Le 22 novembre dernier, notre reporter s’est rendu à l’Institut de Management d’Etudes Economiques et Comptables sis à Kipé dans la Commune de Ratoma. Dans cet entretien, le Directeur de cet Institut, M Fondio Ibrahim dit tout sur cet Institut qui, comme vous allez le constater est une référence en Guinée.
M. Fondio, qu’est-ce qui a motivé l’ouverture de votre Institut en Guinée ?
C’est un constat qu’on a fait sur le terrain. On s’est rendu compte que très peu d’universités ou même d’écoles professionnelles offraient une formation de qualité aux étudiants qui s’y inscrivaient. Nous avons la chance d’être chapeautés par un expert-comptable qui lui, recrute des jeunes sortants d’universités de grandes écoles. Quand les étudiants en fin de cycle viennent, il se rend compte que le niveau n’est pas vraiment à la hauteur de ses attentes. Mieux que ça, il y a en 2006, 2007, assez d’entreprises qui sont entrées en Guinée et qui recrutaient des jeunes, surtout des gestionnaires. Vous comprenez que dès qu’une entreprise existe, la comptabilité existe. Il se trouvait que sur place, on ne pouvait pas trouver des jeunes. En tout cas, les jeunes qu’on recrutait étaient des jeunes qui avaient séjourné en Europe, au Maroc. Mais sur place, on n’en trouvait pas. On a voulu se positionner pour qu’on puisse offrir cela. Au départ, nous avons dit qu’on va ouvrir un Institut qui est reconnu à l’international. C’est dans ce sens que nous avons ouvert Intec. Nous sommes le représentant de l’INTEC en Guinée. INTEC est un Institut français. C’est le plus grand centre de formation en matière de comptabilité dans le monde francophone. Cet institut existe dans plusieurs pays africains dont la Guinée, le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire et ailleurs. C’est un réseau et nous faisons partie de ce réseau avec INTEC. Intec, c’est un cours d’enseignement à distance et en présentiel qui prépare au diplôme d’expertise comptable. Les étudiants s’y inscrivent, mais les examens se font dans les centres associés, et les copies sont corrigées à Paris et on ramène les résultats par le net.
Comment ça se passe ?
Dans les centres, on est juste un intermédiaire entre Paris et les étudiants inscrits. On fait des appuis en termes de cours, puisqu’on reçoit tous les supports de cours. On leur fait le suivi pour la protection de leur examen. Mais, c’est chapeauté par l’Ambassade de France. Le sujet arrive de Paris, c’est l’Ambassade de France qui les conserve jusqu’à la veille des examens et les sujets sont mis à notre disposition. Les surveillants de ces examens ne sont pas les professeurs de notre institut. C’est chapeauté par le lycée français Albert Camus et quelques autres lycées tels que le lycée Saint Marie qui nous prête main forte pour qu’on puisse avoir un examen assez crédible en termes d’évaluation des étudiants. Ça c’est l’aspect INTEC .
Mais à côté d’INTEC, on s’est rendu compte qu’il fallait offrir une autre formation de nationalité guinéenne. Parce que INTEC, c’est de nationalité française. Afin que les étudiants puissent se doter de diplômes guinéens qui a une certaine valeur, une certaine côte. C’est ainsi que parallèlement à notre collaboration avec INTEC, on a ouvert l’IMEEC en 2007. Et nous avons dit qu’il fallait faire profiter aux jeunes qui s’y inscrivaient une formation de qualité. Il y a des aspects juridiques et comptables, propres aux africains, donc à la sous-région. Par conséquent, il faut inculquer aux jeunes les notions juridiques et comptables propres à la sous-région (OHADA et SYSCOA, notamment). Ceci afin qu’ils aient des informations vraiment pertinentes leur permettant à la fin de leurs études d’intégrer aisément le marché de l’emploi. Nous avons créé l’IMEEC sur l’inspiration de INTEC. Mais adapté au contexte africain et guinéen.
