Boulette, maladresse, dérapage, raté, bourde, gaffe, bévue, radicalisation, les qualificatifs ne manquent pas dans les journaux et sur les sites internet pour pointer l’attitude de Cellou Dalein Diallo lors de ce qu’il convient désormais d’appeler « Le discours de Chicago » du 17 août 2014.
Sur la forme, je ne comprends pas que, face à « d’éminents chercheurs et professeurs » comme le souligne le président de l’UFDG au début de son discours et devant un auditoire public même acquis à sa cause, que Mr Cellou Dalein se laisse tenter à un discours même partiel en langue nationale. C’est une faute professionnelle pour un parti qui se veut transversal et dans un environnement politique très sensible sur la question ethnique. Surtout lorsque dans le même discours l’orateur prône l’unité nationale et dénonce avec énergie la gestion tribale du pays par Mr Alpha Condé.
Je ne comprends pas non plus, pourquoi un homme politique de son rang prend-il le risque de se lancer dans une narration improvisée sans support alors que les plus grands orateurs de la planète font usage d’un support papier minutieusement préparé à l’avance pour ne pas perdre le fil conducteur de leurs discours ou se laisser à une improvisation dont les conséquences sont dévastatrices en termes d’image et de popularité.
Toujours sur la forme, pourquoi le Service Communication d’un si grand parti ne visionne pas les vidéos de discours ou de propagande politique de leur leader et de leur parti avant de les balancer sur internet via Youtube. Le placement puis le retrait du discours du site officiel de l’UFDG, suite au tollé suscité dans une partie de l’opinion guinéenne mais aussi et surtout des partisans du pouvoir de Conakry, dénote ouvertement le caractère non professionnel de la démarche de son entourage. A l’heure d’internet, de l’instantanéité de la communication et surtout des réseaux sociaux, une telle attitude se paie cash.
Sur le fonds, si dans son discours le président de l’UFDG a dénoncé à juste titre les ratés de la politique du régime d’Alpha Condé notamment dans le domaine de la justice, de l’administration centrale et territoriale et de l’armée, il a néanmoins utilisé un langage peu orthodoxe et moyennement compatible à son rang du président du premier parti politique de l’opposition guinéenne et candidat à la présidence pour tous les guinéens. En effet, à plusieurs reprises (en poular et en français) l’orateur utilise le pronom personnel « nous » (EN en poular) non pas pour désigner les militants et sympathisants de l’UFDG ou de l’opposition mais pour s’adresser à sa propre communauté ethnique.
Tout d’abord en annonçant que la communauté soussou est prête à « nous » soutenir en 2015 rappelant au passage les liens forts qui ont toujours existé entre soussous et peulhs depuis plus de 100 ans notamment par le fait que les premiers ont accueilli les seconds en Basse Côte et que les seconds ont enseigné le coran aux premiers. C’est un discours purement communautariste et surtout extrêmement dangereux lorsqu’ il dit « qu’ils-les soussous- vont non seulement voter pour nous mais qu’en cas de GERE (bagarre, bataille, combat, conflit ou guerre en français) ils vont nous aider ». Sans eux « soussous », ça va être très compliqué pour nous poursuit-il avant de se rendre compte de sa bourde (le gêne se lisait un instant sur son visage) et de couper court son discours.
Par moment dans son discours, le président de l’UFDG demande également à son auditoire (et par ricochet à tous ceux qui écouteront son message en Guinée et à travers le monde) de se préparer mentalement et physiquement à la lutte en cas de manipulation frauduleuses des résultats des futures élections présidentielles. Or, à l’état actuel des choses, tout porte à croire que les prochaines élections (à l’image de toutes les précédentes) ne seront ni transparente ni démocratique.
Alors qu’entend Cellou Dalein vraiment par se préparer physiquement ? S’agit-il d’une préparation à un mouvement de grève national, généralisé mais pacifique, d’une incitation sournoise à la désobéissance civile, d’un ordre cynique à la guerre civile, d’un mandat inconscient à un conflit ethnique, d’un appel irresponsable à un coup d’état militaire ou à une rébellion ?
Comme on peut le constater, seule une réponse claire et officielle du parti à ces interrogations permettra de répondre à la question : dérapage ou radicalisation du Président de l’UFDG ?
Abdoul Diaila BAH
Liège, Belgique
abdoul.diaila@gmail.com