Censure

Nos opérateurs téléphoniques pris en flagrant « débit » de mensonge ! (réédition)

Qu’elle s’appelle WiMAX (Areeba), ou 3G+ (Orange, Cellcom), l’internet mobile haut débit fourni par nos sociétés de téléphonie ne semble pas être à la hauteur des attentes. C’est du moins l’avis de nombreux clients. Cependant ces clés devraient permettre d’avoir un débit plus rapide que les générations précédentes. Alors question : nos sociétés de téléphonie mobile usent-elles de la publicité mensongère ? Notre enquête.

Comme pour démontrer la rapidité de sa connexion, le WiMAX de Areeba est soutenu sur les pages pub par un véhicule de formule 1. Dans les faits, cette connexion ne court pas plus vite qu’un… Solex. Témoignage : ‘’J’ai acheté la clé WiMAX espérant lire les vidéos sur Youtube ou lire plus rapidement mes courriels. Mais j’avoue que c’est la m…’’, lance Camara, homme d’affaires, rencontré dans un café qui a pignon sur rue à Kaloum.

A propos du même service, Khadiyatou, en fin de cycle universitaire, dit regretter d’avoir ‘’lâché l’ancienne clé Areeba qui, à mon avis, marche mieux’’.

Un jeudi matin, Z. Camara, journaliste, compare le service internet en Guinée à celui d’une clé haut débit à Abidjan ‘’en un clic j’envoie mes reportages video. Ici il me faut parfois toute une journée’’.

A Areeba, filiale de MTN, où nous nous sommes rendus, nos interlocuteurs, notamment le directeur marketing préfèrent qu’on face la différence entre différentes clés WiMAX. La clé la plus rependue serait de 128 Kb ‘’qui en réalité permet de faire des opérations légères comme lire les emails. Mais pas indiquée pour lire les vidéos, par exemple sur Youtube. Nous avons des clés de 256 Kb ou de 512 Kb qui sont mieux indiquées pour ce genre de service’’, nous explique M. Barry du marketing. Explique-t-on les limites des clés aux clients avant de les vendre ? La réponse de notre interlocuteur est oui. Bien que Mohamed qui s’est procuré d’une clé, ‘’il n’y a pas longtemps’’ n’est pas du même avis : ‘’on m’a juste demandé où je devais l’utiliser mais jamais pourquoi je l’utilisais’’, lance-t-il, les yeux rivés sur une page internet qu’il ne cesse de ‘’réactualiser’’ en vue d’un meilleur affichage.

‘’Vous avez au moins la connexion ?’’

Cellcom fait actuellement la promotion de sa clé 3G+ avec inscription sur son emballage ‘’High speed’’ (littéralement, très rapide). Cependant ouvrir la page d’un site internet avec cette clé, en banlieue de Conakry, à Yimbaya Tannerie (couvert par le service), est parfois la croix et la bannière. Quand nous avons voulu savoir les causes de cette « contreperformance », nous avons appelé le service clientèle où une voix féminine nous fait croire que l’essentiel est d’avoir la connexion. ‘’Vous avez au moins la connexion monsieur ?’’

Un autre client, journaliste et correspondant d’une grande agence de presse et logeant à Kaloum, a également fait l’amère expérience de la clé Cellcom. Croyant avoir décroché le sésame qui lui aurait permis théoriquement d’envoyer plus rapidement ses reportages, il se retrouva bloqué dans son travail par la piètre connexion. Le pauvre se rendit lui-même à la maison Cellcom où il reçut un accueil inversement proportionnel à la qualité du service. Et jusqu’à aujourd’hui, il ne parvient pas régler ce problème, préférant d’ailleurs oublier sa clé Cellcom quelque part dans son gros sac. Avec humour, ce confrère nous dit « Si au moins le débit de leur clé était aussi chaleureux que leur accueil,  il n’aurait pas besoin de dépenser autant dans une publicité aussi mensongère qu’agressive ». La qualité semble donc être un autre combat…

M.S. réside à Madina où il utilise une clé Cellcom : ‘’Il est des moments où je lance une page internet et je sors prendre un thé avec le voisin en attendant qu’elle s’ouvre’’, ironise-t-il non sans préciser : ‘’Quand ça marche, c’est formidable’’.  C’est aussi l’avis de Aboubacar qui utilise la clé ‘’en ville’’ et à Matoto : ‘’bien que ça s’entrecoupe parfois, mais j’arrive à lire des vidéos de 30 mn  à 45 mn sur Youtube’’, se satisfait-il.

