Censure

Quand la nature anarchique des structures de l’État installe la chienlit…

«J’ai hérité d’un pays sans Etat». Cet extrait du discours du Professeur Alpha Condé à sa prise de fonction, en décembre 2010, avait été acclamé par la grande majorité des Guinéens. Le raisonnement était éloquent car c’est bien connu, le problème principal de la Guinée est la nature anarchique des structures de décision de l’Etat. Plus de sept ans après, les lois de la République, l’autorité de l’Etat et même les hauts représentants de l’Etat sont allègrement contrariés, ridiculisés. En vérité, le désordre social risque de provoquer la perte de notre pays. L’excès de liberté et la confusion que nous vivons en Guinée n’approfondiront pas la démocratie et ne développeront point ce pays.

Manifestations, casseurs, policiers blessés, gendarmes tués, enfants calcinés dans des violences post-électorales, sections cailloux au sein des partis politiques, milices d’autodéfenses dans des administrations publiques, chasseurs traditionnelles dans les rues de la capitale  … Ce qui s’est passé le 12 mars 2018, notamment le blocage des principaux axes routiers de la capitale Conakry par des jeunes pour, dit-on, soutenir les revendications des enseignants est simplement la preuve d’une liberté mal comprise, dans un pays qui se cherche. Trop c’est trop et c’est massivement trop.

Dans quel autre pays des élèves peuvent-ils se permettre de barrer des routes nationales, empêcher même le passage des policiers et gendarmes qui vont préserver la paix et la quiétude dans le pays? Des élèves qui ont le courage d’investir un Gouvernorat, descendre le drapeau national, déloger un Ministre de république comme un vulgaire individu, est-ce cela la norme dans un pays?

La Chine, l’Inde ou encore les Etats-Unis sont cent fois plus peuplés que la Guinée, mais nul ne se permet pareils écarts. Celui qui y tentera cette subversion regrettera son acte, et à vie. Les lois sont faites pour être respectées par tous.

Certes, le chef de l’Etat, le professeur Alpha Condé, l’homme de « je ne suis pas venu pour gouverner des cimetières » en 1993, a martelé dès son premier discours son attachement aux libertés individuelles et collectives, mais dans ce contexte de liberté mal comprise et sans bornes, il est temps que l’Etat s’affirme et se réaffirme. Le gouvernement devrait mettre le holà, siffler la fin de la pagaille pour que les citoyens sachent que le pays est bel et bien gouverné. Si autant de liberté est laissée à des gens qui ne savent même pas où le soleil se lève, il faut craindre pour la Guinée de demain. Et tant que le gouvernement ne va pas sanctionner dans la légalité, ces agissements absurdes et nuisibles à toute la nation, ces actes inciviques ne prendront pas fin.

On peut manifester, lutter pour exiger des droits, sans forcément violer les lois que nous nous sommes prescrites. Mais comme l’attachement du professeur Alpha Condé aux libertés individuelles et collective est mal compris, des Guinéens ne semblent plus avoir des limites.

C’est pourquoi, il faut joindre l’acte à la parole donnée urbi et orbi, en décembre 2010, au Palais du peuple de Guinée. Car comme l’a prévenu le philosophe français Paul Valéry : « Si l’Etat est fort, il nous écrase. S’il est faible nous périssons ». Un État fort, c’est un État visionnaire qui pense le long terme et s’appuie sur sa détermination politique et le prestige de ses valeurs pour s’imposer en acteur.

C’est à nous de choisir, mais le temps presse. L’histoire nous bouscule. Ou bien nous trouvons la volonté de nous Unir pour nous mettre à la taille de ces géants qui feront le siècle, ou bien nous périrons.

Et ce n’est pas seulement de la responsabilité du gouvernement ou de la majorité présidentielle seule de lutter contre ces dérives extrêmes. Que tous ceux qui applaudissent ces graves écarts de comportements ou qui tirent les ficelles dans l’ombre sachent qu’ils ont pris la mauvaise option. Aucun pays ne peut se construire dans la chienlit. Selon le même Paul Valery : « La plus grande liberté naît de la rigueur ». Aussi, le secret d’une autorité, quelle qu’elle soit, tient à la rigueur inflexible avec laquelle elle persuade les gens qu’ils sont coupables. Avec des natures indisciplinées comme ce qui prévaut actuellement chez nous, la rigueur n’est-elle pas salutaire ?

Ousmane Boh Kaba

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