Est-ce- que cela a fait ses preuves ?
Il faut reconnaitre qu’il y avait un goulot d’étranglement les premières années d’exercice. Parce qu’on est resté sur un principe qui est jusqu’aujourd’hui appliqué. C’est la qualité en réalité. C’est-à-dire on ne voudrait pas avoir des étudiants qui se doutent des diplômes IMEC, sachant qu’ils n’ont pas le niveau. Donc, on fait un vrai filtrage en termes de passage d’une année à une autre. C’est pourquoi lorsque je vous donne les chiffres des sortants, ça va vous sembler un peu bizarre. Il y a un filtrage qui se fait afin de permettre à ses jeunes là, non pas de posséder un diplôme, mais de posséder une connaissance. Et comme on le dit souvent chez nous, le diplôme est une conséquence, ce n’est pas un objectif. L’objectif pour nous, c’est la qualité et la formation. On a un taux d’insertion de nos diplômés qui est de l’ordre de 85 pour cent.
Quel est votre particularité ?
Notre particularité est le fait qu’on ne veut pas être dispersé pour enseigner plusieurs filières. On n’a pas pour le moment obtenu l’autorisation pour faire le Master et on respecte aussi le règlement fixé par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la recherche scientifique qui régit notre université. Donc, on ne peut pas pour le moment aller au-delà de la licence de comptabilité et de gestion, nous sommes des comptables et on reste dans notre domaine de compétence. Ensuite avec INTEC de Paris, on va jusqu’à l’expertise comptable, c’est-à-dire BAC +3 Licence, Bac+5 e, Master et Bac+5 en Doctorat. Il y a aussi des formations complémentaires qu’on appelle certificat de spécialisation comme pour des personnes qui veulent se spécialiser dans des domaines précis de la gestion.
Parlez-nous d’INTEC ?
D’abord INTEC est un institut français de formation aux mesures des chiffres qui est connu par tous les experts comptables dans le monde francophone. Parce que dans leur parcours universitaire, ils ont passé par INTEC. Et ceux qui connaissent les atouts de INTEC sont des professionnels qui n’ont pas le temps de suivre les cours à l’école mais ils payent les cours à distance et ils viennent faire l’examen. La plupart d’entre eux travaillent dans des cabinets d’expertise comptable et qui veulent avancer en grade. INTEC est le pur système LMD, parce qu’on ne s’inscrit pas en 1ère ou 2ème année, mais à un cours.
Quelles sont conditions d’admissions à l’IMEEC ?
Pour étudier à l’IMEEC, il faut avoir le Bac. Tous les détenteurs du Bac peuvent faire la comptabilité.
Quelles sont vos relations avec l’Etat en ce qui concerne les boursiers de l’Etat ?
L’IMEEC fait partie des universités autorisées à recevoir des boursiers de l’Etat, y en a qui sont en cours maintenant, les 3ème et 1ère années. En 2007, nous avions refusé de prendre des boursiers de l’Etat, par manque d’expérience. On avait peur de recevoir des gros effectifs qui risqueraient de nous poser des problèmes de contrôle compte tenu de notre rigueur. Ce n’est qu’en 2008 que nous avons commencé à prendre les boursiers de l’Etat, parce qu’on avait pris de nouveaux locaux, recruté des enseignants expérimentés pour nous permettre de nous accompagner dans notre aventure avec un objectif précis.
Vous êtes tous regroupés ici, est-ce que c’est possible que les enseignants de l’IMEEC puissent donner des cours dans d’autres universités ?
