Censure

Mosquée sénégalaise : La Mosquée de la discorde

Une vue de la Mosquée rénovée

Ce vendredi, il est midi, à la ‘‘Mosquée sénégalaise’’ un soudeur en compagnie d’un groupe de gens tout de blanc vêtus, ouvre les portes de la clôture de barbelés peintes en vert. Parlant à la fois le wolof et le soussou, respectivement dialectes sénégalais et guinéen, ils préparent ainsi la mosquée à la grande prière de vendredi. Ce lieu de culte situé en plein cœur de la commune de Kaloum a été fondé en 1919. Depuis la fin de ses travaux de rénovation, il y a quelques jours, il est au centre d’une polémique entre un groupe de croyants sénégalais et un autre de croyants guinéens au sujet de sa gestion. A la rentrée principale, une partie de l’enclos arrachée et abandonnée au sol témoigne, vendredi 27 juin dernier, de la scène de violences entre les protagonistes : la partie guinéenne réclamant la paternité de la mosquée qu’elle aurait jusqu’ici gérée, tout en occupant la première place de l’imamat tenue par un certain Elhadj Diaby. Certains même s’offusquent de ce que cette mosquée prenne le nom de ‘‘Mosquée sénégalaise’’. Préférant, le nom: Mosquée du Centre.

Les Sénégalais quant à eux revendiquent un changement de ce schéma. Ils voudraient une gestion ‘‘plus équitable’’ et souhaiteraient voir plutôt Elhadj Mamadou Sow devenir l’imam ratib de ce patrimoine rénové sur fonds propre d’un des leurs, un certain Sow établi dans la région de Saint Louis, au Sénégal. Suite à cet incident malheureux, la jeunesse de ladite mosquée se joignant aux jeunes et aux femmes du quartier Kouléwondy ont adressé un courrier aux notables, sages et au conseil du quartier demandant que ‘‘les instigateurs des troubles récents soient purement et simplement remplacés’’.

A défaut, lit-on dans ce courrier, ‘‘ils seront chassés par force par l’ensemble de la population du quartier’’.

Ce vendredi 4 juillet, visiblement c’est la partie sénégalaise qui tient les choses en main à l’intérieur de la mosquée : nettoyage par-ci, réglage technique par-là. Aucun d’eux ne se prête à la moindre question, surtout d’un ‘’corps étranger’’. Un jeune homme tente de violer l’omerta, mais l’ordre lui a été intimé de ne pas communiquer. Ici, ils semblent tous négliger l’incident de la semaine dernière. ‘‘Le problème est réglé, c’était de la jalousie. Allez à la Ligue islamique pour vous informer de la suite’’ ; c’est le mot sur toutes les lèvres. Au siège de la partie guinéenne, sous le hangar de fortune qui abritait les prières pendant les travaux de rénovation, pas l’ombre d’un responsable. Un fidèle nous confie que tout le monde est parti se préparer pour la prière.

A la place des deux camps en conflit, c’est Elhadj Abdoulaye Kaba, imam de Dabompa-centre qui prêche ce vendredi. L’actualité oblige, en présence des différentes parties, il parle de l’importance de la mosquée et les bons comportements à y adopter en tant que croyant. Pour lui, l’islam n’a pas de frontière encore moins de nationalité. ‘‘La mosquée est la maison de Dieu. C’est le lieu par excellence de paix et d’amour entre les fidèles musulmans. Nous avons tous intérêt de la protéger’’, répond-il à une pique que nous lui avons lancée à la sortie de la mosquée. Cet imam à bien des égards est en mission de la Ligue islamique pour livrer ce message de paix aux protagonistes.

Il a prêché en présence du Premier ministre guinéen, Mohamed Said Fofana qui avait rencontré les camps en conflit, le lendemain de l’incident malheureux. Aujourd’hui, il vient accomplir son devoir religieux dans la nouvelle mosquée, mais aussi tâter le pouls de la situation. Cependant, il ne fera pas de communication publique. Alors, question : Cette visite apaisera-t-elle les tensions ? Les jours à venir nous édifieront. En attendant, les négociations vont bon train entre délégués des deux parties en conflit et le département des Affaires religieuses. Joint au téléphone, Elhadj Karamo Diawara, chef de cabinet de ce département, dit que ‘‘l’on n’est pas loin d’une sortie rapide du conflit’’. Il indique, par ailleurs, qu’en pareille circonstances, ‘‘ce sont les prédispositions des textes du Coran qui trancheront. Mais pour l’heure, a-t-il déclaré, mon département donne la priorité à la réconciliation’’. Il en appelle à la paix dans cette mosquée de la capitale guinéenne.

                                                                        Moussa Diawara

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