Mohamed Guèye, le chef de la rubrique économie du journal Le Quotidien, a de toute évidence décidé de s’écarter des faits et de faire dans la spéculation et le « dilatoire », pour lui emprunter sa propre expression. Il avait un gros scoop à sa portée mais les pratiques de la maison Mandiambal (Diagne) ne permettent pas de s’en tenir aux faits, la chose la plus sacrée en journalisme.
La douane sénégalaise a effectivement bloqué temporairement, le temps de procéder aux vérifications d’usage, des mallettes de devises affrétées sur ordre des autorités guinéennes par la compagnie MSS LLC (http://www.mss.us/), en provenance de Conakry. Les colis devaient être convoyés à Dubaï d’où ils devaient regagner leur destination finale, la City Bank of New York, partenaire historique de la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG).
Le montant annoncé par la source du journaliste – quoique faux – était de 4 milliards de francs CFA, soit environ 8 millions de dollars USD. Ce chiffre devait en principe compléter son article qui aurait eu exactement la même répercussion que le buzz que Le Quotidien de Madiambal a voulu créer en s’éloignant de ce qui pouvait lui accorder encore une once de crédibilité.
Mais à « Madiambaland », il est difficile d’avoir une histoire réelle ou supposée sans la broder – comme c’est le cas actuellement – ou carrément la réinventer pour lui donner un semblant de crédibilité. C’est ainsi qu’en septembre 2005, selon Madiambal, l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade et sa suite ont été « expulsés » par le FBI (mince !) de l’hôtel Hyatt à New York parce qu’ils faisaient… trop de bruit ! En fait d’expulsion, la délégation sénégalaise avait à l’époque séjourné le plus normalement du monde dans cet hôtel sans jamais être dérangée même par une mouche. La note d’hôtel a été correctement réglée et personne n’a jamais vu un agent du FBI sur les lieux. Mais venons-en aux faits qui nous intéressent…
« La douane met la main sur les devises du président guinéen : 4 millions de Condé interceptés à Dakar », a titré façon péremptoire Le Quotidien du samedi 23 Août. Et le journaliste, sûr de son talent, y va de sa recette : « Les douaniers qui ont voulu confisquer l’argent ont été obligés de faire marche arrière quand de Conakry, on a expliqué que les montants étaient envoyés à Dubaï sur ordre de Alpha Condé lui-même », affirme sans sourciller Mohamed Guèye dans son article.
Après la diffusion du communiqué de la BCRG, véritable propriétaire et gestionnaire des fonds en question, le journal Le Quotidien tente de s’aménager une issue de secours par rapport à l’accusation grave portée contre le président guinéen.
« Le Quotidien, dans le corps de son article, n’a jamais déclaré que l’argent appartenait à une quelconque autorité guinéenne. En attribuer la propriété à Alpha Condé revient à tout attribuer à celui qui est la personne morale de l’Etat guinéen, comme on aurait pu le faire pour un cas similaire à Macky Sall au Sénégal » (sic !). Sans blague. Comme le disent nos amis ivoiriens, il y en a qui n’ont pas honte dé !
Mais analysons ce rétropédalage dans le détail. Alpha Condé serait la « personne morale de l’Etat guinéen » et donc, dans la logique chaotique de notre confrère, des fonds appartenant à la banque centrale de Guinée lui appartiennent ! En clair, puisque nous nous sommes trompés et nous ne voulons pas nous dédire nous allons nier et assumer ce qui peut l’être. Alpha Condé serait donc le propriétaire du trésor, de la BCRG et pourquoi pas de Guinéens pendant que nous y sommes ? N’y a-t-il pas un océan, immense et incolmatable, entre les termes « les fonds de la BCRG » et « les millions de Condé (Alpha) » ? Même au pire moment des lubies de Bokassa 1er, pseudo « empereur de Centrafrique » ou d’Idi Amin Dada dans son Ouganda, jamais un tel raccourci n’avait été emprunté aussi allégrement. Un journaliste, économiste de formation (Madiambal lui est un ancien greffier défroqué), dans un pays comme le Sénégal où les Républicains courent les rues, qui ose se défendre de manière aussi plate, c’est tout simplement hallucinant. Oui messieurs, ce n’est pas seulement malhonnête. C’est pire que de la mauvaise foi.
Parce qu’en réalité si Colombo Guèye était si bien informé, il nous aurait au moins éclairé en nous donnant d’abord la bonne information sur le montant saisi : 20 millions de dollars USD (soit environ 10 milliards de francs CFA), ce qui fait 2 fois et demi le montant annoncé par celui qui assume le côté superficiel et léger de ses « informations ». Ce n’est pas pour rien que honteux et confus, nos passionnés de scoop se sont rués sur les documents transmis depuis samedi à l’ensemble de la presse guinéenne pour les plaquer ce mardi en Une de leur journal. Mine de rien, comme si c’était le résultat de leurs propres « investigations ». Les vrais enquêteurs fournissent toujours les pièces à conviction non ? Tout simplement pathétique.
Dire que « Madiambalard » (par allusion à sa grande taille et sa corpulence de boxeur), comme le surnommait un de ses compatriotes après le monumental fiasco de l’hôtel Hyatt, apportait, à l’image un gamin heureux d’avoir détruit un magasin de porcelaine, une couche au vitriol dans son éditorial du lundi. Une manière de casser de « l’opposant historique »…
Il reste entendu que l’opération elle-même, sauf pour les apprentis politiciens à la petite semaine ou les non initiés à la finance et à l’économie, reste tout à fait habituelle. De manière périodique et dans le plus grand secret, des fonds en espèces sont effectivement transférés dans les comptes des banques correspondantes pour faciliter les échanges bancaires. Et cette situation ne va pas changer de sitôt. Ces opérations sont secrètes parce que délicates. Il s’agit d’abord de préserver la sécurité du convoi et de ses accompagnants et non de tester les décibels des voix des bien pensants et autres énergumènes (qu’il soit homme politique ou journaliste) aussi saints que l’ange Gabriel.
Le couac de Dakar a été créé par le fait que, voulant supporter les charges d’une location d’avion qui était imprévue, MSS security LLC a doublé le montant prévu à embarquer sans avoir eu le temps de régulariser les choses au niveau de l’aéroport de Dakar. Par la suite tout est rentré dans l’ordre en moins de 3 jours.
Ce n’est pas pour rien qu’après moult vérifications, les fonds ont été bel et bien convoyés vers leur destination finale, avec l’accord des autorités sénégalaises elles-mêmes. Penser que les messages swift qui permettent de créditer si facilement vos comptes, les transferts via IBAN, sont fondés sur du néant, est une pure illusion. Il y a bien une contrepartie réelle qui garantit tout cela.
Bref, à force d’abuser de la gonflette, Le Quotidien de Madiambal, votre journal, vous a servi ni plus ni moins qu’un pétard mouillé. Ce n’est pas du tout à son honneur…
Aziz Sylla