Censure

L’escroc nigérian, ses acolytes Américains et les sages de Macenta : La bible sur le cœur

On n’est en février 2003, je préside une ONG dénommée Association pour le Développement des Districts de Dandano et de Goboéla (ADDDG), lesdits Districts relèvent de la sous-préfecture de Kouankan, préfecture de  Macenta. Sur invitation des chefs et sages de Dandano, j’ai conduit un mois au parvenant une mission de l’ADDDG dans le but d’aider le village à cerner les problèmes de sa jeunesse en débandade. En effet jeunes gens et jeunes filles de Dandano avaient perdu tous repères moraux et sociaux et leurs parents peinaient à les encadrer. La mission avait réussi en deux jours de débats à identifier les problèmes et proposer les solutions idoines.

On revient à Conakry où l’on entend parler de l’ACADAO, une ONG qui prétend couvrir toute l’Afrique de l’Ouest, elle est pilotée par un Nigérian résident en Guinée où il mène une vie de couple avec une Konianké originaire de Macenta. Quelques membres de l’ADDDG ont déjà adhéré à l’ACADAO et battent campagne pour sa promotion. L’ONG a établi son siège dans le quartier Koloma II non loin de l’ex-poudrière du camp Alpha Yaya ; ses objectifs globaux sont de promouvoir le développement socio-économique des pays dans lesquels elle s’implante. Le président de l’ACADAO, Hubert Johnson, miroite aux yeux d’adhérents de plus en plus nombreux la possibilité de trouver des emplois aux ouvriers et cadres tous corps confondus. Il est demandé à chaque membre de payer 5.000 FG de frais d’adhésion et 30.000 FG de caution pour l’emploi souhaité.

L’ACADAO se fait connaître au fil des jours grâce à la communication de bouche à oreille et son siège ne désemplit plus. Johnson stimule la foule des adhérents en annonçant l’arrivée les jours prochains d’un navireaméricain transportant machines et outils de toutes sortes pour le démarrage des projets conçus par son ONG. Mais au lieu du navire, ce sont trois Américains qui débarquent à l’aéroport de Gbessia, ils sont reçus au siège par une foule en liesse. Le doyen des Américains remercie l’assistance pour l’accueil qui leur est réservé, présente sa délégation puis engage une prière chrétienne pour la réussite de l’ACADAO et ses adhérents. La délégation prend ensuite congé et se retire à l’hôtel Palm Camayenne.

Le lendemain Johnson part avec deux membres de l’ONG dont moi-même à l’hôtel discuter du premier projet que les Américains voudront bien financer. Nous arrivons et nous nous installons, Johnson sert d’interprète. Nos hôtes veulent acheter de l’or pour une quantité de 30 kg, après quoi ils ouvriront pour l’ACADAO un compte à l’ECOBANK de Conakry où ils mettront un premier fonds de 350.000 $ US ; ils retourneront ensuite en Amérique d’où ils enverront des machines et outils pour les chantiers à ouvrir. Johnson répond qu’on trouvera de l’or à Dandano dont un ressortissant à Conakry lui aurait certifié qu’on y ramasse de l’or à la pelle. Les Américains n’en demandent pas plus, ils décident de louer deux véhicules tout terrain et fixent le départ pour le jour suivant.

Je suis du convoi avec l’homme qui a vanté les mines d’or du village. Les autres voyageurs sont deux des Américains, Adama, un jeune konianké de Macenta et un militaire chargé d’assurer la sécurité du convoi. Johnson reçoit de l’argent pour les frais de route, il donne à chacun 50.000 FG et à l’homme en tenue 50 $ US. Nous rentrons tard à Macenta où nous passons la nuit dans un hôtel délabré et insalubre. Le matin nous prenons contact avec quelques marchands d’or de la place, ils n’ont rien à vendre ; nous rendons visite au préfet, un militaire à qui un Américain remet une lettre de recommandation du chef d’Etat-major général des armées. Johnson ajoute à la lettre un billet de 100 $ US pour le prix de cola. Le préfet en retour nous accorde tout son appui et souhaite plein succès à notre entreprise.