Nous ne sommes pas éparpillés, on est tous regroupés ici. Ce n’est pas possible chez nous en quelques sortes. Par contre, il y a des cours d’Anglais où on a besoin de certaines personnes qui ont un certain niveau. Donc, il y en a un qui enseigne dans une autre université, mais chez les autres pratiquement, non. Ce sont des professionnels qui viennent pour donner des cours et il ne faut pas oublier que nous sommes chapeautés par un expert-comptable. C’est-à-dire qu’il y a un regard sur le contenu des cours et leurs supports dont quelques uns ont été écrits par moi-même d’ailleurs et l’économie c’est international. Donc, l’économie qu’on enseigne à Kofi Annan ou UNC est la même que celle qui est enseignée chez nous. A ce niveau là, on a des cours suffisants qui sont écrits par des auteurs français en termes d’économie et en termes de comptabilité c’est moi qui fais les écrits parce que c’est adapté au Syscoa.
Le cycle de formation dure combien de temps ?
Normalement c’est 3 ans. Mais un étudiant qui n’a pas validé ses cours en 1ère année peut reprendre la classe.
Qu’en est-il de l’aspect genre dans votre institut ?
Il y a 70% de filles en 2ème année. En résumé, il y a plus de filles que de garçons à l’IMEEC.
Parlez-nous davantage de la qualité de la formation…
J’ai dit à tous ceux qui sont ici que le jour où nous ne serons pas capables de les former, nous leur remettrons leur argent et on va s’excuser. Mais tant que nous sommes en train de prendre leur argent, c’est parce que nous pensons être capables de le faire. Je sais qu’on en est capable pour le moment, sauf cas de force majeur. On ne ment pas avec la formation, car, c’est le seul élément qu’on peut vendre contre un salaire, ce n’est pas autre chose. Même celui qui utilise sa force physique a été formé à plus forte raison celui qui fait la comptabilité qui est un métier de seigneur. Un bon comptable passe une information dans une entreprise et ça peut conduire à la chute de l’entreprise si cette information est mauvaise. Je disais à mes étudiants de faire attention, parce qu’ils font la comptabilité qui est régie par des règles de droit. Raison pour laquelle il y a des cours de droit en 1ère année et deux en 3ème année, notamment le droit de travail et le droit fiscal, en 2ème année, il y le droit de société qui leur permet de comprendre cela. Qu’est ce qui est imposé par la comptabilité, parce que celle-ci est imposée par des règles de droit. C’est l’Etat qui impose le droit à toutes les entreprises afin qu’on évite de rentrer dans une entreprise et y faire des erreurs de comptabilité. Un aspect très important chez nous, parce que quand un étudiant sort de chez nous, il est directement opérationnel. En 1ère et 2ème année, ils ont des bases, mais on ne peut pas faire de la comptabilité en faisant de la théorie seulement. La comptabilité c’est la pratique pure. En 3ème année, j’ai conçu un logiciel de comptabilité moi-même et on réunit les étudiants en leur demandant de faire des groupes de travail de trois personnes. On leur donne une machine, des pièces comptables et le responsable des écritures est le chef du groupe et ils font le travail. Si le travail est bien fait on note et si ce n’est pas bien fait on corrige. Ce qui fait que quand ils vont dans une entreprise, ils savent c’est quoi une pièce comptable. Ils savent la différence entre une facture, un reçu, un bordereau ou un chèque. Et ils savent faire l’écriture comptable en entreprise quel que soit le logiciel dans lequel ils seront.
Comment vous analysez la concurrence et comment envisagez-vous la surmonter ?
Vous savez que la concurrence permet d’avoir la qualité. Celui qui est dans un système sans concurrents va faire du n’importe quoi. La concurrence ne nous dérange pas du tout, nous savons que cette concurrence existe, mais comme on dit souvent plus on est nombreux plus on s’amuse. Dans ce cadre c’est le terrain qui dicte, et sur le terrain où sont nos étudiants ? Que font nos étudiants sur le terrain ? Voilà pour nous où s’arrête cette histoire de dire on est les plus forts. On a que la comptabilité et gestion des entreprises et la formation rigoureuse que cela impose. D’ailleurs nous ne sommes pas les plus forts mais nous sommes les meilleurs en comptabilité.
Publi-interview de El. Hadj Mohamed Diallo