Censure

Pr Abdoulaye Bathily, candidat à la présidence de la Commission de l’UA : ‘‘Si je suis élu…’’

De nationale sénégalaise, le Pr Abdoulaye Bathily était en Guinée à l’occasion de la campagne qu’il mène pour briguer le poste de  président de la Commission de l’Union africaine. Cette élection aura lieu le 30 janvier prochain à Addis-Abeba en Ethiopie, au siège de l’institution panafricaine. Lisez ce qu’il nous a confiés…

Que peut-on savoir de votre expérience internationale et que comptez-vous faire en Afrique si vous êtes élu ?

Pr Abdoulaye Bathily : J’ai une expérience diverse. D’abord, en tant qu’ancien dirigeant de mouvement de jeunesse, d’étudiant mais également en tant qu’enseignant chercheur. En tant que membre de plusieurs gouvernements au Sénégal. En tant que parlementaire de mon pays (Sénégal : ndlr) mais aussi parlementaire de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), de 2001 à 2006. En tant qu’envoyé spécial de l’Union africaine sur plusieurs conflits sur le continent. En tant qu’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations-Unies. D’abord, j’ai été chargé des affaires politiques au Mali; ensuite sur des questions de paix et de sécurité en Afrique centrale, pendant deux ans et demi.

Je viens de mettre fin à ces fonctions, le 31 octobre dernier seulement pour les besoins de cette campagne. Donc cette diversité d’expérience que j’ai acquise depuis plusieurs décennies me met en condition d’offrir à l’Afrique une expérience à mon avis tout à fait particulière, spéciale, unique surtout à la période actuelle, pour conduire les affaires de la Commission sous l’autorité des chefs d’Etat et de gouvernements. Afin d’insuffler une dynamique nouvelle au panafricanisme, à l’unité du continent. L’Afrique doit parler d’une voix forte, d’une voix autorisée, éclairée face au monde pour conduire ses propres affaires.

Quelles sont vos priorités ?

Il y a beaucoup de priorités bien entendu, mais la question de la paix et de la sécurité est une question incontournable. Sans paix et sécurité, on ne peut pas parler d’autre chose. Il faut assurer les conditions de l’apaisement à l’intérieur des pays, afin de mettre fin à ce spectacle affligeant de millions de réfugiés sur le continent.

Pour qu’on mette fin à ces ravages de la guerre dans plusieurs pays du continent. Que les femmes, les jeunes, les enfants ne soient pas les victimes de ces conflits. Que l’économie africaine ne soit pas handicapée par ces conflits. Donc, c’est une priorité mais il n’y a pas que cela. La paix pour qu’elle soit durable, il faut le développement économique : le développement économique pour qu’elle soit assurée sur le continent, il faut l’intégration économique.

Si l’on fait le bilan de plusieurs décennies d’indépendance, le constat que chacun fait, c’est qu’en développement durable à l’intérieur uniquement des frontières telles qu’héritées de la colonisation, c’est un leurre. Il nous faut nous unir comme Kwamé N’Krumah l’a si bien dit. Et il y a des projets intégrateurs qui sont les leviers du développement. Quand on parle de la question énergétique, ce n’est pas uniquement à l’intérieur d’un pays qu’on peut le faire, mais à l’intérieur d’une sous-région en Afrique de l’Ouest voire même au-delà. Et l’Afrique a un potentiel énorme en la matière : énergie renouvelable, le solaire mais aussi l’énergie hydroélectrique, sans parler évidement de l’énergie source traditionnelle.

C’est un aspect extrêmement important. Et quand on parle d’électricité, on parle d’accélérateur du développement : industriel, commercial, numérique… mais le développement économique c’est aussi la rupture avec ce que j’appelle le syndrome de Berlin. C’est-à-dire que l’Afrique demeure exportatrice de matières premières non transformées. L’Afrique doit s’engager de manière résolue et de manière intégrée, unitaire dans le processus de l’industrialisation.

La transformation donc de matière première, c’est un aspect extrêmement important. Et ça ne peut pas se faire à l’intérieur seulement d’un pays. Il faut qu’on arrive à convaincre et c’est ça le rôle de la commission de l’UA, sous l’autorité des chefs d’Etat et de gouvernement  de convaincre nos entrepreneurs. De les assurer, de les initier mais aussi de les appuyer dans la création d’entreprises panafricaines dans différents domaines. Que ce soit dans l’énergie, de l’industrialisation, de l’agriculture qu’ils mettent ensemble leurs capitaux, leur savoir et leur savoir-faire. Que cette jeunesse d’aujourd’hui qui est sans emploi puisse être employée par ces entreprises panafricaines.

Que ces entreprises panafricaines puissent construire ces grands projets d’infrastructures. C’est ça qui va créer des bases durables du développement économique. On ne peut compter simplement sur les entreprises étrangères pour construire nos projets d’infrastructures. Sinon on va les construire aujourd’hui et demain pour la maintenance aussi on va les appeler et nous serons toujours les laissés pour compte sur la route du développement.

Il faut créer les conditions pour que les Africains eux-mêmes soient au début et à la fin du processus de prise en charge de la transformation de l’économie africaine. Avoir une classe d’entrepreneurs, ce qu’un historien a appelé de bourgeois conquérants : conquérants dans le domaine industriel, commercial, agricole, avec des entreprises qui tiennent la route. Et que les Etats maintenant aient pour rôle de les faciliter sur le plan juridique, de la réglementation, de la mise en place de ces entreprises. Je vous dis, si cela est fait, cela fera la différence demain.

Les révisions constitutionnelles en Afrique sont aussi source de conflits. Qu’est-ce que vous pourrez mettre en place pour empêcher cela ?

Je dis pour moi, il y a la nécessité d’enraciner la culture démocratique sur le continent. Ça, c’est un aspect extrêmement important parce que la culture démocratique signifie les concessions mutuelles. La question de constitution fait partie d’un ensemble de problème politique du continent. La démocratie, ses règles, ses principes, il faut que nous nous s’y engagions. Que cette génération s’y engage et cela doit se faire à mon avis à travers un processus pacifique. Je peux en parler en connaissance de cause, parce que mon expérience me le dit. Pendant plusieurs décennies, j’ai été sur tous les fronts de lutte pour la démocratie au Sénégal. Et je suis satisfait qu’aujourd’hui, nous soyons arrivés à une démocratie apaisée. Et cela doit être de règle partout, pas de manière provisoire mais de manière durable. Et le rôle de la commission entre autre c’est de créer un dialogue entre les acteurs politiques à l’intérieur d’un pays. Mais aussi au-delà pour que les uns et les autres s’instruisent de l’expérience des autres. C’est cela l’avenir du continent.

Quelle est votre approche de la crise gambienne ?

Et bien les Chefs d’Etat et de gouvernements de la CEDEAO ont pris une décision importante au Sommet du 17 décembre dernier à Abuja (Nigéria : ndlr). Ils ont demandé à leur collègue Yaya Jammeh d’accepter de manière définitive la victoire de son challengeur M. Baro. Mon souhait ce que le président Yaya Jammeh aille dans le sens de cette invitation, qui va dans le sens de l’histoire, dans le sens de la paix en Gambie, dans le sens de la paix en Afrique de l’Ouest, dans le sens de la consolidation de l’image du continuent africain.

Et si le cas contraire se produisait ?

Et bien, je ne me situe pas dans le contraire (rire).

L'indépendant

Propos recueillis par Richard TAMONE   

 

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