Censure

L’eau du peuple (Par Ousmane Boh Kaba)

Faire vivre ensemble des personnes qui se sont combattues n’est pas une tâche facile. Rares sont les hommes qui ont marqué l’histoire de l’humanité en accomplissant cette prouesse. Nelson Mandela a eu ce charisme qui lui a permis de réconcilier l’inconciliable. Pouvoir surmonter la rancune, qui semblait légitime après 27 ans de prison, pour pardonner puis réconcilier.

En recevant le prix Nobel de la paix en 1993, conjointement avec le dernier président de l’apartheid, Frederik De Klerk, il a eu le courage de dire : « Le pardon libère l’âme, il fait disparaître la peur. C’est pourquoi le pardon est une arme si puissante ».

La frontière binaire noir/blanc a disparu avec Mandela. N’est-ce pas là une leçon fabuleuse pour nous, jeunes de Guinée, qui aspirons à la prospérité de notre pays ?

En 1976, les trois discours du président Ahmed Sékou Touré sur la « situation particulière » du Foutah sont restés une blessure dans la mémoire collective de l’ethnie peule.

En 1985, la tentative de putsch initiée par le Colonel Diarra Traoré a été le prétexte pour l’élimination physique des dignitaires du régime du Président Ahmed Sékou Touré et d’un nombre important d’officiers issus de l’ethnie malinké. Celle-ci fut profondément traumatisée et scandalisée par le « Wo Fatara » du Général Lansana Conté.

En 1995, Les premières élections municipales ont entraîné de nombreux conflits dus aux manipulations politiciennes relatives à l’ordre d’arrivée des populations, les acteurs politiques faisant valoir la légitimité politique des premiers occupants. Ce qui initia le massacre des malinkés dans la région forestière.

Dans mon pays, c’est la frontière ethnique qui perdure. Nous sommes encore loin de Mandela. Et nous continuons à nous en éloigner. L’éthique et la morale incarnées par Mandela doivent être un repère pour toute l’humanité, un espoir pour les plus pauvres et une exigence pour les plus forts.

L’eau qui coule a une influence certaine : par exemple, si quelqu’un prend de l’eau en montage, c’est autant d’eau qui n’arrivera pas en plaine ; si quelqu’un pollue en amont, c’est la personne située en aval qui sera contaminée.

L’eau des fortes pluies est désastreuse pour les lieux secs car elle ravine et ne reste pas suffisamment longtemps pour être bue par la terre de surface. L’homme a su canaliser la violence et la fureur d’une eau indomptable pour en tirer de l’énergie et de l’eau potable.

Le puits est un autre exemple de la domestication de l’eau aux fins utiles pour le village. Sans lui le village se dépeuple.  L’eau c’est le peuple. Celui qui le dompte et canalise sa force, c’est l’homme, l’homme responsable, le politique honnête.

L’eau devenue amère, c’est la jeunesse guinéenne frappée par une crise d’angoisse, par un sentiment de désespoir, qui alimente une inquiétude justifiée.

L’eau violente, c’est le peuple égaré, désorienté, qui devient une puissance dangereuse, mais qui, menée, calmée, aimée, devient utile.

L’eau est canalisée, par celui qui a eu la sagesse, après réflexion, de créer un barrage pour faire de l’eau sauvage une eau utile et bienfaitrice.

L’eau de vie, c’est le puits qui apaise toute soif, c’est la force de l’amour répandu dans nos cœurs.

Qui saura utiliser notre force, la canaliser et agir pour que sous sa conduite nous fassions fleurir notre pays ? Quel sera celui qui aimera pour ce qu’elle est l’eau que nous sommes, et pas uniquement pour sa satisfaction personnelle et égoïste ? Il aura besoin de nous tout comme nous serons dépendants de lui.

Pour qu’une eau vive, elle doit être en mouvement. Pas apathique. Pour qu’elle reste source de vie, celui qui la rassemble doit la protéger, en suivre la progression. Avec amour et désintéressement.

L’eau a une mémoire. Nous sommes cette mémoire, nous le peuple guinéen. Ne l’oublions jamais, pour nous, pour nos enfants, pour nos parents.

Ousmane Boh Kaba

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