Pr Alpha Condé, chef de l’Etat ‘’a surpris’’ dès son retour des Etats-Unis où il était allé prendre part au sommet Etats-Unis-Afrique, en animant une conférence de presse avec les médias locaux, le 11 août dernier, précisément au Palais présidentiel Sékoutouréya. Faits et enseignements d’une ‘’première’’ qui mérite qu’on s’y attarde.
Les faits
Au petit matin de ce lundi pluvieux, le Palais au nom emblématique de Sékoutouréya était aux petits soins, pris d’assaut par une flopée de journalistes visiblement déterminés à être des convives, histoire de ne pas se faire conter l’événement. L’engouement des hommes de médias de toutes les obédiences a bousculé le protocole au point de mettre à rude épreuve le Bureau de presse qui pourtant n’avait invité que les journalistes accrédités auprès de lui. Mais devant les assauts, ce dernier n’avait pas d’autre choix que de céder à l’envie irrépressible des hommes de médias. Ainsi contrairement à ce qui se raconte, journalistes accrédités et non accrédités se côtoyaient dans la salle. En outre, une liste de journalistes désireux de poser des questions a été ouverte à tous pour conférer à la conférence de presse toute son ouverture et sa diversité, en dépit du menu qui prévoyait trois sujets sur lesquels l’exposé liminaire du chef de l’Etat devait porter. A savoir, son voyage aux Etats-Unis, la situation de l’épidémie d’Ebola et ses relations avec la presse.
Dans la salle, quand le président s’installe dans son fauteuil, tout le monde retient son souffle. Ses relations avec la presse locale jusque là ont été tumultueuses. Du genre je t’aime moi non plus ! Mais un sourire en sus d’une décontraction inattendue du ‘’chef ‘’ vient rassurer le parterre d’invités. Les choses sérieuses peuvent commencer. L’introduction du président est bien conçue et les mots viennent très aisément pour dire les réponses aux questions du microcosme au sujet d’abord de son voyage aux USA. Ensuite de la gestion qu’il fait de la crise d’Ebola. Cerise sur le gâteau, le conférencier a volontiers ouvert une fenêtre sur ses contacts avec les miniers outre atlantique. Quelques minutes après, les questions des journalistes sur les sujets au menu et non inscrits. Sans doute pressé d’être interpellé sur certains sujets brûlants qui n’arrivaient pas dans les questions, Pr Condé s’autosaisit comme du cas de l’insalubrité de la ville de Conakry.
A grands traits, que retenir ?
Le président n’était pas aux Etats-Unis pour une simple promenade. Mais en mission des trois pays de la Mano River Union. Guinée, Sierra Leone, Liberia. Pour preuve, Pr Condé y a piloté une délégation sous régionale. Dans toutes ses rencontres concernant Ebola, il avait à ses côtés, les délégations libérienne et léonaise dont un vice-président. D’ailleurs peu avant son départ de Conakry, ses pairs s’étaient réunis avec lui à Conakry en compagnie de la directrice de l’OMS dans le cadre d’un sommet spécial de la Mano sur la fièvre Ebola où Sirleaf et Koromah s’en sont remis au président en exercice de leur organisation Mano River d’être leur porte-voix à Washington. A en croire le président guinéen, la moisson de sa mission fut bonne. Non seulement, il a communiqué sur la maladie, en la présentant dans sa véritable dimension, contrairement à l’excès de médiatisation de l’épidémie aux effets plus dévastateurs que la maladie elle-même. Poursuivant, le conférencier dit avoir largement sensibilisé ses interlocuteurs à la nécessité de sonner l’alerte à l’échelle internationale pour une meilleure solidarité. Dans la foulée, le président a annoncé des financements de la Banque mondiale à hauteur de 200 millions de dollars, en plus des 100 millions qui avaient déjà été annoncés par l’OMS. Cela sans compter l’engagement des Etats-Unis à mobiliser le CDC d’Atlanta spécialisé dans la recherche sur les maladies à prendre pied en Guinée pour aider à juguler la fièvre Ebola. S’agissant de l’utilisation des fonds annoncés, le président Condé relève qu’ils serviront à sensibiliser et surtout à investir dans les infrastructures sanitaires. En outre, il a déclaré avoir écrit à son homologue français Hollande pour qu’il aide au retour de l’Institut Pasteur en Guinée. Demande agréée.
Au plan économique, le président dit avoir noué des contacts fructueux avec des investisseurs, occasion pour lui de leur recommander la destination Guinée. Il en est ainsi que l’Américain General Electric s’est montré intéressé à prendre part au projet chemin de fer dans le cadre de Simandou.
Enfin, en ce qui concerne les réussites dans le domaine de la diplomatie, des rencontres informelles n’ont pas manqué. Le président Obama et d’autres dirigeants ont ainsi salué la gestion que la Guinée fait de l’épidémie d’Ebola, contrairement à d’autres pays où le système de santé est déliquescent pour ne pas dire inexistant.
Toutefois, d’autres questions se sont invitées aux débats. Tel que l’insalubrité où le président regrette le manque de patriotisme de certains Guinéens qu’ils accusent de saboter en jetant les ordures dans la rue pour lui faire mal. Aussi, répondant à une question, Pr Alpha a tout simplement indiqué que sa préoccupation n’est pas de répondre à des adversaires politiques, mais plutôt d’œuvrer à assurer un bon avenir à la Guinée. Ainsi le rideau est tombé sur la conférence de presse pour s’ouvrir sur un cocktail offert où le conférencier a pris des photos avec beaucoup de ses invités tombés sous son charme. S’agit-il là d’un nouveau printemps pour les relations entre Alpha et sa presse ? L’avenir nous le dira.
Enseignements
Trop d’encre et de salive ont coulé au sujet de cette conférence de presse. Notons tout de même qu’en dépit du sentiment d’une première qu’elle aura laissé à beaucoup d’observateurs, cette rencontre a pourtant été précédée par d’autres rendez-vous où Pr Condé a répondu à des questions des journalistes guinéens. Quoique ceux-ci n’étaient pas revêtus du sceau de l’exclusivité et du vocable conférence de presse. Mais c’était tout comme. Qu’à cela ne tienne, l’important est qu’il y ait désormais dans le subconscient de chacun de nous un précédent et que le principal concerné promet d’organiser dorénavant des conférences de presse. Dans la foulée des critiques, beaucoup auraient souhaité que le président aborda toutes les questions d’actualité du moment, regrettant qu’il ne se soit pas prononcé sur le dialogue politique, les élections où encore les affaires supposées de corruption. Soit ! Sauf que pour une ‘’première’’ en presque quatre ans de gestion, il fallait comprendre qu’une conférence n’aurait pas suffit. Il faut à la fois de la patience et de la tolérance.
Une partie de l’opinion était étonnée que lors de sa conférence de presse, le président s’est longuement expliqué sur l’Ebola. Alpha a-t-il tort quand c’est pourtant dans ce domaine qu’il essuie les critiques les plus virulentes de ses adversaires dans les médias, les mêmes qui lui font ce reproche ? On peut également se demander si le président qui est le maître de sa conférence de presse est obligé d’avoir les mêmes priorités que ses adversaires politiques. Par exemple, lorsque ceux-ci accordent la priorité au dialogue politique et au calendrier électoral, lui préfère se préoccuper de l’Ebola et de l’insalubrité. Une dualité tout à fait normale au regard de l’enjeu du pouvoir. Ainsi, nous sommes tentés de dire que le président communique plutôt pour l’opinion publique que pour son opposition. D’autres disent tout simplement que c’est de bonne guerre. Alors vivement d’autres conférence de presse, professeur !
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