Un projet de 135 milliards de francs CFA pour la réhabilitation du port de Garoua (nord du Cameroun) prévoit la relance dès 2015 de la navigation fluviale entre cette principale ville du Nord-Cameroun et Niamey au Niger en passant par Lagos au Nigeria, via le fleuve Niger et son affluent la Bénoué en territoire camerounais, annoncent des sources à l’Autorité du Bassin du Niger (ABN).
Hors d’usage depuis plusieurs années pour le trafic des grands bateaux, le port de Garoua situé dans une ville présentée comme le poumon économique de la partie septentrionale du Cameroun et siège de la Société de développement du coton (SODECOTON), productrice de l’un des principaux produits d’exportation de ce pays d’Afrique centrale, souffre de l’ensablement décrit comme un obstacle pour la navigation fluviale entre les pays du Bassin du Niger.
Pour cause de cette absence de navigation, le fleuve Niger se trouve à l’écart des activités du commerce international où, d’après les analyses, l’essentiel du transport des marchandises se fait par voie maritime, et par ricochet fluviale aussi.
C’est évident qu’en plus de 50 ans d’existence depuis son ancêtre la Mission d’étude et d’aménagement du Niger (MEAN) créée dans les années 1950 et devenue en 1964 Commission du Fleuve Niger (CFN), l’Autorité du Bassin du Niger, créée en 1980 et composée du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Mali, du Niger, du Nigeria et du Tchad, n’a rien entrepris pour un tel positionnement.
« En 50 ans, l’Autorité du Bassin du Niger a essayé d’abord d’asseoir la coopération et la solidarité. Elle vient de faire adopter par les chefs d’Etat et de gouvernement un Plan d’action de développement durable du Bassin du Niger (PADD), assorti d’un programme d’investissements et d’un plan d’action pour 27 ans », a tenté de justifier à Xinhua, Seydou Seyni, coordonnateur régional du Programme de lutte contre l’ensablement dans le Bassin du Niger.
« Dans les activités et les actions qui sont prévues dans ce PADD, effectivement la navigabilité du fleuve occupe une place importante. Le secrétaire exécutif actuel en fait un point d’honneur. Et actuellement, il est inscrit dans le budget une étude pour voir quelles sont les dispositions à prendre pour assurer une bonne faisabilité de la navigabilité sur le fleuve Niger », a-t-il ajouté en marge de la 32e session ordinaire du Conseil des ministres de l’ABN tenue le 29 novembre à Yaoundé.
Notamment en sa qualité de coordonnateur régional du Programme de lutte contre l’ensablement dans le Bassin du Niger, M. Seyni pilote un projet d’un coût de 135 milliards de francs CFA (270 millions de dollars) visant à la réhabilitation du port de Garoua, au Nord du Cameroun, et d’autres activités de développement intégré.
« Pour être prudent, je dirais que si nous avons la chance d’être parmi les vivants, dans dix ans nous verrons cette navigabilité. Je vous informe que la partie camerounaise est déjà navigable. La Bénoué est navigable et actuellement il y a un projet qui est en préparation, qui a prévu de réaménager le port de Garoua pour pouvoir assurer une bonne navigabilité du fleuve et relier le Cameroun et le Tchad aux autres parties du fleuve Niger à travers la navigation », a-t-il expliqué.
Ce projet prévu d’être lancé en 2015 s’inscrit dans le cadre du Programme intégré de développement et d’adaptation aux changements climatiques dans le Bassin du Niger. Fournis par la Banque africaine de développement, chef de file des bailleurs de fonds, puis la KfW (la coopération financière allemande), l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) , la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et la contrepartie des Etats et de la population, les 135 milliards de francs CFA de financement intègrent d’autres activités, a précisé M. Seyni. « Il n’y a pas que le désensablement et l’aménagement du port, a- t-il assuré. Il y a la construction d’un certain nombre de retenues d’eau, soit six au total, dans la partie camerounaise du bassin pour pouvoir améliorer l’agriculture, l’élevage et la pêche, et aussi l’aménagement des forêts pour pouvoir mieux gérer ces ressources-là pour les générations présentes et futures. Le projet s’étend sur les neuf pays ».
Dans un contexte où le renforcement du commerce intra-africain a été fixé comme objectif par l’Union africaine (UA) qui s’était engagée à mettre en place une zone de libre-échange économique continentale à l’horizon 2017, l’établissement de la navigation fluviale entre Garoua et Niamey en passant par Lagos devra favoriser l’accroissement des échanges entre les pays de la région.
Mais ce projet n’est qu’une partie de la solution aux problèmes liés à la navigabilité du fleuve Niger, qui reste navigable pour l’instant dans certaines portions telles que Bamako-Gao au Mali et Lagos-Niamey. « Certaines parties qui ne sont pas navigables, il y a des chutes. Et tant qu’on n’a pas transformé ces chutes-là, les grands bateaux ne peuvent pas passer. Mais les bateaux moyens et les pinasses passent », affirme Seydou Seyni.
D’après les estimations, le Bassin du Niger compte en effet 3. 000 km de navigation fluviale potentielle dont moins de 20% sont utilisés. D’après lui, « pour la navigabilité générale du bassin du fleuve, le vrai problème qui se pose, c’est le problème d’ensablement. Le sable qui est en train de diminuer les capacités de navigation du fleuve, parce qu’il s’entasse et diminue la profondeur du fleuve. Et pour certains grands bateaux, il faut un tirant d’eau important pour pouvoir leur permettre de pouvoir naviguer sur le fleuve ».
Par conséquent, « si on veut naviguer, il faudrait d’abord maîtriser l’ensablement du fleuve Niger, assurer une lame d’eau importante à tous les niveaux pour pouvoir permettre cette navigation qui joue un trait d’union entre les Etats sur le plan économique, sur le plan social et sur le plan culturel. Mais aussi il faudrait que là où se trouvent les grandes chutes des travaux importants soient menés pour pouvoir aplanir ces chutes-là et favoriser la navigation sur l’ensemble du cours du fleuve Niger ».
Xinhua