“If the elections are not transparent, there won’t be any peace and stability in Guinea. (…) my electorate will not accept that, even if I ask them to. They will kill me and claim their victory.”
Source: http://www.bloomberg.com/news/2014-05-05/guinea-opposition-says-stability-hangs-on-transparency-in-vote.html
Ce serait le segment d’un propos qui fait subrepticement des vagues en ligne. Il est d’un colosse de l’opposition guinéenne qui crie au loup avant le loup, d’une baleine politique qui nous concèderait volontiers d’hésiter entre urgence et prophétie, puisque quoique précoce, son élocution traduit déjà très précisément le scénario post-électoral. La première interrogation s’impose dès lors. Le navire électoral de 2015 saura-t-il contourner l’iceberg ? De l’autre côté, la motivation du discours. Notre éléphant politique qui saisit absolument l’enjeu du scrutin, aurait choisi quand bien même de tenir un propos qui met le poil en branle. A quel besoin comptait-il répondre par cela ?
Il saute bien aux yeux, en effet, que l’environnement politique soit déjà devenu séismique avant 2015, et ce discours qui tombe comme un pavé dans la marre ne fait guère qu’arranger les choses. On y voit, d’abord une volonté et même un besoin constant de mettre en garde Alpha Condé qui, aux yeux de l’opposition passe désormais pour un émérite contrefacteur d’élections ; et pire, il ne s’agit plus là de simples suspicions, mais de convictions ancrées au cœur de l’opposition guinéenne et précisément de l’UFDG dont l’échec en 2010 n’a jamais été perçu comme tel.
2015 s’annonce ainsi comme un test à la probité de nos institutions électorales et aussi à celle du Président de la République, qui disait pouvoir obtenir de celles-ci, s’il le désirait, des résultats électoraux favorables à son maintien. J’ose espérer qu’à Alpha Condé, 2015 sera un défi plus sérieux que ceux posés par ses divertimentos habituels.
Mais l’envers du discours, l’énigme à résoudre est celle du mauvais perdant. Cellou Dalein Diallo, c’est de lui qu’on étripe depuis peu le propos, se serait inscrit dans la posture du seul vainqueur possible. Fort des ressources qu’il dit avoir glanées çà et là, il revendiquerait un an avant la victoire inévitable et irréversible de l’UFDG en 2015. Et lui de prévenir sur fond de menaces au www.bloomberg.com :
« Si les élections ne sont pas transparentes, il n’y aura, ni paix, ni stabilité en Guinée. (…) mon électorat ne l’acceptera pas, même si je le lui demandais. Ils me tueront et revendiqueront leur victoire ».
Dépassé donc le volet de la transparence, il faut se faire à l’idée de celui qui soutenait qu’en tentant d’expliquer l’inexplicable, on s’apprête aussi à excuser l’inexcusable ; pour dire que minimalement, deux projets surprenants sont contenus dans ce paragraphe.
Le premier est celui de la préparation. En annonçant de cette façon la victoire de l’UFDG et en indiquant déjà précisément la réponse de son électorat, monsieur Cellou Dalein Diallo lui-même aura tracé un sillon à la réponse de ses militants. Cette pression qu’ils exerceraient permettrait à monsieur Diallo, dans le cas d’un échec juste, de s’accrocher mordicus au trône.
Le second enjeu soulève cette question : Pour qui l’UFDG revendiquerait-il sa victoire après qu’il aura lui-même éliminé son leader ? Quant à cela, j’estime qu’il ne s’agit que d’un besoin d’amplification et d’hypertrophie qui revient à un non-sens. Toutefois, cette allusion aux militants remet sur la table la vérité d’un militantisme barbare et sans lois, qui échappe même au contrôle des leaders, et ce constat s’étend de l’opposition à la mouvance présidentielle. Besoin est donc à nouveau d’une intense et imminente éducation politique des militants.
Du reste, ceci demeure certain que 2015 mettra à rude épreuve la maturité politique de tous les guinéens. Des slogans et mouvements de partis politiques qui promettent le déluge si les urnes ne leur sont pas favorables, restent à proscrire dans un contexte qui s’annonce fébrile et méphistophélique. A Alpha Condé de se résoudre à garantir l’intégrité du scrutin, à Cellou et aux autres leaders, de garder le silence si leur discours n’est pas plus édificateur.
J’ose soutenir, au reste, que rien ne vaut la paix en Guinée, pas même des élections truquées !
zachariemills@gmail.com