Dans une correspondance datée du 20 juin 2014 et adressée au gouvernement guinéen à travers son département de la Pêche et de l’aquaculture, la Commission européenne pointe du doigt un certain nombre de contradictions autour de la liste des navires détenteurs d’une licence de pêche, que la direction générale du Centre national de surveillance des pêches (CNSP) s’est fait le devoir de communiquer à Bruxelles. Le refus de la Commission européenne de donner son quitus à ce document, tant que certaines zones d’ombre qu’il contient ne sont pas éclaircies constitue un camouflet pour les autorités guinéennes, qui ont été pour l’occasion, invitées à mieux se pourvoir.
Le fait que la Guinée se soit retrouvée sur la liste des pays ‘’non coopérants’’ de l’Union européenne ne pouvait qu’embarrasser le gouvernement. Pour sortir de cette mauvaise posture, Conakry a fait amende honorable. Sans pour autant parvenir à démontrer sa bonne foi à respecter les clauses qui lient le pays à l’Union européenne, en matière de coopération dans le domaine de la pêche. C’est le moins qu’on puisse écrire, en se basant sur la réponse apportée par la Commission européenne par le biais de la Direction générale des affaires maritimes de la pêche au département guinéen de la Pêche. Ce courrier dont nous détenons copie, porte sur ‘’le règlement INN-Observations consécutives à la réception de la liste des navires détenteurs d’une Licence’’. Liste fournie par la direction générale du Centre national de surveillance des pêches (CNSP) le 11 juin 2014.
En effet, la Commission européenne a émis des réserves sur la volonté des autorités guinéennes à rompre avec les mauvaises habitudes qui plombent le décollage du secteur guinéen de la pêche.
Au nombre des contradictions relevées dans le document fourni par Conakry, Bruxelles cite en premier le fait que ‘’les possibilités effectives de pêches d’espaces demersales pour l’année 2014 soient excédées.’’ Dans son courrier réponse la Commission européenne écrit que ‘’conformément à l’interprétation que nous faisons du plan d’Aménagement et de Gestion des Pêcheries 2014, le quota de tonnage de jauge brute (TJB) alloué en 2014 pour les poissonniers demersaux est établi à 3 000 TJB. Or, selon la liste des navires autorisés qui a été transmise, le TJB global des 33 navires de cette catégorie s’établit à 7476. A la marge, et bien que cela soit vraisemblablement lié à la période de clôture de juillet et Août’’.
Il ya également le point portant sur le ‘’non respect de la durée minimale de validité des Licences puisqu’un certain nombre d’entre elles ont été octroyées pour une durée inferieure à trois mois notamment celles délivrées en date du 17 mai 2014’’, dénonce Bruxelles. Qui n’a pas manqué d’attirer l’attention des autorités guinéennes sur le fait que ‘’quatre des navires ayant obtenu une licence ont des arriérés de paiement vis-à-vis des sanctions validées par l’Agence Judicaire de l’Etat.’’
Un flou apparaît également autour de la nationalité des navires ‘’APPIA, MORONOU et XING FU’’ figurant dans la liste des navires autorisés sous le pavillon “Chinois’’. Car les autorités chinoises rejettent toute appartenance de ces navires à leur pays.
Au regard de l’ensemble des éléments susmentionnés, la Commission européenne dit clairement être au regret de ‘’constater que la situation de l’année 2014 tend à devenir similaire à celle des années antérieures.’’ Craignant que ‘’les efforts de rationalisation de la flotte entrepris jusqu’alors soient entièrement remis en cause’’ à l’allure où vont les choses.
A ce chapelet de griefs relevés par la Commission européenne contre la Guinée, il faut ajouter ‘’les informations sur l’état de recouvrement des créances retenus comme valables par l’Agence Judiciaire de l’Etat que le ministre de la Pêche Lounceny Camara s’était engagé à fournir avant fin mai au cours de la réunion qui s’est tenue à Bruxelles en
date du 19 mai 2014, ainsi que ce qui concerne le recouvrement des frais inhérents aux licences octroyées “à crédit’’.’’
La Commission tient en effet à en savoir sur ces deux éléments qu’elle considère comme ‘’critiques’’ au cours de la réunion qui s’est tenue à Bruxelles.
L’UE se demande aussi comment ‘’des infractions reprochées au titre des deuxième et troisièmes trimestres 2013-celles apparaissant sous l’intitulé ‘’débranchement de balise’’ soient reprises sous l’intitulé “transbordement illégal’’ dans le document de l’Agence Judiciaire de
l’Etat. Selon elle ‘’cette modification peut avoir des conséquences dans le recouvrement des sanctions’’.
