Censure

Le président du BOC: «L’opposition déploiera 1 500 personnes pour sécuriser sa marche»

Dans cet entretien accordé à notre reporter, Docteur Ibrahima Sory Diallo, président du Bloc de l’opposition constructive (BOC), dévoile la stratégie de l’opposition en prélude aux manifestations qu’elle prévoit d’organiser dès après le mois de ramadan. Notre interlocuteur profite de l’occasion pour tancer la gouvernance d’Alpha Condé, et plaide pour un changement des mœurs chez nos gouvernants.

Docteur Bonjour, vous venez de rentrer d’un séjour en France. Quel était le but de ce voyage?

Docteur Ibrahima Sory Diallo : Bon, c’était une rencontre entre la jeunesse franco-guinéenne et certains partis politiques jeunes de Guinée, dont mon parti, qui ont été sollicités. A cette rencontre, il faillait débattre de l’essentiel lié à la Guinée et à son futur. Donc vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a une structure qui est née de notre effort qu’on appelait la troisième dynamique. Cette structure renferme plus de neuf pays européens.  Toutes ces personnes se sont rencontrées au palais BOURBON (Assemblée nationale Française). Donc là, il y a une dame Française qui a présidé la séance, qui a été très active dans ce que nous sommes en train de mettre au point en France. La jeunesse de la France et surtout des pays européens s’est donnée la main pour impulser un véritable changement dans l’option 2020. Donc il y avait le parti UFR, il y avait le parti de Badikko. Donc on s’était tous retrouvé là, ce n’était pas la Guinée de l’opposition, c’était des frères qui se sont retrouvés, l’objectif que chacun visait c’était d’impulser un véritable changement au niveau de la couche juvénile, pour les années à venir et consolider les relations de la jeunesse franco-guinéenne.

Nous sommes à la fin du mois de ramadan, qu’en est-il des préparatifs des manifestations de l’opposition, en tant que président du comité de mobilisation?

Oui, malheureusement vous n’avez pas eu l’information, nous avions tenu une réunion le samedi au siège des NFD de Mouctar Diallo, une réunion de l’inter coordination de l’opposition républicaine dans les cinq communes. Nous avons défini toutes les stratégies, nous avons défini les modalités des marches. Nous avons fait un document cadre qu’on a soumis au comité stratégique qui est dirigé par le président Elhadj Cellou Dalein Diallo, monsieur Jean-Marc Téliano, monsieur Aboubacar Sylla et monsieur Sila Bah. Donc le document est déjà examiné à ce niveau, et doit revenir à notre niveau pour qu’on puisse adopter avec la plénière. Bien entendu et que de nos jours, il faut rappeler que toutes les dispositions sont déjà en place parce que ce qui est difficile à avoir c’était de mettre en place les structures. Donc les structures sont déjà en place. Nous avons installé des coordinations des communes, nous avons installé des coordinations des quartiers, il y a pas un quartier de Conakry où on n’a pas les 10 membres de comité d’organisation. Donc toutes les dispositions sont en place. Tout ce que nous nous allons regretter, c’est lorsque le pouvoir va faire la sourde oreille, jusqu’au lancement de ces activités. Nous avons envisagé des séries de sensibilisation. Nous allons lancer cette campagne bientôt. Nous allons sensibiliser la population sur l’objectif qu’on vise. Ce n’est pas la violence, ce n’est pas de mettre le pays en détresse mais c’est de rappeler aux autorités ce qu’elles doivent faire. C’est d’impulser une démocratie digne de nom aux yeux de la communauté nationale et internationale. La Guinée est en train de partir vers une descente aux enfers et nous, nous ne voulons pas que cela arrive. C’est pourquoi le président Condé doit prendre sa responsabilité de convoquer les leaders de l’opposition afin qu’on puisse débattre. Mais s’il nous laisse organiser nos manifestations, ça va se compliquer, parce qu’on ne sera pas prêts à quitter la rue quand on y vient.

Lors de la remise du rapport des consultations effectuées dans le cadre de la réconciliation nationale, le président de la République a dit qu’il ne va plus accepter qu’il y ait des casses lors des marches. Quelle est votre réaction?

