Tout y est. Les passagers qui s’engouffrent dans l’aĂ©roport parisien de Roissy – Charles-de-Gaulle. Les avions de ligne qui se livrent, sur les pistes, Ă leur incessant ballet millimĂ©trĂ©. Et au pied des bureaux, les personnels navigants commerciaux (PNC) d’Air France, toujours impeccables dans leur uniforme. Mais ils ont du mal Ă afficher leur sourire d’habitude si rassurant.
« On a peur, rĂ©sume une hĂŽtesse. On sait qu’on fait un mĂ©tier Ă risque, les pays en guerres, les dictatures, d’accord, mais lĂ … c’est diffĂ©rent. » LĂ , c’est Ebola. Air France dessert quotidiennement Conakry, capitale de la GuinĂ©e, pays trĂšs touchĂ© par l’Ă©pidĂ©mie, et Freetown en Sierra Leone, quatre fois par semaine. « On est beaucoup Ă ne plus vouloir y aller, admet un steward, moi j’ai arrĂȘtĂ©. » Plusieurs de ses collĂšgues hochent la tĂȘte. Eux aussi ont arrĂȘtĂ©. Ils en ont le droit, comme les pilotes.
Conakry est classĂ© comme destination Ă risque par le comitĂ© d’hygiĂšne, de sĂ©curitĂ© et des conditions de travail (CHSCT) d’Air France. Si la destination apparaĂźt sur leur planning, les personnels peuvent refuser la mission. « Plusieurs vols ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© annulĂ©s faute d’Ă©quipage suffisant », affirme Patrick Henry-Haye steward et responsable du Syndicat national du groupe Air France (SNGAF, minoritaire). Une allĂ©gation aussi rapportĂ©e par certains personnels navigants.
Air France dément toute annulation de vol
ContactĂ©e, la compagnie dĂ©ment toute annulation. Autre symptĂŽme : « Les vols qui partent ne sont pas au complet, avoue une hĂŽtesse. On est 8 normalement, lĂ on part Ă 4, le minimum rĂ©glementaire, ou 5. C’est une charge de travail Ă©norme, et on ne peut assurer tous les services en vol. » Une pĂ©tition du SNGAF passe de mains en mains. Elle demande l’arrĂȘt des dessertes « dans les pays d’Afrique de l’Ouest touchĂ©s par Ebola » et a recueilli 700 signatures en trois jours.
Air France martĂšle que « la sĂ©curitĂ© des personnels et des passagers est la prioritĂ© ». « Ils rĂ©pĂštent qu’on est formĂ©s Ă Ebola, c’est faux », balaye Patrick Henry-Haye. Les masques et gants embarquĂ©s dans les avions semblent lĂ©gers aux PNC. De mĂȘme que les consignes de sĂ©curitĂ© : « Isoler le passager infectieux », cite un steward, « comment voulez vous isoler quelqu’un dans un avion de 250 personnes ? » Les pilotes sont moins inquiets. « On est dans la cabine. On a trĂšs peu de contacts avec les passagers », explique l’un d’entre eux.
Pourtant le risque ne se limite pas Ă l’Ă©quipage. Ebola a une durĂ©e d’incubation qui va de deux Ă vingt et un jours. « Qu’est-ce qui empĂȘche qu’on embarque un passager sans symptĂŽmes et qu’il dĂ©clare la maladie une semaine aprĂšs ĂȘtre rentrĂ© ? Rien ! s’Ă©nerve une hĂŽtesse. On pourrait ĂȘtre vecteur de l’Ă©pidĂ©mie. »
Source : Le Parisien