D’où pour elle ‘’la nécessité que cette nouvelle caractérisation soit fondée sur des éléments de preuves solides afin que ces sanctions ne puissent pas être contestées et soient honorées.’’
Les partenaires européens n’ont pas compris non plus ‘’les modalités de remise en liberté et le statut actuel des navires FU YUAN YU 359 et FU YUAN YU 373 dont le département de la Pêche avait porté à leur connaissance l’arraisonnement au cours de la réunion du 19 mai’’. Réunion à laquelle Le nouveau ministre de la Pêche Louncény Camara avait pris part. C’est surtout la remise en liberté de ces navires qui intrigue la Commission européenne, qui invite la Guinée à lui faire parvenir des ‘’informations exhaustives’’ y afférant.
Pour conclure, la Commission européenne fait mention de la ‘’nécessité d’éclaircir la situation concernant le rapport dressé par la mission d’enquête administrative sur l’utilisation des fonds issus de l’accord de pêche entre la Guinée comme pays tiers non-coopérant et qui maintient le pays dans un statut quo d’absence de politique sectorielle claire tel que cela a pu être identifié au cours de notre coopération dans le cadre du règlement (CE) N) 1005/2008 qui a débutée mai 2011 par une mission d’évaluation.’’
Malgré ces différents couacs relevés par la Commission européenne sur la gestion du secteur guinéen de la Pêche, elle donne une opportunité à notre pays de se racheter, à travers le maintien du dialogue avec nos autorités, jusqu’à ce que ‘’des éléments démontrant le respect des engagements pris par la Guinée, ainsi que des textes juridiques qu’elle a élaboré, en particulier le plan d’aménagement et de gestion des Pêcheries 2014,soient apportés.’’ Moussa Condé ‘’Tata vieux’’, l’homme par qui le scandale est arrivé
La mauvaise passe dans laquelle se trouve la Guinée vis-à-vis de notre partenaire qu’est l’Union européenne en matière de pêche n’est qu’une conséquence de l’anarchie qui caractérisait le fonctionnement du secteur de la pêche sous le magistère de Moussa Condé ‘’Tata vieux’’.
Ce personnage sulfureux, qui a bâti sa fortune en écumant les eaux guinéennes, était mal placé pour sauver un secteur aussi stratégique que celui de la pêche. Malheureusement le président de la République s’en est rendu compte, il est trop tard. Son successeur Louncény Camara hérite donc d’une situation chaotique, qu’il tente de sauver. La tâche s’avère herculéenne, quand on sait que bien que nommé au département du Tourisme, certains observateurs pensent que l’ombre tutélaire de ‘’Tata vieux’’ plane toujours sur le ministère de la Pêche. La plupart des cadres qui s’y trouvent étant acquis à sa cause.
Pour revenir à ce qu’il faut dorénavant qualifier de ‘’scandale’’, il conviendrait de rappeler dans le cadre du dialogue ouvert avec les autorités guinéennes suite à la décision de la commission 2012/C
354/01 du 15 novembre 2012, une mission de coopération européenne s’était rendue en République de Guinée du 26 Février du 1er mars 2013.
Cette commission dans son rapport de mission avait pu constater ‘’la mise en place de mesures décidées par le président de la République concernant la création de la Préfecture maritime ainsi que la mise à niveau des moyens de la Marine nationale, tant au niveau des unités de surveillance en mer que les unités à terre (sémaphores).’’ Elle avait relevé également que ‘’le centre VSM n’est opérationnel qu’en semaine et en journée (horaire de bureau) ce qui ne correspond pas aux exigences d’un FMC classique (Fishing Monitoring Centre).’’ Dans ses recommandations, la Commission européenne avait jugé ‘’indispensable que le service de surveillance satellitaire soit opérationnel 24h/24h et que tous les navires de pêche opérant en ZEE Guinée soient effectivement équipés du système de suivi satellitaire compatible avec celui de l’autorité de contrôle en application des dispositions légales et réglementaires en vigueur.’’
Ajoutant que ‘’le suivi satellitaire est en effet l’outil de base indispensable au contrôle correspondant au ratio coût –efficacité le plus intéressant, et qui permet de coordonner efficacement les autres
moyens de contrôle. L’application immédiate des obligations découlant de la loi ne présente aucun coût supplémentaire pour l’Etat et est une condition sine qua non d’un système de contrôle performant dans les eaux guinéennes, avait souligné la mission.’’
In L’Indépendant, partenaire de guinee7.com