Aux escales de Sérédou et de Kouankan nous cherchons vainement à rencontrer des orpailleurs, ils sont tous partis à leur lieu de travail  en brousse, nous dit-on. La population de Dandano informée tôt le matin par un messager, nous accueille dans les cours de midi à la maison des jeunes. Je prends la parole en premier pour présenter la délégation et expliquer l’objet de la mission. Johnson m’emboîte le pas pour offrir des prix de cola : 100.000 FG pour les autorités locales, 100.000 FG pour les sages, 100.000 FG pour les femmes et 100.000 FG pour la jeunesse. L’un des Américains prend la parole à son tour, il dit qu’il a entendu parler du bien de Dandano avant d’ y arriver, qu’il voudrait faire de ce village un pôle économique attractif pour toute la région forestière en y organisant l’adduction d’eau potable, le courant électrique, en y envoyant des machines pour l’extraction de l’or, et enfin en créant une usine de cannes à sucre où toutes les femmes et tous les hommes valides y trouveraient de l’emploi. Le porte-parole des sages remercie vivement la délégation pour les prix de cola et pour les promesses d’un avenir radieux pour le village, il termine par les bénédictions d’usage.

Après le repas de midi nous visitons une vielle mine d’or aux abords du village, c’est là qu’un orpailleur déclare aux Américains : « Nous sommes honorés par votre visite à Dandano, mais nous nous devons de vous dire la vérité, l’or était à fleur de sol au début de l’exploitation artisanale des mines dans les années 80, aujourd’hui l’or n’existe plus que dans des profondeurs inaccessibles à nos maigres moyens. Nous ne pouvons pas satisfaire à votre demande maintenant, mais quand vous nous trouverez des machines, ça sera possible ».

Nous retournons  passer la nuit à Macenta. Johnson ne tient plus en place, peiné par l’échec de l’aventure, pas un seul gramme d’or à fortiori 30 kg. Il nous rejoint mon frère et moi dans ma chambre et laisse éclater sa déception, mon frère lui aurait donc menti à Conakry en parlant de l’or à ramasser à la pelle à Dandano. Les deux s’engueulent proprement et en viennent aux mains, j’ai toutes les peines du monde à les séparer. En fait Johnson a de quoi rougir de colère, tous ses rêves d’enrichissement se sont envolés, le compte bancaire ne va plus s’ouvrir à l’ECOBANK.

A Conakry le compte-rendu de la mission au siège de l’ACADAO est pénible, on lit la déception sur tous les visages. Johnson affirme avoir été trahi par les gens de Dandano, il projette une nouvelle mission à Macenta cette fois chez ses beaux-parents koniankés qui seront à même, selon lui, de le satisfaire. Quelques jours après Johnson préside une réunion du bureau exécutif de l’ACADAO au cours de laquelle il dit avoir reçu une dépêche des partenaires américains lui demandant de garder le contact avec eux car ils se proposent à revenir pour relancer l’accord de partenariat avec notre ONG. Je lui dis de confier au bureau la dépêche qui serait traduite en français et conservée dans nos archives, Johnson rejette catégoriquement la proposition arguant qu’il est seul habilité à recevoir et garder les messages des partenaires. Je présente alors ma démission en protestant contre cette gestion opaque de l’ONG et pars en claquant la porte.

Plusieurs mois après je croise dans la rue un ancien adhérent de l’ACADAO qui me donne les dernières nouvelles de Johnson. Il aurait fermé son ONG puis aurait perçu d’importantes sommes d’argent avec des familles à qui il aurait promis des bourses d’études pour leurs enfants avant de fuir en Europe via le Maroc.

L’astuce de ces truands internationaux, Hubert Johnson et ses acolytes américains, est de conquérir la confiance de leurs interlocuteurs africains, qu’ils savent profondément croyants, sous couvert de la religion. En effet, tous leurs discours commencent et finissent par des prières et des chants religieux. C’est la bible sur le cœur qu’ils accomplissent leur sale besogne d’escroquerie et d’enrichissement illicite. Il se trouve malheureusement que les Guinéens, misère aidant, y prêtent le flanc.

Walaoulou BILIVOGUI In L’Indépendant, partenaire de guinee7.com

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