L’opposition radicale guinéenne avait ses animateurs de la rue, ses têtes fêlées : entre autres Mouctar Diallo, Faya Millimouno et Fodé Oussou Fofana. Ils disaient tout haut dans des mots peu courtois, ce que leurs mentors disaient tout bas. Depuis l’inauguration des sessions de la nouvelle Assemblée, les Guinéens ont découvert celui qui semble prendre le relais cette fois-ci au Parlement. Son nom ? Ousmane Gaoual Diallo, membre du bureau Exécutif de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) et député. Voici son interview.
Guinee7.com : M. Diallo, parlez-nous de votre parcours…
Ousmane Gaoual Diallo: Je suis un militant de l’UFDG depuis très longtemps. Je suis entré en politique en 1988 au tout début des mouvements d’étudiants. Je suis universitaire et scientifique de formation. J’ai fait les mathématiques à l’université et j’ai fait un double cursus universitaire. Je suis diplômé d’un d’Etudes approfondies en sciences de gestion et d’un MBA, Master and Busness Management du HEC de Montréal. J’ai fait près de 15ans dans le monde de l’informatique bancaire. Je suis marié et père de 5 enfants dont un garçon qui a plus de 20 ans. Mon épouse est docteur en Droit. Ma mère est malienne. J’ai fait l’essentiel de mon parcours universitaire en France où j’ai décroché donc deux DEA et un DESS en informatique. C’est en France également que j’ai passé l’essentiel de ma carrière professionnelle. J’ai travaillé pendant deux ans dans le monde de la gestion. Je suis un spécialiste plus proche de l’expertise dans le génie informatique que le management.
Pourquoi vous avez décidé de revenir en Guinée ?
J’ai décidé de revenir m’impliquer fortement en Guinée parce qu’il était nécessaire que la jeunesse s’engage et qu’elle ne soit pas là seulement pour engranger des opportunités. L’évolution et la trajectoire que notre pays a prise depuis l’arrivée par effraction d’Alpha Condé au pouvoir ne m’a pas plu. Il était nécessaire donc que je sois sur le terrain pour apporter ma contribution, avec les militants de l’UFDG pour faire en sorte qu’on puisse conquérir le pouvoir en 2015. C’est ça ma motivation. Ceci nécessitait que je quitte mon travail et ma famille puisque j’étais cadre en France. Ceci pour la démocratie, le rayonnement de l’UFDG.
J’ai intégré le premier parti politique qui a été formé en Guinée et qui est le PGP et qui était présidé par El Hadj Abdoulaye Portos Diallo et c’est l’absorption de ce parti à l’intérieur de l’UFDG concurremment à l’arrivée d’El Hadj Cellou et de Bah Mamadou au sein de ce parti que j’ai intégré les instances exécutives de l’UFDG. Et depuis, je suis militant et responsable de ce parti et j’agis conformément au parti.
Quelle lecture faites-vous de ces deux jours de travaux de l’Assemblée nationale ?
C’est déjà une bonne chose que l’Assemblée ait été installée par la volonté du Président de la République qui faisait fi de toutes dispositions habituelles. Donc, la première session s’est ouverte avec beaucoup de difficultés pour l’opposition. Parce que les consignes de vote n’ont pas été suivies intégralement parce que les partis alliés qui étaient avec nous et qui étaient dans l’opposition et se sont identifiés dans l’opposition avec nous, non seulement parce qu’ils ont pris des représentants à la CENI dans le compte de l’opposition, on a marché quelquefois ensemble dans l’opposition. Quand il est arrivé au vote, certains ont préféré pour des raisons qui leur sont propres d’aller ailleurs.
Ces personnes sont identifiées ?
Oui, il y a certains qui se sont identifiés eux-mêmes parce qu’ils l’ont déclaré. C’est le cas de Kassory Fofana qui l’a dit clairement à certains. Ceci a créé un trouble dans les relations et qui nécessite aujourd’hui une clarification des rapports entre les acteurs qui veulent faire la même chose et qui sont venus par leurs convictions et leurs valeurs. C’est cette clarification qui est indispensable.
