Ça vous laisse muet de stupeur, ébaubi et hébété ; il vous suffit d’être normal pour en avoir le bec cloué. En plus d’avoir foulé aux pieds notre combat pour la vérité, en effet, il laisse pisser le mérinos à un Ministre dont les apparentes attributions sont d’élaguer et de faire des misères à une justice visiblement mourante. Ce Ministre de tous les vacarmes vient d’en abattre un de sang pur, une espèce rare et solitaire qui avait jusque-là survécu à la cruauté de loups sans lois. On l’a foutu à la porte, ce Benjamin Sandouno, ce petit bonhomme maladroit et insoucieux comme enfant qui, en choisissant le parti de l’âpre vérité, a déclaré tout seul la guerre à l’impitoyable système Condé. Intraitable que ce Monsieur Sandouno ! Qui, même en descendant aux égouts qui lui servent désormais de poste, a gardé une langue agile qu’il plairait de réécouter.
Il lit : « En prenant service dans ces lieux (…), je venais décider à empêcher toute forme de rupture du trafic sur le réseau routier national ». Sa mission depuis août 2011 est ainsi déclinée. Mais à lire plus loin, il le dit clairement, notre petit Monsieur parait avoir passé l’essentiel de son temps à lutter contre « la persistance des mauvaises habitudes ».
Et c’est là un fait général. Ce qui est vrai dans les rouages du département des travaux publics a fortes chances de l’être à la pêche, à l’économie où, d’ailleurs la tendance est à revoir tous les engagements de l’Etat. Le malaise devient froid et cruel lorsque de solitaires efforts d’assainir la gestion publique sont aussitôt balayés par une tendance naturelle à foutre délibérément le boxon. L’étonnement de plus d’un tient au fait de révélations nettes laissées sans suite. On aurait encore mieux aimé le silence d’Alpha Condé, sa passiveté, que cette caution qu’il donne formellement à ce Ministre dont le département dégage des miasmes pestilentiels. C’est une insulte, à la fois au peuple de Guinée et à la justice universelle.
Mais revenons à nos moutons ! La deuxième partie du propos de cet indélicat Directeur sortant devient plus intéressante lorsqu’il lit : « Combattez (en parlant des jeunes) avec courage et détermination le mensonge, l’opportunisme aveugle, la fourberie, (…) et l’enrichissement illicite qui semblent s’emparer de ce département en lieu et place des compétences, (…), de la probité morale, … ».
Aïe ! Quel énorme dommage ! Il l’a lâché, ce morceau qui tardait à venir. On l’a éjecté non en raison d’incapacités, mais d’un système fourbe qui vous fait, même en lui restant réfractaire. Il pose aussi un sérieux problème d’avenir, celui de la jeune génération qui risque réellement la perversion du fait d’un quotidien partagé avec des ainés pourris. Ayons courage de le dire, la gouvernance Condé est une véritable armée mexicaine qui risque de nos coûter les bras si des mesures de justice ne sont pas prises à temps.
Et il aborde la « fameuse tentative de rehaussement des factures à la Direction Nationale de l’Entretien Routier », pour laquelle il dit avoir le cœur meurtri. Il fustige qu’ « on s’évertue en bandes organisées d’auto-défense pour empêcher l’aboutissement de la vérité ». Justement, d’une défense dont l’ONG Proba s’est fait prévaloir porte-flambeau en enfonçant d’avantage le Ministre par une maladresse puérile.
Disculpation et inculpation devraient revenir à la Justice, une Justice normale qui devrait en avoir tous les moyens. Nous y revenons aujourd’hui parce qu’elle me parait avoir mis ses voiles de la Guinée depuis toujours. Il faudra qu’elle nous évite le chao en s’occupant à ce qu’elle est appelée à faire.
Pour ce Sandouno et, aussi pour l’autre, ma joie tient à ce dernier paragraphe du propos : « Dieu s’appelle vérité et cette vérité finira par triompher malgré les vertus de la corruption et l’usage de toutes les stratégies maléfiques ».
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