Censure

Kiridi Bangoura : ‘‘Est-ce qu’on veut doter le pays d’un budget de développement pour avancer ou coûte que coûte, il faut le bloquer ?’’

N.Y. Kiridi Bangoura

Depuis la convocation par le Président de la République, Pr Alpha Condé, d’une session extraordinaire du Conseil National de transition (CNT) pour examiner et adopter le budget 2014 du Gouvernement, l’opposition dite républicaine crie à la violation de la loi, arguant que ce droit, désormais, revient à la nouvelle Assemblée nationale, malheureusement non encore installée. Pourtant, l’article 157 de la constitution précise qu’il revient au CNT de légiférer jusqu’à l’entrée en fonction de la nouvelle Assemblée nationale.

Dans Les Grandes Gueules du jeudi 19 décembre, le Ministre, secrétaire général à la Présidence, porte-parole du Président, Naby Youssouf Kiridi Bangoura, a expliqué que ‘‘Le Président de la République a assez d’informations sur la vie nationale et internationale et assez de contraintes, d’où son devoir de les gérer à son niveau, ce qui lui permet de poser des actes dans un calendrier donné…’’

En débat contradictoire avec le 2e vice-président de l’UFDG, Dr Fodé Oussou Fofana, le porte-parole de la Présidence de la république a défendu que ‘‘depuis trois ans, notre pays a réussi à tenir ses engagements constitutionnels sur le respect du délai de l’adoption de la Loi des finances, et aussi ses engagements contractuels avec le FMI et la Banque mondiale dans le cadre du Programme de réajustement que nous avons avec ces institutions’’. Pour lui, ‘‘Le contexte a fait qu’entre les élections que nous connues et la période qui a suivi n’ont pas permis à ce que l’institution transitoire, le CNT, puisse être saisie du dossier et faire le travail qui s’imposait’’. Pour le Ministre Naby Y. Kiridi Bangoura, le Gouvernement a fait un choix, ‘‘On avait deux choix : si le Gouvernement reste dans une attitude égoïste et solitaire, c’était de dire ‘ce n’est pas grave, le Président de la République a le pouvoir de prendre une ordonnance permet à l’administration de bien fonctionner pendant trois mois. Mais, le pays ne peut pas connaitre d’investissements et de budget national… Voilà le côté délicat de l’acte qui était à poser. L’acte était légal et réglementaire, on pouvait le prendre, mais les conséquences étaient qu’on favoriserait le simple fonctionnement de l’administration mais pas l’investissement, le développement de la Guinée et la réduction de la pauvreté’’, insiste le Ministre Bangoura. Pour lui, avec ce ‘‘besoin provisoire, c’est l’administration seule qui aurait fonctionné. Mais la responsabilité aujourd’hui de réduire la pauvreté dans ce pays, ne nous le permet pas avec tout ce qu’on a connu comme retard sur le FED, par exemple’’.

Si Fodé Oussou Fofana s’indigne que le Président de la République ait convoqué une session extraordinaire, alors que nous sommes en période d’une session ordinaire, pour N.Y. Kiridi Bangoura, la loi n’a aucunement été violée, ‘’il n’y a aucune loi en Guinée qui interdit qu’on convoque une session extraordinaire dans le délai imparti d’une session ordinaire qui n’a pas été ouverte. C’est si la session ordinaire avait été ouverte que cela aurait été illégal’’.

Pour mettre fin aux spéculations, malgré les explications récentes du ministre délégué au Budget pour justifier le retard, le Ministre Bangoura a insisté sur les relations entre le FMI, la Banque mondiale et le gouvernement guinéen ‘‘C’est pour vous dire qu’on a des exigences. C’est pourquoi je parle d’engagements internationaux, c’est de cela qu’il s’agit. Si on avait les moyens de faire notre budget sans financements extérieurs (partie investissements surtout), on serait dans les délais nationaux. Mais, le problème qu’on a eu, c’est qu’il fallait que le Ministre d’Etat chargé des finances et le Ministre délégué au budget, partent à Washington, discutent avec nos partenaires, se mettent d’accord sur le cadrage macroéconomique et sur le budget prévisionnel 2014. C’est après cet exercice là qu’ils sont revenus pour soumettre au Gouvernement la proposition de budget, devenue un projet de loi, et envoyée au CNT. C’est pour vous dire que nous reconnaissons qu’il y a retard. Il faut qu’on n’accepte tous, qu’il peut arriver de temps en temps que la vie ne soit pas toujours comme on le souhaite’’, ajoute-t-il.

Malgré tout, Fodé O. Fofana persiste à accuser le Président de la République et la présidente du CNT d’empêcher les nouveaux députés à examiner et adopter le projet de budget 2014. Loin de-là, se défend le porte-parole du Président de la République, reconnaissant les droits de l’opposition ‘‘nous ne pouvons pas nier à l’opposition son droit fondamental et existentiel d’être en contradiction avec les actes posés et les discours tenus par la majorité et l’exécutif. Donc, nous ne sommes pas là dans une position réactive. Mais regardez le contexte comme il se présente’’, rétorque-t-il. Pour ce négociateur en chef de la mouvance présidentielle, ‘‘ce qui est important aujourd’hui est de dire ‘est-ce qu’on veut doter le pays d’un budget de développement pour avancer et qui va permettre l’installation efficace et efficiente de la nouvelle Assemblée, ou coûte que coûte, il faut bloquer ce budget-là quitte à perdre six mois dans l’année qui vient ?’’ Soutenant la décision du Chef de l’Etat de laisser au CNT de siéger, sans doute, pour la dernière fois, et d’être dans le délai imparti pour l’acquisition du budget par rapport aux engagements de l’Etat.

Et puis, dans le souci de maintenir la cohésion, le Ministre Bangoura croit en la collaboration entre l’exécutif et les acteurs politiques, ‘‘il faut trouver les voies et moyens de se parler régulièrement sur les questions d’importance nationale. Cela n’est pas écrit dans la constitution. Si vous prenez la constitution littéraire, il est sûr que vous vivrez de crises. La leçon à tirer des crises passées est de trouver un cadre qui permet à l’exécutif, à la majorité et à l’opposition de se rencontrer sur les questions d’importance nationale pour que le point de vue de chacun soit encré dans la prise de décision. Cela ne remet pas en cause l’autorité des uns et des autres, l’autonomie des uns et des autres et les objectifs partisans des uns et des autres. Il faut qu’on apprenne à se concerter, à se consulter avant d’agir’’, dit-il.

Cheick Ah. Tidiane Diallo

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