Sur les affiches des 3G+ de Orange, ‘’Conakry passe à la vitesse supérieure’’. En réalité avec Orange, la connexion ne change pas positivement partout à Conakry, comme l’annonce la pub. La clé se comporte en 3G+ sur des hauteurs et des quartiers proches de Kaloum.  Le premier hic est d’abord l’achat des ‘’pass’’ (crédit). ‘’Attendez et réessayer un peu plus tard, une heure par exemple’’, conseille un agent du service clientèle de la filiale de Orange Sénégal. Qu’à cela ne tienne, le même journaliste d’agence, logé à Kaloum, est resté connecté avec la 3G+ pendant trois jours pour pouvoir télécharger le jeu ‘’World of tanks’’ pour son gosse. Il espérait le réussir en quelques… heures !   « J’ai en fait abandonné le choléra pour la peste », ironise-t-il.

Ce confrère client d’internet en est d’ailleurs réduit à traîner avec toutes trois clés (Orange, Areeba et Cellcom) pour tester le débit avant de se connecter. « Il n’y a pas un pour remplacer l’autre mais le plus décevant en ce qui concerne est Cellcom où je n’arrive même pas à accéder au service. Dans les autres pays, le service est remarquable mais en Guinée aucun de ces opérateurs ne peut revendiquer le haut débit. C’est en fait une forme d’arnaque autorisée puisqu’ils savent que nous n’avons pas le choix », affirme-t-il.

‘’Trop cher pour un mauvais service’’

Les sociétés de téléphonie ne révèlent pas les budgets alloués à la publicité des hauts débits. Mais pour faire sauter le pas au client, tout est mis en œuvre : annonces par SMS, par TV, radio, internet…de la pub à gogo ! Et les clients mordent à l’appât. Même si pour Maurice Condé, président de l’AGUIDEC (Association guinéenne pour la défense des consommateurs), ‘’les clés internet coutent excessivement chères pour le Guinéen moyen. Et le service reste à désirer, la connexion est faible au fur et à mesure qu’on s’éloigne du centre ville’’. Il ajoute ‘’nous avons fait une étude qui montre qu’environ 60% des interrogés sont insatisfaits du service des clés internet, environ 40% pensent que les prix sont très élevés’’. En général, l’abonnement va de 250 mille francs guinéens à 700 mille GNF pour les connexions bas de gamme.  Pour la ‘’qualité’’ (sans plaisanter sur le mot), il faut forcément payer plus…

De la publicité mensongère ?

Pour l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), un haut débit est celui supérieur à 256 kilobits par seconde. En Guinée, selon l’ARPT (Agence de régulation des postes et télécommunications) ‘‘le débit annoncé  par les opérateurs est un débit partagé et non dédié’’.

Par exemple le débit annoncé peut être 512 kbps mais le débit réel lors de la connexion internet peut descendre jusqu’à 144 kbps suite au partage de la bande passante, donc le débit annoncé n’est que théorique ‘’il dépend non seulement de la qualité du réseau et du  nombre de  personnes connectées’’, explique Mme Camara Aminata de l’ARPT. Peut-on alors parler de la publicité mensongère ? ‘’Le seul problème est que les opérateurs ne mentionnent pas que le débit est partagé et non dédié’’, explique notre interlocutrice.

Que fait alors l’ARPT en charge du contrôle du respect des obligations relatives aux cahiers des charges  et celui des offres des opérateurs ? ‘‘L’ARPT effectue des vérifications sur le contenu des services et des tarifs proposés aux consommateurs. Si lors de ces contrôles nous enregistrons des manquements au contenu des cahiers des charges ou des offres commerciales, l’operateur en question est sanctionné suivant la réglementation en vigueur’’, nous dit-on à l’ARPT. Pour le moment, les sanctions attendent toujours…

Ibrahima S. Traoré

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