individu est fumeur il doit arrêter de fumer, s’il est sous stress il faudrait qu’il diminue le stress, s’il est obèse il faut qu’il diminue la consommation de la graisse etc. Ce sont ces facteurs qu’il faut gérer pour ne pas que la maladie survienne.

Mais quand la crise cardiaque survient, on passe au deuxième volet qui est le traitement médicamenteux  après l’hospitalisation du patient, c’est-à-dire qu’on prescrit les médicaments adéquats pour amenuiser les risques. Ce deuxième volet est associé aux facteurs qui prédisposent  la survenue des maladies cardio-vasculaires.  Mais, il faut préciser qu’il y a le cas de certaines personnes qui font des récidives de crise cardiaque. A ces cas, il faut régulariser les facteurs favorisants, ensuite faire un traitement médicamenteux, et à la longue faire un traitement chirurgical des dérivations, puisqu’ à ce niveau, s’il y a un territoire qui fait que la circulation du sang n’arrive pas à passer, cela peut entrainer une mort totale ou une mort partielle du muscle qui est en aval. Donc le traitement des crises cardiaques se fait à trois niveaux, d’abord le traitement des facteurs de risque, ensuite le traitement médicamenteux, et enfin le traitement chirurgical.

Disposez-vous du matériel  adéquat pour le traitement des patients ?

Je dirai tout d’abord que le personnel médical guinéen est un personnel dynamique et dévoué, mais il faut reconnaitre que le matériel fait beaucoup défaut ici. En effet, à beau avoir la volonté si on n’a pas le matériel  c’est difficile. On ne dispose pas du matériel  adéquat pour pouvoir faire la prise en charge des patients. Mais pour cela,  il faut du matériel approprié que nous ne disposons pas encore. On n’a pas une urgence de cardiologie qui regroupe un certain appareillage, même faire une angiographie on ne peut pas. Donc on n’a pas le dispositif adéquat pour prendre en charge correctement un malade qui fait une crise cardiaque, ce qui fait qu’on a recours aux pays voisins. On peut commencer le traitement jusqu’à un certain niveau mais après, quand  le cas est trop compliqué on se voit dans l’obligation de l’évacuer, faute de matériel.

A part ce problème de matériel,  quelles autres difficultés rencontre votre service ?

Vous savez dans un monde où la technologie est très avancée, un monde de compétition, il faut implicitement le renforcement des capacités, une formation du personnel qui est encore très jeune et qui a soif de sauver des vies humaines.

Un message particulier à l’endroit des autorités et des populations

Aux autorités, je dirais tout simplement de soutenir ce personnel dynamique en lui accordant des bourses d’études  pour le renforcement des capacités  et une remise à niveau. A défaut, faire venir des missions de formation en Guinée. Egalement, trouver des voies et moyens pour équiper les centres hospitaliers afin de minimiser le taux d’évacuation des patients vers l’étranger. J’invite aussi le gouvernement à organiser des missions à l’intérieur du pays pour des dépistages comme nous l’avions expérimenté avec la presse. Nous avons détecté beaucoup de personnes qui commençaient  à développer la maladie. Cela a permis de sauver beaucoup de personnes. Soutenir également la prise en charge des pathologies cardio-vasculaires qui demandent des coûts exorbitants, et  faire des rabais sur certaines prestations de l’hôpital.

Même pas seulement le gouvernement, cet appel concerne également les personnes de bonne volonté qui peuvent apporter leur aide à cet hôpital à travers des dons de matériel ou le financement des projets d’études à l’extérieur, parce que c’est la santé de tous qui est en jeu.

Aux populations, je dirai de réguler le mode de vie. Par exemple, le tabagisme au niveau de la couche juvénile est grave parce qu’il cause des maladies engendrant des crises cardiaques. Je dirai aussi qu’au moindre signe qui peut conduire vers la survenue d’un infarctus du myocarde, il faut se rendre urgemment dans un centre spécialisé de cardiologie pour faire une meilleure prise en charge,  parce que les signes sont douloureux. Ce sont des douleurs qui apparaissent à la poitrine pour certains et pour d’autres ce sont des nausées  et des vomissements qui surgissent, d’autres encore, ce sont comme des crampes localisées au niveau des membres supérieurs. Les populations doivent éviter l’automédication parce qu’à travers ce genre de traitement, elles peuvent aggraver la maladie. Je vous informe que le diabétique peut développer une crise cardiaque sans le savoir parce que le diabète couvre la douleur, il développe sa crise cardiaque, il fait sa mort subite sans savoir. Au personnel de santé, je dirai qu’il faut informer et sensibiliser les populations, en se basant surtout sur les préventions primaires, il ne faut pas attendre qu’il y ait la survenue de la maladie avant d’agir.

                                                                             Propos recueillis par Amadou B. Diallo (AGP)

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