Justement, on vous a vu très actif ces deux jours et vous avez eu une altercation avec Jean Marie Doré qui a voulu briguer une vice-présidence, qu’est ce qui explique votre attitude ?
Ce n’est pas seulement sa volonté d’être vice-président qui nous a révoltés. C’est sa volonté manifeste de vouloir agir contrairement à la loi. La loi dispose qu’on est élu à ces poste là que sur des listes. C’est un scrutin à liste. C’est une liste qui doit être élue. Or, Jean Marie Doré a voulu transformer ce scrutin en scrutin uninominal en se présentant tout seul, en mettant son nom tout seul sur une liste qui demande à être votée. Or, il n’était pas possible de voter pour une personne. Il faut avoir une liste de quatre personnes et c’est la liste qui devait être votée. C’est cette volonté qu’il avait manifesté de travestir la loi qui nous a révoltés et qui a expliqué notre attitude vis-à-vis de lui. Parce que c’est un habitué des faits, des combines qui ont très souvent exacerbé les tensions dans notre pays et qui ont conduit à des crises graves. Donc, il ne faut pas permettre de perpétuer ces modes de fonctionnement. Nous avons des lois dans le pays, qu’elles soient mauvaises ou non, il faut les appliquer sinon les changer. C’est ce qui est mieux pour une République qui se veut démocratique. Il faut avoir des principes, des lois et des valeurs et s’en tenir à ça.
Est-ce que vous ne pensez pas que vous donnez une mauvaise image de vous par rapport au respect des ainées- certaines personnes disent que vous avez voulu lever la main sur lui ?
Ce jour-là, il a commencé à dire des phrases intempestives et grossières. Vous savez que c’est un habitué des faits, de la provocation et nous avons répliqué sans management à cela. C’est une attitude responsable et je pense que beaucoup de jeunes devraient s’identifier à ça. Parce qu’il n’est pas possible d’accepter que des gens nous marchent là-dessus avec une telle arrogance et du mépris. Jean Marie Doré est un habitué des injures publiques. Je rappelle qu’il s’en est pris à la communauté peulh ici, lors des élections présidentielles de 2010 en allant jusqu’à dire que l’Islam ne peut pas installer quelqu’un au pouvoir, que la Fatiha n’installe pas quelqu’un au pouvoir. Il s’est attaqué à la communauté également en facilitant et en ne disant rien du tout sur les présumés empoisonnements. On l’a entendu sur plusieurs médias, il n’y a pas encore longtemps où il dit qu’il connait exactement les commanditaires et ceux qui ont conduit au pogrom qui a touché la communauté peulh en Haute Guinée et il ne dit rien. On ne sait pas au nom de quel principe de la République, il peut être témoin d’autant de violences sur une communauté et ne rien dire. Donc, c’est un mépris qu’il a pour nous, pour les principes de la démocratie. C’est quelque chose qui est révoltant. Ce qui explique que c’est quelqu’un de méprisable aujourd’hui dans la scène politique guinéenne.
Et il a boudé l’élection du bureau de l’Assemblée…
Il a boudé la séance parce que tout simplement, il a compris que la légalité n’était pas de son côté. Nous avons exigé l’application stricte du règlement intérieur dans son article 13. Si on n’est pas d’accord, qu’on modifie le règlement intérieur. C’est la moindre des choses. Je pense que lorsqu’il est venu et qu’il s’est rendu compte qu’il ne peut pas se présenter seul sur une liste, alors il a été obligé de renoncer et de partir.
Justement, il y a eu la constitution des commissions, dans quelle commission êtes-vous et quelle fonction y occupez-vous ?
Je suis vice-président de la commission Défense et Sécurité et je suis membre statutaire de la Commission des Lois qu’on appelle commission du règlement intérieur de l’Assemblée, de l’Aménagement du Territoire et de la Justice.
Qu’est-ce que vous comptez y apporter de plus ?
