L’événement qui fait l’actualité sur le net, les réseaux sociaux et certaines radios, c’est l’arrestation de Monsieur Sy Savané. Chacun y va de son interprétation sans vraiment savoir comment, par qui et pourquoi ce monsieur a été arrêté. On accuse le Président Alpha Condé d’en faire son prisonnier « personnel » et de l’avoir fait arrêter en violation de la loi. Voici la vérité, obtenue de sources judiciaires.
Le Dimanche 6 octobre 2013, des membres de l’escadron de Gendarmerie de Ratoma à l’écoute de la radio Lynx Fm ont noté des « propos outrageants « et des « accusations graves » à l’encontre du Chef de l’Etat. Cet escadron a aussitôt informé le Procureur de la république qui a autorisé l’ouverture d’une enquête. C’est à la suite de cette procédure, conforme au Code de procédure pénale guinéen, que Monsieur Sy Savané a été interpellé le 8 octobre.
Entre autres offenses au Chef de l’Etat, diffamations, etc. il lui est reproché, notamment, d’avoir affirmé que le Président Alpha Condé a exacerbé les clivages ethniques en Guinée depuis qu’il est au pouvoir. Plus grave encore, Sy Savané a affirmé que les « Chinois » ont fait un chèque de 500 millions de dollars à un haut cadre de la Présidence de la république de Guinée pour que Rio Tinto soit dépossédé de Simandou et que ces blocs leur soient octroyés.
Lors de son audition, Monsieur Sy Savané aurait justifié ces deux accusations de la manière suivante : Sur l’affirmation qu’Alpha Condé a exacerbé les clivages ethniques en Guinée depuis qu’il est au pouvoir, Sy Savané en veut pour preuve qu’après l’attaque contre son domicile, le Président n’est plus retourné habiter sa maison. Comme celle-ci est dans un quartier à dominante peule, Sy Savané en a conclu que le Président avait ainsi indexé cette communauté ! Pas plus, pas moins.
Sur l’accusation de corruption à hauteur de 500 millions de dollars. Sy Savané, affirme qu’il a eu cette information lors d’un voyage lorsqu’il a entendu, par hasard, des chinois en parler !
En dehors de ces deux éléments, Sy Savané n’a rien d’autres comme éléments probants pour appuyer ses accusations.
A titre de rappel, voici ce que dit le Code pénal guinéen à propos de la diffamation :
« Article 371 : – La diffamation est toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou de la collectivité à laquelle le fait est imputé.
L’injure est constituée par toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait précis.
Article 372 : – La diffamation commise envers les administrations publiques, les corps constitués, l’armée, les Cours et Tribunaux…….. sera punie d’un emprisonnement de 1 mois à 1 an et d’une amende de 50.000 à 500.000 francs guinéens ou de l’une de ces deux peines seulement.
Sera punie des mêmes peines la diffamation commise envers des membres de Départements ministériels, de l’Assemblée Nationale, des fonctionnaires dépositaires ou agents de l’autorité publique, des citoyens chargés d’un service ou mandat public… »
L’interpellation de Monsieur Sy Savané, n’est donc un événement ni extraordinaire, ni constitutif d’une grave violation des droits de l’homme. Tout ce qui a été fait l’a été sous le sceau de la procédure pénale en vigueur. S’il considère que l’infraction de diffamation n’est pas suffisamment constituée, alors il appartiendra au Procureur de libérer Mamadou Bilo Sy Savané, sinon, il passera devant un juge et Justice sera rendue, en sa faveur ou contre lui.
Depuis qu’Alpha Condé est au pouvoir, il n’a jamais traduit en Justice un journaliste ou un homme politique pour des faits de diffamation ou outrages.
Combien de temps allait-il attendre avant de faire respecter la fonction présidentielle ? Combien de fausses nouvelles distillées par des irresponsables ? Doivent-ils intoxiquer l’opinion publique et créer des tensions dangereuses avant que l’on y mette fin ?
Combien de journalistes et politiciens ont-ils été emprisonnés pour moins que ça en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Gabon ou au Cameroun ?
Le cas Sy Savané pose une question fondamentale sur l’équilibre à trouver entre la préservation des libertés fondamentales et de l’image « démocratique » de la Guinée et les menaces que cette tolérance fait peser sur la cohésion nationale ou, pire, la sécurité de la Guinée. Il y a forcément une limite à ne pas franchir. Sy Savané, Professeur d’Université de son état, l’a-t-elle franchie ?
Ballakhissa Samoura