Censure

Le talent de Thierno Monenembo n’est pas une excuse

« Quand l’intellectuel se trompe et surtout quand il ment, le talent n’est pas une excuse, c’est une circonstance aggravante » (Mario Vargas Llosa)

Thierno Monenembo est un intellectuel talentueux, reconnu à l’échelle internationale pour ses œuvres littéraires et ses tribunes dans des médias de référence. Malheureusement il n’a pas échappé à l’hécatombe éthique et morale que l’alliance Dalein-Dadis a provoquée dans le milieu intellectuel guinéen.

Près de trois semaines après l’annonce de l’alliance Cellou-Dadis et des réactions indignées qu’elle a suscité, les intellectuels proches de Cellou Dalein Diallo n’en finissent pas de développer des thèses analysant, expliquant et, finalement, justifiant ce « coup de maître politique ».

Comme Monenembo, une bonne partie de l’intelligentsia guinéenne a choisit de mettre au-dessus de la morale et de l’éthique sa haine viscérale contre Alpha Condé et tout ceux (et ce) qui empêchent Cellou Dalein Diallo de devenir Président.

Arrêtons cette hypocrisie qui nous empêche de voir la réalité en face ou plutôt, de l’exprimer telle qu’elle est. Nous savons tous les mécanismes qui sous-tendent ce soutien aveugle pour le Président de l’UFDG ; la question n’est plus à ce niveau.

Ces intellectuels et particulièrement Thierno Monenembo, sont sensés mettre à profit leur talent, leur notoriété, leur entregent et leur impact médiatique pour servir des valeurs universelles. Malheureusement, ils n’ont pas l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que l’alliance Cellou-Dadis n’entre pas dans le cercle de ces valeurs.

Là où l’éthique est interpellée c’est que Monenembo n’a pas le courage de tomber le masque.

Ceux qui admirent ses œuvres sont en droit d’attendre de lui qu’il avance à visage découvert. Celui de partisan inconditionnel de Cellou Dalein Diallo et non celui de prétendu défenseur impartial de la démocratie, de la liberté et des droits de l’homme.

Les mots sont bien choisis : Thierno Monenembo est d’une part partisan, d’autre part inconditionnel.

Premièrement, cela signifie qu’il ment lorsqu’il dit qu’il n’est pas membre de l’UFDG. Il ment lorsqu’il dit qu’il est du côté des opprimés quelque soit leur camp. Il ment lorsqu’il se présente à l’opinion publique et dans les médias internationaux comme un observateur neutre et objectif de la situation politique en Guinée.

Deuxièmement, cela signifie qu’il ne condamnera jamais un acte de Cellou Dalein Diallo quelque soit l’erreur ou l’abjection que ce dernier commettra. Le président de l’UFDG pourrait encaisser des milliards à titre de dédommagement personnel sur le dos de ses militants que cela ne ferait pas ciller Monenembo. Dans ces conditions pourquoi espérer qu’il s’offusque d’un pacte avec le principal responsable du massacre et des viols de ces mêmes militants ?

La réaction tardive de Thierno Monenembo est l’illustration parfaite des petits arrangements avec l’éthique et la morale qu’un écrivain aussi réputé et respecté que lui peut accepter pour continuer à soutenir son protégé tout en paraissant conserver sa neutralité.

Après avoir encaissé le choc de cette alliance, il a vite compris que l’écrivain et grand défenseur des droits de l’homme qu’il est ne pouvait pas rester muet sur un tel événement, lui qui est si loquace pour dénoncer les dérives dictatoriales d’Alpha Condé.

Avec le talent qui est le sien, il a donc entreprit les circonvolutions intellectuelles qui lui permettraient de réagir à cette alliance sans pour autant condamner Cellou Dalein Diallo et, si possible, en attaquant une fois de plus le pouvoir.

Pour y arriver, il a bâti toute sa réflexion de manière à aboutir à la conclusion que « Cellou Dalein Diallo n’a nullement vendu son âme. Il a simplement joué un joli coup de poker. Il a pris les devants et coupé l’herbe sous les pieds de ses petits camarades »[1]. Et pour faire bonne mesure, il n’a pas pu s’empêcher d’ajouter une autre assertion gratuite : « C’est cette nouvelle donne inattendue qui a semé la panique à la présidence guinéenne »

Voilà à quoi en sont réduits les intellectuels de l’UFDG : Analyser l’ignominie que Cellou Dalein Diallo vient de commettre à travers le filtre (purificateur) de la « panique » que cela a causé dans le camp présidentiel et la commenter en utilisant des lieux-communs du genre : « en politique il n’y pas de morale », « c’est la preuve d’une capacité à pardonner », « c’est un coup stratégique », « c’est le respect de la présomption d’innocence ».

Par ce jeu de passe-passe ils réussissent la prouesse de ne plus avoir à  juger cette alliance infâme, cynique et contre nature à l’aune de la morale mais plutôt d’en mesurer les effets sur le camp adverse. Et voilà, le tour est joué !

Quand des intellectuels comme Bokoum, Savané, Monenembo et autres n’ont pas d’autre angle d’attaque pour débattre d’un tel sujet, il faut se résoudre à admettre que la force des convictions les plus pures ne résistera jamais à la ténacité de certains replis partisans.

Quand, en plus, de leur incapacité à dépasser leurs préférences politiques, ils ajoutent la lâcheté de ne pas les assumer, cela devient  désespérant pour notre jeunesse qui en est réduite à avoir des imposteurs pour modèles.

Faut-il expliquer à monsieur Monenembo qu’être un partisan inconditionnel de Cellou Dalein Diallo n’est ni une maladie honteuse ni un crime et qu’il a le droit de faire partie de ces 47% de guinéens anonymes qui ont voté pour lui en 2010 ?

Faut-il lui rappeler que, parmi ces anonymes, 157 sont morts au stade du 28 septembre et 60 autres ont péri lors des marches contre Alpha Condé parce qu’ils sont allé, eux, jusqu’au bout de leurs convictions ?

On peut imaginer le désarroi des associations « alimentaires » de droits de l’homme guinéennes dont les contradictions et le parti-pris ont été révélées au grand jour à l’occasion du retour de Dadis en politique puis de son alliance avec l’UFDG.

On peut expliquer la mauvaise foi des hommes politiques des deux camps qui réagissent à l’affaire « Dadis-candidat-allié de l’UFDG » en fonction de l’impact présumé ou envisagé sur l’électorat guinéen.

On ne peut pas comprendre que, Thierno Monenembo, en plus d’être intellectuellement malhonnête, ait honte de proclamer son engagement politique aux côtés de l’UFDG. Mais finalement ces deux attitudes sont-elles dissociables ?

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