Censure

Ruée des compagnies minières sur Boké et Boffa: Quels impacts pour les populations ?

Depuis l’arrivée de la CBG au début des années 70, à Kamsar et Sangarédi, c’est la mine qui a fait l’essentiel de la vie économique de la région de Boké. Les années ont passé et voila qu’avec l’avènement du Pr Alpha Condé au pouvoir, plusieurs autres sociétés minières sont venues s’installer dans cette zone extrêmement riche en bauxite. Depuis l’amorce de son second mandat, on a vu l’arrivée de Rusal, AMC, GAC, SMB… Avec la création de deux ports en eau profonde pour accueillir les plus gros tonnages de navires minéraliers, en plus de celui de Kamsar.

Mais toute cette frénésie qui se développe le long du littoral nord de la Guinée (de Boffa à Kanfarandé, Katougouma…) a-t-elle un impact positif sur la vie des communautés guinéennes (notamment du travail pour les jeunes) ? Les gros chargements qui quittent de jour comme de nuit ces localités pour l’extérieur ont-ils un retour favorable pour l’économie locale voire nationale ? Et l’environnement, est-il pris en compte dans toutes ces actions?

C’est l’objet du dossier que nous projetons de consacrer à cette région, en donnant la parole aux décideurs nationaux, mais aussi aux responsables locaux et aux populations elles-mêmes.

CONTEXTE GENERAL

La bauxite est l’une des ressources dont la Guinée regorge le plus. Avec les 2/3 des réserves mondiales et une teneur entre 60 et 70%, on comprend pourquoi ce pays porte le nom de « scandale géologique » donné par le colonisateur français, qui voyait en lui le point d’appui pour l’industrialisation de l’Afrique de l’Ouest.

Après les Bauxites du Midi et la Compagnie Minière (deux compagnies françaises) qui avaient commencé l’exploitation des mines de fer et de bauxite dans la zone de Conakry et des Iles de Loos, au début des années 1950, c’est juste au lendemain de l’indépendance que la première usine d’alumine en terre africaine a démarré ses activités, à Fria (160 km au nord de Conakry). Nous sommes en 1962. Et cette unité industrielle, du nom de Friguia, majoritairement détenue par le Français Pechiney, a fonctionné jusqu’en Avril 2012, date de sa fermeture par Rusal. Aujourd’hui, il est question qu’elle reprenne ses activités, toujours avec Rusal, la compagnie russe qui l’avait rachetée à la Guinée, après le retrait des Français, en 1996 (pour un dollar symbolique), puis des Américains du groupe ACG (Reynolds Metal Company), qui l’ont administrée en location-gestion de 1998 à 2002. Mais après toutes ces années d’exploitation de la bauxite et de l’alumine, il ne semble pas que les populations de Fria encore moins celles de la Guinée aient vraiment tiré un grand profit de cette production.

Pendant plus de cinquante ans d’exploitation de la bauxite, les Guinéens sont toujours dans l’attente des retombées dans ce domaine. Il semble même que la pauvreté s’est encore plus renforcée dans les zones minières et que les populations sont comme à l’abandon. Les infrastructures sociales de base (écoles, routes, dispensaires…) ne suivent pas toujours et le fossé se creuse davantage entre ces localités et la capitale, où toute la population juvénile veut se rendre, si ce n’est tenter l’immigration clandestine.

Ce n’est pas pour rien que certains parlent de « malédiction des mines ». Tous les ingrédients sont là pour créer des problèmes (sociaux, économiques et politiques). Avec les visées des investisseurs et les ambitions des politiciens locaux et même nationaux, les communautés sont souvent utilisées sans qu’elles ne comprennent les véritables enjeux dont elles sont les pions.

Dans ce dossier qui commence par la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG), Madina Men met en perspectives les différents projets miniers de cette région du littoral nord guinéen, en donnant la parole aussi bien aux responsables des entreprises qu’aux autorités locales (politiques et communautaires) ainsi qu’aux communautés elles-mêmes (jeunes, femmes, paysans…). Ainsi, il sera question des enjeux qui motivent les uns et les autres dans ce domaine et les perspectives qu’ils entrevoient par rapport à leur développement. Les populations et l’environnement sont-elles toujours au cœur des préoccupations de ces géants miniers ? Les Guinéens sont à l’attente et espèrent avoir des réponses satisfaisantes de leur part.

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