Censure

Drame de Taouyah et protection de l’enfance : Le coup de gueule de Doré

Dans cet entretien réalisé avec le député de l’UPG, l’honorable Jean-Marie Doré  dénonce l’irresponsabilité  du gouvernement face à
ses prérogatives. Le député parle également de deux poids deux mesures dans sa gestion des crises qui affectent le pays.

Monsieur Doré quelles sont vos impressions, suite au drame survenu à la plage de Taouyah, le mardi 29 juillet 2014?

Jean-Marie Doré : C’est un évènement tragique qui a frappé de plein fouet la totalité de la population de la capitale et qui laisse dans une grande consternation devant la perte brutale de nos enfants, qui étaient partis pour se réjouir, pour marquer la fin du Ramadan et sortir de la torpeur de toute la période de Ramadan. Leur disparition brutale, nous laisse hébéter. C’est le mot qui convient. Nous présentons à leurs familles nos condoléances éplorées et nous souhaitons que Dieu accueille  leurs âmes dans son paradis. Mais ces évènements n’auraient pas dus se produire, parce qu’il y a déjà eu un précédent. Comme vous le savez, ce précédent a été provoqué par le lieu de l’organisation des manifestations des rappeurs. Le gouvernement, il était de son  devoir de prendre les mesures de sécurisation des lieux. Il devait imposer au propriétaire du coin, puisque la marrée surprend les danseurs de façon brutale. Donc, il était du devoir du pouvoir public de prendre des dispositifs, d’imposer un dispositif aux organisateurs, afin d’assurer la sécurité, pleine et entière de ceux qui se rendent là-bas pour passer la soirée. Ça c’est un premier point. Le second point, c’est le laisser-aller dans cette matière qui caractérise le comportement du gouvernement et des parents. La plupart des morts étaient des enfants, les plus âgés devaient avoir 17 ans. C’est intolérable, comment un père de famille peut laisser son enfant, une nuit entière, aller dans un endroit intolérable comme ce lieu de malheur. Et il est du devoir encore plus grand de l’Etat d’appliquer les lois qui protègent les enfants, il y a des conventions internationales. Un enfant ne peut pas sortir de chez lui à 6 heures du soir et rentrer à 4h du matin, sans que les parents réagissent. Moi-même, j’ai été témoin hier (ndlr : mardi 29 juillet)
en allant en ville. J’ai compris qu’il y avait une manifestation au jardin 2 octobre. Mais la plupart des gens qui allaient à cet endroit
à pied de Donka et plus loin de Donka, étaient des gamins de 8 à 10 ans. Il y avait même des enfants qu’ont tenait par la main parce qu’ils marchaient au milieu de la chaussée. Ce ne sont pas des enfants qui sont habitués aux grandes artères. Cela devait être interdit par les parents, interdiction garantie par le gouvernement mais le gouvernement ne l’a pas fait. Le gouvernement a passé par la voie facile, en suspendant et en incriminant la responsabilité de Malick Kébé, le directeur de l’agence guinéenne de spectacles. Je crois que, c’est très facile de faire cela, parce que Kébé n’est pas chargé de la sécurité de la population qui gravite autour des lieux de manifestation. Dès qu’il y a manifestation, qu’elle y soit invitée ou pas la police doit faire sont travail. C’est-à-dire assurer la sécurité de ces personnes qui sont là, et être prête à venir à leur secours. Le gouvernement n’a pas pris ses dispositions et elle a eu tort. Je désapprouve la sanction qui frappe Kébé parce que Kébé ne doit pas servir n’est-ce pas de prétexte, pour excuser la carence dont a fait preuve l’autorité responsable de ces manifestations.

Une procédure a été ouverte, mais nous savons qu’en Guinée, la procédure judiciaire n’arrive pas souvent à son terme. Pensez-vous que cette fois-ci, ceux qui sont responsables de ce drame se justifieront devant la justice?

On est loin de la justice d’abord, c’est un travail de police, c’est une affaire administrative, on n’est pas encore à la justice.
Oui mais, qu’à cela ne tienne, le chef de l’Etat demande à ce que toute la lumière soit faite par rapport à cette tragédie ?
Mais la lumière est faite, c’est que la police n’était pas là bas, aucun secours n’a été porté aux enfants. La lumière est faite par le
fait qu’il y a eu un précédent l’année dernière et que le même gouvernement n’a pas pu tirer les leçons pour assurer la protection
aux enfants. Laisser tomber cette affaire de justice. Je vais vous dire quelque chose de plus grave. J’ai été très content d’apprendre
que le gouvernement a décrété 7 jours de deuil national. C’est bien parce que la mémoire de ces enfants justifie cette mesure. Mais,
j’observe en même temps que cette mesure qui doit concerner tous les guinéens, qu’ils soient forestiers, peulhs, malinkés ou soussou est prise en sens unique.

Que  voulez-vous dire  par là, honorable?