Pour tout parlementaire, le souhait le plus important, c’est de faire en sorte que les lois soient toilettées, qu’il y ait plus de lois qui soient applicables, qui soient adoptées dans des conditions légales et pour faire en sorte d’améliorer la vie de nos concitoyens, la sécurité de leurs biens et puis tout simplement de leur donner des outils juridiques qui leur permettent de vivre en paix dans le pays.
Bientôt les élections communales et communautaires. Comment préparez-vous ces joutes ?
Tous les partis élaborent des stratégies et élaborent des démarches et nous sommes en train de nous préparer pour évaluer d’abord les forces que nous avons en présence sur le terrain et puis corriger les disfonctionnements que nous avons enregistrés lors des élections précédentes, mettre les moyens à dispositions pour permettre une plus grande conquête de municipalités, de communes rurales dans notre pays.
Que répondez-vous à ceux qui disent de mettre un peu d’eau dans votre vin ?
Je ne bois pas du vin. C’est peut-être du sucre dans mon lait. Il faut apprendre aux gens à vous respecter. Parce que nous sommes dans un non Etat, un pays où il n’y a pas de principes, il n’y a pas de valeur, ni de justice. A partir de là, on dit aux citoyens que c’est par leur force seulement qu’ils peuvent se faire respecter, c’est l’absence de l’Etat, s’il y avait un Etat, une justice indépendante dans notre pays, nous aurions poursuivis Jean Marie Doré devant les tribunaux pour ses propos outranciers, pour son comportement abjecte vis-à-vis d’une communauté de notre pays, la communauté à laquelle j’appartiens. Donc, c’est quelque chose de normal. Aujourd’hui, il faut absolument que notre justice redevienne un appareil qui fonctionne, qui prenne en compte nos préoccupations. A défaut, chacun d’entre nous aura le devoir de se défendre. Voilà ce qui explique l’attitude de la plupart de nos concitoyens. Et je ne suis pas exempt de ce comportement-là.
Quelles sont vos ambitions au sein de l’UFDG ?
Aucune ambition particulière. Je suis un militant responsable aujourd’hui et qui a l’envie de contribuer fortement à l’élection du Président Cellou Dalein à la magistrature suprême en 2015. Et puis après, je retournerai tranquillement en France poursuivre ma carrière professionnelle.
Le geste de Diallo Sadakadji à Labé qui aspire à entrer en politique ne vous effraie pas ?
Pas du tout. Saddakadji est la bienvenue. Le Président Cellou l’a dit. D’abord, ce n’était pas un militant de l’UFDG, c’était un ami personnel d’El Hadj Cellou
C’était ?
Oui, je pense d’ailleurs que cette amitié continue puisque je ne connais pas leur rapport dans le passé. Je sais qu’ils étaient amis. Je n’ai jamais assisté à une rencontre entre les deux hommes. Je pense que cette amitié perdure. Pour le reste, il est la bienvenue. S’il peut apporter la solution dans ce pays. Pourquoi pas ? L’UFDG est un parti fort et c’est le plus grand parti politique en Guinée. Donc l’arrivée d’une personnalité sur la scène politique n’est pas effrayante, ce n’est pas quelque chose de nature à nous déranger. On sait que derrière Sadakaadji, il y a des agissements de petits groupuscules d’individus qui, peut-être, sont tous des hommes de couloir, des hommes d’ombre qui restent derrière des sites web pour faire leur campagne au lieu d’aller sur le terrain. Je pense que la conquête du pouvoir, c’est aussi l’action du terrain. Je ne vais pas nommer tous ces gens qui tournent autour de lui. Mais, il devrait se méfier des gens qui croient détenir la solution magique pour sortir la Guinée de cette situation.
Mais il a distribué près de 600 bœufs à Labé…
Il peut distribuer des millions de bœufs, ce n’est pas ce qui donne le pouvoir. Il faut venir ici et avoir un programme de société et réussir à rassembler le plus large possible les communautés guinéennes et réussir à séduire une frange importante de nos populations par les projets, les ambitions, les actions de terrain. Ce ne sont pas 600 ou 1 million de bœuf qui donnent le pouvoir
Interview réalisée par El Hadj Mohamed Diallo