Le parti au pouvoir et ses alliés en Guinée ont remporté les législatives du 28 septembre, selon les résultats publiés vendredi soir à Conakry par la commission électorale et aussitôt rejetés par l’opposition qui les a jugés « irréalistes ».
Cette réaction de l’opposition, si elle devait appeler à manifester dans la rue, fait craindre des violences dans un pays à l’histoire marquée par les violences politiques et militaires et la répression sanglante des manifestations.
Conscient des dangers potentiels, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, avant même la publication des résultats, a appelé vendredi « toutes les parties à maintenir le calme et à résoudre tout différend par les voies légales ».
Le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) du président Alpha Condé et les partis qui lui sont alliés dans une coalition « Arc-en-ciel », ont obtenu 60 des 114 sièges à l’Assemblée nationale. Le RPG obtient à lui seul 53 députés, ses alliés sept. Les partis de l’opposition obtiennent au total 53 députés et un petit parti « centriste » un député.
Le principal parti d’opposition, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) obtient 37 députés, suivie de l’Union des forces républicaines (UFR) avec 10 députés, les autres partis de la coalition de l’opposition se partageant 7 députés.
Le nombre d’inscrits était de 5,2 millions d’électeurs et le taux de participation a été de 64,28%.
Peu après la publication de ces résultats provisoires par la Commission électorale nationale indépendante (Céni) qui doivent encore être confirmés par la Cour suprême après examen des recours, Sydia Touré, dirigeant de l’UFR et porte-parole de l’opposition, a déclaré qu’elle ne les reconnaîtrait pas.
« Résultats pas conformes »
« Nous ne reconnaîtrons pas les résultats qui ne sont pas conformes au vote de la population », a affirmé M. Touré à l’AFP, ajoutant que « les élections ont été truquées par le RPG avec des résultats qui sont complètement surréalistes ».
Moustapha NaïtéMoustapha Naité, porte-parole du RPG, s’est réjoui que son parti soit devenu « la première force politique du pays ». « Et avec nos alliés, nous sommes aujourd’hui la première force politique à l’Assemblée nationale », a-t-il ajouté.
Quelques jours après le scrutin, l’opposition avait déjà demandé son annulation « pure et simple », dénonçant des « fraudes massives ».
Elle avait notamment mis en cause la non prise en compte de nombreux bureaux de votes dans certaines circonscriptions, l’invalidation de milliers de votes dans des circonscriptions réputées favorables à l’opposition et, a contrario une participation extraordinairement élevée (jusqu’à 92%) dans les fiefs du parti au pouvoir.
Retirant ses représentants des commissions de comptage des votes, elle les avait toutefois maintenus à la Céni et s’était jusqu’alors abstenue d’appeler à des manifestations qui auraient risqué de dégénérer en violences meurtrières, comme c’est régulièrement le cas en Guinée.
Les représentants de la Communauté internationale chargés du suivi des législatives en Guinée (ONU, France, Etats-Unis, Union européenne, pays ouest-africains) avaient eux aussi fait état de « manquements » et « irrégularités », pouvant « remettre en cause la sincérité de certains résultats ».
Multiples recomptages
Le 8 octobre, le président Alpha Condé, devenu le premier président démocratiquement élu de Guinée en 2010 à l’issue d’un scrutin déjà contesté, avait déclaré à l’AFP, n’être « ni impressionné, ni gêné » par les accusations de fraudes, réaffirmant son engagement pour des élections « transparentes, libres et démocratiques ».
Les résultats publiés vendredi, trois semaines après le vote, l’ont été après de mutiples recomptages des voix et d’innombrables contestations, en particulier dans la plus grande circonscription du pays (près de 440.000 électeurs inscrits), située à Matoto, en banlieue de Conakry.
Les modes de scrutin croisés, uninominal et proportionnel, ont également compliqué la tâche des agents électoraux et observateurs.
Ces législatives doivent doter la Guinée de son premier Parlement démocratiquement élu depuis l’indépendance de la France en 1958. Le scrutin du 28 septembre avait été plusieurs fois reporté depuis près de trois ans à cause de divergences entre le pouvoir et l’opposition sur son organisation.
Il a finalement eu lieu après des tractations entre le pouvoir et l’opposition menées sous l’égide de la communauté internationale que certains opposants ont accusée d’avoir « imposé » ce scrutin.
C’est actuellement un Conseil national de transition (CNT), non élu, qui fait office de Parlement.
AFP