Il n’y aura pas de casse. Mais s’il déploie des forces du « désordre » sur le terrain, c’est-à-dire ses forces du « désordre » qui vont entrainer des manifestions désordonnées, ça va se compliquer. Nous ne sortons pas pour casser. Nous sortons pour protester contre le système. C’est le système qu’on conteste. Donc les menaces du président de la République n’ont pas de sens parce que nous allons lutter conformément à la loi, conformément aux textes de loi se trouvant dans la constitution. Ce n’est pas lui qui a écrit ces textes, ces textes sont au-dessus de tous les Guinéens. Nous, on ne va pas céder aux menaces du président. Personne ne veut qu’il y ait la guerre en Guinée. Mais si le président lui-même est pour une instabilité dans son propre mandat, c’est lui qui a des comptes à rendre à l’Etat avant tout. Je vais vous rappeler quelque chose, le président de la République sait que le dialogue social est fondamental, le président de la République sait que l’opposition a droit de contester. Ce qu’il est en train de faire donc, il ne peut pas nous dire qu’il va nous empêcher de contester. Nous avons dit qu’il faut qu’il y ait la dissolution de la CENI, la révision de la liste électorale. Nous avons demandé la diminution des prix de carburant, nous avons demandé l’application de la loi concernant l’injustice. Il y a combien de détenus de l’opposition qui ne sont pas jugés jusqu’à présent. Ils sont là en train de croupir en prison. Nous avons demandé leur libération. Mais comme la justice ne fait pas son travail, nous avons demandé de faire comparaître le ministre de l’Administration du territoire devant la loi, parce qu’il refuse d’interpréter les textes. Nous avons demandé   des requêtes qui n’ont pas trouvé de suite. Nous avons également demandé d’interpeller le gouverneur de la ville de Conakry pour avoir empêché la marche autorisée des femmes de l’opposition. Où on peut aller dans ce pays-là. Donc monsieur Alpha Condé doit d’abord régler les appareils de l’Etat avant de proférer des menaces. Ces menaces-là ne nous envoient nulle part. Nous, nous allons continuer le combat qu’on a commencé, on ne va pas reculer.

Ces manifestations seront-elles circonscrites seulement à Conakry, et quel est le chronogramme de ces actions de désobéissance civile?

Ce sont des manifestations qui vont s’étendre sur toute l’étendue du territoire national. Il y a une stratégie qui est en cours pour la réussite de ces actions.

Et à propos du chronogramme?

On n’a pas encore défini le chronogramme. Je vous ai dit que le comité stratégique doit analyser ce qui a été fait en comité d’organisation, pour définir l’itinéraire. Mais dans l’ensemble, nous, nous avons dit qu’on marche dans toute la ville de Conakry et dans tout le pays. Dans chaque commune, il y a une coordination du comité d’organisation. Chaque commune va déposer sa lettre d’information, qu’on adresse aux autorités pour dire qu’on va marcher. Donc du côté sécuritaire, nous avons déployé 1500 personnes dans la ville de Conakry. Des personnes qui vont sécuriser notre marche. Il n’est pas question de penser que la marche va débordée. A moins que des gendarmes comme ils ont les armes, ne viennent se mêler, dans le but de créer le désordre. En ce moment ils verront les manifestants devant eux. Nous, on ne va pas sortir pour casser la voiture de quelqu’un où pour casser la boutique de quelqu’un. Au contraire, si nous voyons quelqu’un faire ça, nous allons le mettre aux arrêts parce que c’est notre jour de marche et c’est déjà autorisé. Alors nous pensons que l’autorité en place ne va pas s’opposer à notre demande. Donc elles doivent faire tout pour que notre marche soit sécurisée, si elles veulent en tout cas, nous allons sécuriser notre marche.

Est-ce qu’il y aura du nouveau durant ces manifestations à venir par rapport aux précédentes manifestions ?

Oui. On va apporter du nouveau. Vous savez, avant l’opposition avait un problème de coordination des partis politiques membres de sa propre structure durant les marches. A ma nomination à la tête de ce comité d’organisation, j’ai commencé d’abord par l’installation des démembrements. Il faut qu’il y ait des démembrements. Ce n’est pas le sommet qui décide c’est la base. Donc nous sommes partis du sommet à la base pour mettre en place cette structure. Aujourd’hui à l’intérieur du pays, c’est seulement quelques préfectures qui nous restent. Nous avons commencé dans le fief du parti au pouvoir en haute Guinée. La haute Guinée est carrément installée. Il n’y a même pas de restant. On a installé tout pour montrer au pouvoir en place que nous sommes capables. Ce n’est pas un problème d’ethnie, ce n’est pas un problème d’appartenance politique. Mais c’est un problème de la Guinée. Quand il va voir que Kankan, Faranah, Siguiri sont sortis pour demander ce qu’on va demander comme mot d’ordre, il va comprendre qu’il est en train de mal diriger le pays. Donc ce n’est pas un problème communautaire, c’est un problème national.

Les avocats de Monsieur Bah Oury demandent la levée de l’immunité parlementaire du chef de file de l’opposition, afin qu’il comparaisse devant un tribunal. Quel est votre point de vue?

Ils ont quel culot pour faire ça. Ils n’ont pas ce culot pour demander de lever l’immunité d’un parlementaire. C’est le procureur de la république qui doit demander cela. Ils sont partis vite en besogne.  Ils devaient quand même connaître les textes de loi. Je pense que ces avocats doivent faire une relecture de leurs textes pour comprendre qu’un citoyen ordinaire ne peut pas se constituer en avocat pour venir demander de lever l’immunité d’un parlementaire. Pour moi, ils sont passés encore à côté de la plaque.

