Les feux de brousse, l’exploitation minière causent des dégâts à l’environnement dans la région de Kindia, notamment à Madina Oula et à Goléah. Localités situées à plus de 200 km de Conakry. Notre reporter y a séjourné les 27 et 28 novembre. Voici son reportage.
Tout au long du trajet qui mène à Madina Oula (60 Km de Kindia), le paysage verdoyant qui, autrefois caressait la route, disparait progressivement laissant la place à des flammes d’herbes ou à du bois calciné. Soriba Camara, chef d’équipe au Forest management, ONG, fait le constat avec nous : ‘‘Sur le terrain, d’une manière globale, les ressources sont en train d’être dégradées de manière irréversible. On a constaté que les forêts disparaissent. Il y a des feux de brousse partout, il y a la coupe de bois. Tout le monde est devenu coupeur de bois, les paysans font les champs n’importe où et n’importe comment, n’importe quand et sans contrôle. Egalement les gens qui font le charbon, rentrent dans n’importe quelle zone et détruisent l’environnement, sans préoccupation pour l’avenir des enfants des générations futures. Vous avez constaté aussi qu’il y a le changement de climat. Il fait chaud et parfois il fait très frais à un moment donné. Donc, tout ça ce sont les conséquences des pressions des communautés sur les ressources naturelles dans la zones.’’
Pour notre interlocuteur, mettre le feu à la brousse donne de graves conséquences : ‘‘D’abord vous avez vu que quand les forêts disparaissent, la biodiversité disparait, c’est-à-dire la faune, la flore, tout disparait avec. il y a aussi la rareté des pluies parce que c’est la forêt qui attire la pluie. S’il n’y a pas de forêt, il n’y a pas de pluie. S’il n’y a pas de pluie, cela veut dire que le paysan qui travaille la terre pour avoir à manger ne trouve plus suffisamment à manger.’’
Il n’y a pas que ça. Mohamed Kouyaté que nous avons rencontré, sur la route de Madina Oula dit avoir quitté sa région natale il y a des années parce que ‘‘notre plantation qui nous faisait vivre a été brûlée par des inconnus’’. Aujourd’hui, il vit à Conakry où il se ‘‘débrouille’’. Et estime que de nombreuses personnes sont dans sa situation. ‘‘Si des gens comme moi ne parviennent pas à s’insérer dans la dynamique de la vie en ville, ils vont facilement aller dans la délinquance. Et dans la délinquance, il y a la grossesse, la drogue, le vol’’, déplore Kouyaté.
La pauvreté sur un plateau de diamant
Les traces du feu à Madina OulaA Goleah, à 10 km de la région administrative de Kindia, l’exploitation du diamant par les exploitants artisanaux a plongé ce district dans un état de pauvreté insoutenable. Sur place, on constate de gros trous béants laissés par les exploitants qui, après avoir fini de chercher le métal précieux sont allés voir ailleurs.
Ibrahima Sory Bangoura, Président des Mines à Goleah explique la dégradation de l’environnement par les actes posés par ceux qu’ils appellent ici ‘‘diamantaires’’ : ‘‘L’exploitation rendait la rivière sale. Ce qui rendait l’eau impropre à la consommation. Et cela perturbait les populations. Depuis, qu’ils ont quitté les activités ont repris et la rivière est devenue propre.’’
Cependant, ‘‘il n’y a presque plus de plaines cultivables pour les paysans. La plus part des jeunes sont partis en ville. Les petits commerces ont disparu et la pauvreté s’est accentuée’’, révèle-t-il.
Pour Sékou Sylla, chef de section adjoint de la section environnement de Kindia, rencontré dans la matinée du vendredi 29 novembre, ‘‘à part la CBK –société minière qui restaure les mines exploitées par le reboisement, NDLR-, il y a des acteurs miniers qui dégradent l’environnement. Je veux parler ici des clandestins, des gens qui viennent à la recherche de l’or, du diamant. Ces derniers viennent dégrader l’environnement. Certains travaillent sur les rives du fleuve du Kounkouré.’’
Un comité de veille
Selon M. Sylla, ‘‘récemment, le département de l’Environnement a envoyé une mission pour sensibiliser les populations afin de prendre des dispositions éventuelles. Pour cela, le département a mis en place un comité de veille qui doit suivre le mouvement de ces dégradeurs de l’environnement afin de prendre des dispositions utiles. Evidemment, la chose n’est pas encore meublée, mais c’est en cours’’. Par ailleurs, se réjouit M. Sylla ‘‘la coupe abusive du bois n’est plus qu’un souvenir. Depuis l’arrivée des éco-gardes pour appuyer les services techniques afin de veiller sur ce travail de dégradation de l’environnement’’.
Pour Soriba Camara et son ONG ont d’autres solutions de lutte contre la dégradation de l’environnement : ‘‘Nous avons cherché à organiser les communautés dans les différents villages en mettant en place les comités de gestion de feu. Pour qu’ensemble les gens trouvent des dispositions appropriées pour que les fléaux qu’on a déjà cités puissent être freinés au fur et à mesure. Ensuite, on a essayé de développer des activités économiques pour les couches marginalisées en particulier les femmes. Nous avons créée l’association villageoise d’épargne et de crédit. Donc ces associations villageoises développent des capacités de mobilisation de l’argent au niveau local et distribuent l’argent entre les membres. Cela veut dire que les gens vont se prendre en charge au fur et à mesure dans les activités économiques et s’insérer dans la dynamique de développement en faisant en sorte que la forêt ne soit pas détruite et que les gens s’organisent pour protéger les legs des ancêtres.’’
Comme on l’a constaté, la gestion de l’environnement constitue un véritable goulot d’étranglement pour les autorités de Kindia. Sur terrain, le constat est assez alarmant car la dégradation est plus qu’une réalité et les conséquences ont un impact sur la vie des populations exposées à un état de pauvreté extrême. Toute chose qui, selon des spécialistes, entraine l’exode rural.
El Hadj Mohamed Diallo, envoyé spécial à Kindia