Le Sénégal a fermé ses frontières avec la Guinée suite à la fièvre Ebola. Depuis cinq jours, de part et d’autres de la frontière, les gens attendent la levée de cette mesure. Non sans amertume. Notre reporter s’est rendu à la gare routière de Diawbhè à Labé. Ici tous les lundis, de nombreuses personnes quittaient pour se rendre au marché hebdomadaire de Diawbhè (mardi et mercredi).
Ce lundi matin le climat est lourd et l’ambiance morose à la gare routière de Diawbhé à Labé. Ce coin qui ressemblait à une foire les lundis est quasi désert. Les véhicules chargés certains de marchandises sont en position de départ. Mais le départ c’est pour quand ? ‘‘Seules les autorités sénégalaises peuvent répondre’’, nous dit une autorité de Labé.
Mamadou Aliou, chauffeur, pratique le tronçon Labé-Diawbhè depuis 26 ans, est très amer : ‘‘on a très mal accueilli la nouvelle de fermeture de la frontière. Ça nous fait souffrir énormément. Nos collègues qui sont sur le territoire sénégalais sont bloqués et ne peuvent donc pas revenir. Nous aussi on est là on ne peut voyager. Aujourd’hui nous sommes mêmes inquiets pour nos dépenses familiales parce que notre vie c’est sur cette route. C’est vrai aujourd’hui l’épidémie d’Ebola concerne tout le monde mais on n’a pas encore atteint le point de fermer les frontières sans préavis. Nous souhaitons que l’Etat guinéen à travers ses relations puisse trouver un remède à ça.’’
‘‘ça fait 4 jours que je suis là, impossible de rejoindre ma famille’’
Il se dit certain que ‘‘c’est les rumeurs qui ont poussé le Sénégal à fermer la route sinon depuis l’annonce de cette maladie on circulait sans problème. Mais la souffrance atteindra tout le monde parce que le Sénégal vit des produits locaux guinéens qui sont vendus le plus souvent au marché hebdomadaire de diawbhè (huile de palme, riz local, banane, orange, manioc on ne peut tout citer)’’.
A quelques encablures de la gare routière située au marché Daka, des passagers apparemment révoltés sont installés dans un bar café où ils passet la journée depuis l’annonce de la fermeture de la frontière.
Mamadou Bailo Diallo, d’une cinquantaine d’années, réside au Sénégal avec toute sa famille. Il y est né d’ailleurs: ‘‘aujourd’hui (lundi 31 mars, NDLR) ça fait 4 jours que je suis là, impossible de rejoindre ma famille. Moi j’étais venu assister au Ziara de Thierno Aliou Bhoubha Ndiyan et je ne suis pas le seul. Beaucoup d’érudits venus du Sénégal sont également bloqués ici. Je pense que nos dirigeants nous trompent quand ils nous disent que la Guinée et le Sénégal sont des pays frères. Comment un Etat comme le Sénégal dont j’ai la nationalité peut penser que la maladie peut se transmettre par voie routière ? C’est un faux raisonnement, l’épidémie attaque autrement.’’
‘‘Ils sont sûrs de ne pas être contaminés par ceux qui quittent le Sénégal pourquoi ne pas les laisser passer ?’’
Mamadou Bailo dit attendre par ailleurs du chef de l’Etat guinéen qu’il intervienne en faveur des Guinéens bloqués à la frontière côté Sénégal avant de révéler : ‘‘Même hier (dimanche, NDLR) des Guinéens sont venus avec un corps jusqu’à la frontière à Linkerin (frontière coté Sénégal). On leur a refusé le passage. Ce qui à mon avis est absurde. Au moins ils pouvaient laisser ceux qui veulent venir parce qu’on dit que l’épidémie c’est en Guinée. Ils sont donc sûrs de ne pas être contaminés par ceux qui quittent le Sénégal.’’
Pendant que Mamadou Bailo continuait à exprimer sa colère suite à la fermeture de la frontière, dans la foulée une panique née de l’annonce de la présence d’une dame vendeuse d’huile de palme venue de Nzérékoré et qui souhaitait se rendre à Diawbhè. ‘‘Elle ne doit pas être parmi nous, elle vient de la Forêt où sévit la fièvre ébola’’, lance un rabatteur qui, du coup mit la dame dans tous ses états. Les sages du coin ramènent le calme et trouvèrent une place d’attente pour la jeune dame.
Les fermetures du marché hebdomadaire de Diawbhè et de la frontière du Sénégal ne sont pas sans conséquences négatives sur les chiffres d’affaires de plusieurs commerçants qui pensent que le Sénégal a pris une mesure extrême face à un pays qui lui a souvent ouvert son grainier. D’ailleurs au Sénégal, cette mesure de fermeté ne fait pas l’unanimité elle est dénoncée même par l’OMS.
Alpha Ousmane BAH