Cellou Dalein n’est pas n’importe qui dans ce pays. Avant tout il est le chef de file de l’opposition. Un pouvoir qui lui a été reconnu par la constitution guinéenne. L’assemblée s’est prononcée pour qu’il soit considéré comme chef de file de l’opposition. Il est encore le président d’un parti politique qui est l’UFDG. Il est également un honorable député. Donc avec ces trois titres, ce n’est pas comme ça qu’on se lève un bon matin, pour exiger de lever l’immunité d’un monsieur de son niveau. Pour moi les avocats de monsieur Bah Oury se trompent de cible. Nous, on s’attendait à ce que Bah Oury soit arrêté, c’est-à-dire qu’il est venu au siège d’un parti politique où il est exclu, et qu’il y a eu des troubles là-bas. La première personne à appréhender d’abord c’est lui. Maintenant après, on cherchera à savoir si les membres de ce parti sont impliqués ou pas. Mais on voit mal que ce soient ceux qui sont agressés, qui sont arrêtés. Et celui qui vient agresser est libre, il se promène et il va jusqu’à demander la levée immunitaire. Nous allons voir sur quoi ils se fondent pour venir remuer un pilier de l’opposition, parce que l’opposition actuellement dans la charte, nous avons dit que cette charte qu’on a mise en place permet de se donner la main. Au niveau politique, tout ce qui va atteindre quelqu’un politiquement, que toute l’opposition se lève maintenant, ce n’est plus un problème de Cellou Dalein Diallo, un problème de l’UFDG, mais il s’agit d’un problème de l’opposition républicaine.

Alors en tant que médecin, quelle analyse faites-vous de la réforme entreprise au sein du secteur de la santé?

Il faut noter que depuis l’arrivée du nouveau ministre au niveau du département, il fait des démarches. Je pense que ces démarches sont nobles. Nous pensons qu’il pourra atteindre ses objectifs parce que moi, il m’a rendu visite ici. Et là ce n’était pas politique. C’est un jeune ministre, il va envisager des reformes. Mais il va rencontrer des difficultés à transcender. Mais il doit redoubler d’ardeur pour aller plus loin. Tout ce qu’il faut comprendre en Guinée, c’est que pour des reformes au niveau du secteur sanitaire, il faudra tout d’abord faire ce qu’on appelle les états généraux de la santé, qu’on vient de faire avec monsieur Remy Lamah. Des états généraux qui n’ont rien donné. Donc les recommandations de ces états généraux, il faut les mettre dans les tiroirs, avant d’entreprendre autre chose. Je crois qu’il faut aller palper la chose, reprendre les documents, chercher à les mettre en œuvre. Mais rappelons que l’affaire d’Ebola est venue donner un peu la chance à la Guinée pour que le système de santé soit renforcé. Mais il faut noter que l’argent est passé par la fenêtre, le ministre actuel est carrément perdu dans ce budget qui a été alloué à la santé. Tout ce qui a été envisagé pour qu’Ebola soit une opportunité a été mis à côté. Nous, on pensait qu’aujourd’hui, qu’on n’allait pas colmater une structure sanitaire à son niveau, comme c’est le cas avec le CHU Donka. On devrait plutôt reconstruire totalement cet hôpital. Voyez un peu l’évolution des travaux. C’est comme du couper, coller, c’est-à-dire renforcer ce qui existe avec 64 millions d’euros.

Pour raccourcir au niveau de la santé, nous pensons tout de même qu’avec le ministre actuel, il y a quand même de l’espoir. Certes, il est encore jeune, il va coopérer avec la jeunesse montante. Il ne faut pas qu’il se fasse porter le manteau politique. Il n’a qu’à faire son travail, c’est dans ça que nous allons l’accompagner. Bien que nous sommes de l’opposition, moi je suis prêt, je viens même de décrocher un projet digne de nom qu’on appelle « la Télémédecine ».

Je suis venu avec les documents. La télémédecine c’est la médecine moderne, c’est la médecine des temps modernes. C’est ce qui se passe chez les autres. Aujourd’hui, tu n’as plus besoin de prendre un malade pour l’envoyer en Europe, pour un traitement. A partir de là, notre centre là où vous-êtes comme ça, vous pouvez traiter votre malade à distance, à travers un médecin plus compétant, qui se trouve à l’étranger. Pour vous dire que nous avons eu à faire ce partenariat avec la France. Et je vais soumettre ça au ministre de la Santé pour une signature qui doit aboutir à la mise en œuvre de ce service des temps modernes.

Je vous remercie.

le démocrate

Entretien réalisé par Alpha Amadou et Sadio Diallo                 

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