Censure

Le litre de pétrole coûte plus cher en Guinée qu’il ne l’est au Sénégal : la démolition du mensonge d’Etat (Par Ibrahima Sanoh)

Les dirigeants guinéens, incapables, d’expliquer leur refus à faire baisser le prix du pétrole à la pompe   avancent des arguments aussi fallacieux qu’incongrus. Le mensonge et le faux ne gênent pas en Guinée, ils triomphent  et de tout.  Ils avancent que le  litre d’essence coûterait  moins cher en Guinée que partout ailleurs dans la sous-région. Le président Alpha Condé, lui-même, dans une intervention très récente soutenait que le litre  d’essence ferait l’équivalent de 10 O00 GNF au Sénégal  alors qu’en Guinée, chez lui,  coûte  8000 GNF. Il s’empressa de dire que le litre du pétrole coûterait moins cher en Guinée  et que son gouvernement ne pouvait faire baisser le prix de l’essence à la pompe.

Non, le litre d’essence ne coûte pas moins cher  en Guinée qu’au Sénégal. Nos dirigeants font une conversion mécanique en partant des cours officiels des monnaies. Cela s’appelle le taux de change nominal. Mais tous, savons  que le CFA(FOX) et le GNF ne se valent pas. Pour preuve, le  1GNF vaut 0, 08 CFA.  Ce cours est dit croisé  car sa détermination nécessite de passer par des monnaies dites intermédiaires, soit le dollar ou l’euro.  L’argument qui consiste à dire que le litre d’essence coûte plus cher en Guinée qu’au Sénégal est d’une force qu’on ne pourrait l’opposer des brides d’idées, fussent-elles celles d’un gouvernement voulant faire porter à ses pauvres populations les conséquences de ses inconséquences et fourvoiements.    Le litre d’essence, à la pompe vaut 718, 08 CFA au Sénégal.   En Guinée, il vaut 8000  GNF.  Le taux de change réel est l’indicateur qui donnerait le mieux une idée claire sur lequel des deux pays  où le litre d’essence  coûte le plus cher.   Il est le produit du taux de change nominal et du rapport des prix en vigueur dans les deux pays. C’est une grandeur sans unité.

Son calcul montre que le litre du pétrole coûte moins cher au Sénégal qu’en Guinée. Car  le taux de change réel serait :  0,08(GNF/CFA)*718,08CFA/8000GNF. Le résultat est inférieur à 1. Il s’en suit que le  litre du pétrole coûte moins cher au Sénégal qu’en Guinée .  Cela est d’autant plus vrai que le différentiel d’inflation entre les deux pays est considérable.

Au Sénégal, lors des cycles électoraux les dirigeants ne distribuent pas de nouvelles coupures en vue d’acheter des voix. La gestion de la monnaie dans les deux pays n’est pas la même.  L’un est un pays appartenait à une union monétaire, l’institut d’émission y gère mieux la monnaie, l’inflation y est donc  moins grande. L’autre  a un institut démission relié depuis janvier 1980 à la  présidence de la République et où le gouverneur de la banque centrale est un agent électoral qui bat campagne pour le  monsieur qui l’a nommé. Il est sur siège éjectable, il le sait. Il ne peut refuser les avances de l’exécutif .  Les pouvoirs d’achat ne sauraient donc être les mêmes dans les deux pays.   Comment est-on arrivé à l’idée de croire qu’une conversion mécanique des cours de monnaies donnait une idée claire de la cherté d’un bien ? La notion de cherté n’est-elle pas tributaire des pouvoirs d’achat ?

Comme l’argument du gouvernement  est faible et  démoli, on se pose la question de savoir pourquoi il est peu enclin à faire baisser le prix de l’essence alors que le cours du baril  du pétrole est baissier et se trouve à un niveau incroyablement très bas.  Pour répondre à cette question, il n’est pas besoin, comme assez le font de mettre en cause la bonne foi des dirigeants.  Pour moi, tout le monde est de bonne foi.