A N’Zérékoré, il y a eu plus de 200 morts, des Koniankés et des Guerzés qui sont morts. Certains n’étaient même pas dans la rue. On
les a tués à domicile, et le gouvernement n’a non seulement pas décrété une heure de deuil national, mais encore a donné le sentiment de persécuter les corps, de les honnir, de cracher sur les corps en les mettant tous ensemble. Innocents et coupables dans une fosse commune. Pourquoi cette politique de deux poids deux mesures ? Pourquoi cette justice à deux vitesses et c’est ça qui est étonnant. Je ne juge personne mais je constate. Pour 33 morts, un guinéen mort déjà c’est trop, 33 c’est déjà plus mais 200, c’est énorme. Alors pour 200, silence radio; pour 33, 7 jours de deuil national. Et journée chômée, payée pour le gouvernement, il y avait aucun ministre à son bureau, et je m’interroge pourquoi cette différence ? De son côté le président de la République  s’est aussi investi sur cette bousculade meurtrière, il était sur tous les fronts… Mais je suis très content que le président de la République se soit déplacé pour aller lui-même à la morgue, pour partager la compassion avec les familles éplorées. Mais la même démarche n’a pas été faite à N’Zérékoré, c’est ça que je veux dire. Parce qu’un mort est un mort. Il ne faut pas qu’il ait de préférence entre les morts. Et un mort, c’est une soustraction dans la richesse humaine de notre pays. Là où on soustrait 200, la perte est plus importante que là où on soustrait 30. Mais 30 ou 200, c’est trop pour la Guinée de perdre ses enfants mais quand ils sont morts, nous devons nous incliner avec la même foi devant leurs corps héroïques et tragiques. C’est ce que, je veux dire encore une fois, mon parti l’UPG, ses cadres, militants et sympathisants par ma voix s’inclinent pieusement devant la mémoire tragique de ces morts. Mais il faut saisir cette occasion pour rappeler au gouvernement ses devoirs envers la population. Il ne doit pas y avoir deux poids deux mesures. Et puis concernant les infrastructures, les gens sont en train de construire anarchiquement à Conakry. Et c’est ce qui amène la mer à se répandre là où elle peut. Tout ça s’est passé à Conakry, en moins de trois ans et aucune leçon n’a été tirée de cela. C’est ça qui est la cause profonde. Si on ignorait que la marée pouvait surprendre les danseurs mais depuis l’année dernière, on sait que les mêmes causes produisant les mêmes effets, il allait se produire la même catastrophe. Donc, ici présenter monsieur Kébé comme responsable, je suis en désaccord total avec cette décision. Monsieur Kébé, sa responsabilité est située ailleurs, il aurait dû concurremment avec le gouvernement chercher les voies et moyens pour pallier les insuffisances de l’endroit où s’organisait cette manifestation.

Dans la foulée le gouvernement a fermé la plage. Quel est votre avis ?

Mais il s’agit pas de réagir au coup par coup, il s’agit de réagir à partir d’une réflexion profonde pour le moyen et long terme. S’il faut attendre ce qu’on doit faire aujourd’hui et il faut le faire aujourd’hui et déduire pour l’avenir. Mais si on a rien fait l’année
dernière maintenant que le nombre de morts soit plus grand pour réagir, ce n’est pas une façon à mon avis appropriée pour gérer les affaires publiques.

Pour finir Honorable, dans ce sens auriez-vous un message à lancer à l’endroit du gouvernement et à la population ?

Il y a des lois qui régissent les spectacles, il y a des lois sur l’éducation. On a un ministère qui est chargé de l’éducation civique, on a toutes les structures en Guinée pour que la vie nationale se déroule dans un cadre organisé. Mais le gouvernement ne réagit  depuis
toujours que quand il se produit des évènements de ce genre. Et puis, lorsque la tristesse est tombée, on reprend le cours normal de ces activités et on oublie ce qui devait se faire, c’est ça. Donc ici, il faut rappeler au gouvernement de mettre en œuvre les moyens disponibles. Prenez la convention de Norvège, d’Oslo sur la protection des enfants mais tous les jours, on bat les enfants comme les chiens galeux, aucune mesure n’est prise par les services compétents, chargés de veuillez sur la vie des enfants. Si c’étaient des adultes, je ne dirai pas qu’il n’aurait pas eu de morts mais ils auraient été plus véloces pour prendre des précautions. Mais un enfant effréné, va dans n’importe qu’elle direction et il constitue un obstacle, on bute sur lui, il tombe, ceux qui viennent après l’écrasent. C’est très grave pour notre richesse humaine et la ponction qui est faite à Taouyah est une ponction très sérieuse. Et ce qui me remplis de joie en même temps, c’est le fait que le peuple de la capitale unanimement se soit joint aux familles des victimes pour rendre hommage à ces innocents, qu’on ne verra plus jamais. Et l’UPG salue la mémoire de ces enfants respectueusement.

In Le Démocrate, partenaire de Guinee7.com

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