Répondons à la question en partant de cette   prémisse.  Ainsi,  revenons douze années en arrière et nous comprendrons que  nous vivons les inconséquences accumulées et que les itérations d’erreurs de nos dirigeants successifs continuent à avoir raison de nous. En 2004,  le régime de change  flottant  est adopté par la Guinée, le contrôle des prix des hydrocarbures est supprimé. Ces réformes furent menées dans le dessein  de faire revenir la Guinée  sur la  voie de la FRPC (Facilité de Réduction  de la Pauvreté  et pour la Croissance). En décembre 1999, la Guinée  avait  été déclarée admissible   pour bénéficier   de l’assistance au titre de l’initiative PPTE  et un an après, elle atteignit son point d’achèvement.   En 2002, le FMI  suspendit  la Guinée de la FRPC   à cause  de son hétérodoxie dans la gestion des dépenses publiques.  La guerre le long de nos frontières  dans les années 2000  dut pousser le régime militaire à une course à l’armement. Il le fit non pas avec modération, mais exagérément.  Ayant été dans la difficulté, car abandonné par les institutions financières internationales, la Banque mondiale et le FMI,  notre pouvoir militaire recourut à la planche à billets. Le piètre remède aux  problèmes budgétaires fut implémenté et l’inflation survint.

La suppression du contrôle des prix des hydrocarbures  conduisirent au fait que le cours des hydrocarbures, en Guinée, devaient dépendre de l’offre et de la monnaie  dans l’économie mondiale.  Cela veut dire  que la baisse du cours de baril de pétrole au niveau mondial devait donner lieu à une baisse quasi-automatique en Guinée.  Mais ce n’est pas le cas.  Et, encore, pourquoi ? Parce que la loi de finances en Guinée n’est pas élaborée en tenant compte des chocs exogènes liées à l’économie internationale. Pourtant ça devrait l’être d’autant plus que notre économie  a des performances tributaires à celle de l’économie internationale et surtout du cours de matières premières. Elle n’est donc pas diversifiée, c’est une lapalissade.    Faire baisser le prix du pétrole à la pompe conduira à impacter le niveau des  recettes de l’Etat. Les hypothèses prises en compte pour l’élaboration de la loi de finances 2016, n’incluaient pas  la possibilité  que l’économie guinéenne pâtisse   des chocs liés à  la baisse du cours de pétrole.   Nos seules considérations au sujet des chocs exogènes reposèrent sur les hypothèses de la baisse du cours des matières premières pour lesquelles nous exportons.  Si l’Etat guinéen baisse le prix du pétrole à la pompe, il affectera le niveau de ses recettes et puis la réalisation de ses objectifs budgétaires et économiques au titre de 2016.  D’autant plus que sur les hydrocarbures, il pourrait lever de grandes taxes  et que dans la loi des finances 2016, il a même prévu une retenue à la source de 50 % pour les entreprises minières.   Ses possibilités de financement du déficit cyclique de 740 982 950 000 GNF  reposent premièrement sur la contraction  des emprunts de  l’ordre de    1 624 538 637 000 GNF, ce qui suppose qu’il fasse l’effort que le niveau prévu des recettes ne baisse pas trop pour que les prêteurs  ne soient pas découragés.

Il est donc évident que les Guinéens paient le prix de l’inconséquence de leurs dirigeants, de leur myopie.  Par ailleurs, ils paient aussi le prix des dépenses extrabudgétaires engagées lors des campagnes présidentielles passées et ayant aggravé le déficit budgétaire.  Les quelques taxes mises en place sont dans cette perspective de sauver un pouvoir  qui s’était  prêté à la prodigalité  en distribuant des sommes faramineuses lors des campagnes présidentielles passées.

Aujourd’hui, je réalise qu’il est difficile à la Guinée de se mettre sur la bonne voie menant au salut de son peuple, car les politiques économiques en vigueur ne sont pilotées que pour servir une escouade au détriment de la majorité appauvrie et désœuvrée .  Nos politiques économiques  ne s’inscrivent pas dans la durabilité et sont, sans dénigrer qui que ce soit, des pilotages automatiques et de simples moyens d’implémentation des desidératas  du FMI et de la Banque mondiale, sans aucune innovation.

Le gouvernement aurait dû dire la vérité, bien qu’amer, il se serait fait compris. Mais il recourt au mensonge d’Etat. Cela est une rebuffade. Les syndicats ont le droit d’appeler  à la baisse du prix du litre d’essence à la pompe. En le faisant, ils sont dans leur droit. Devrons- nous payer le prix de la myopie de nos dirigeants et celui de leurs inconséquences surtout qu’ils ont recouru à l’infantilisation en nous mentant ?

 

Ibrahima SANOH

Citoyen Guinéen 

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