Censure

Alcoa, un géant minier, accusé de discrimination raciale par Mori Diané

Mori Diané

Nouvelle et retentissante affaire que celle de ce bras de fer que Mori Diané, président de la compagnie de transport maritime Nanko Shipping, a engagé la semaine dernière auprès d’un tribunal américain. Notre compatriote fonde sa plainte sur la base des pertes subies par sa société du fait du refus de la multinationale Alcoa de se plier à l’accord minier de 1963. Une bataille majeure en perspective et qui, compte tenu des enjeux pour notre pays, fera date en plus de passionner les opinions ici et ailleurs.

Pour l’histoire, il s’agit de l’accord fondateur de  la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG), qui reconnait au gouvernement le droit de choisir la société devant évacuer  la moitié de la production de la mine. Un droit que le gouvernement a tenté d’exercer à partir de 2011 en accordant à Nanko l’accord de transport d’au moins 700 millions de tonnes de bauxite, mais une disposition à laquelle le grand gérant de la CBG opposa une fin de non recevoir.

Toute chose qui explique et  justifie tout à la fois, la démarche  de M. Diané dont la réclamation porte sur la valeur des droits d’expédition de l’ordre de cent millions de dollars par an étalée sur trois ans. Soit au bas mot, trois cents millions de dollars américains.

Quoi qu’il en soit, du côté d’Alcoa, on prétend n’avoir reçu aucun document relatif à une poursuite judiciaire intentée par Nanko Shipping. Et la porte parole, Christa Bowers soutient  qu’ils n’ont jamais eu de contrats avec Nanko Shipping. A propos de l’éventuel refus de la compagnie d’accéder à la demande du gouvernement guinéen de permettre à cette société d’expédier la bauxite en question, elle n’a fait aucun commentaire.

En tous les cas, Alcoa se met ainsi en porte à faux avec l’accord gouvernemental dûment signé en août 2011 et qui concède à Nanko, la gestion du transport de sa part de la production de la CBG.

« Nous avons signé cet accord avec Nanko Shipping parce que nous voulons que la Guinée bénéficie de sa part des minéraux, en particulier pour le transport » avait d’ailleurs commenté Tidiane Traoré, ministre des Transports,  confirmant solennellement  qu’il avait signé le contrat qui reste valide.

Par ailleurs, « pour avoir refusé à sa compagnie un contrat selon les mêmes conditions offertes à d’autres exportateurs », le président de Nanko Shipping  accuse Alcoa de discrimination raciale.

Ce que celle-ci tente de réfuter en soutenant qu’elle ne « s’engageait dans aucun type de discrimination dans la gestion de ses activités commerciales ».

Des arguments qui ne tiennent visiblement pas devant la réalité et qui laissent M. Diané interrogateur : « Je ne peux pas comprendre pourquoi on refuse mes conditions alors que Alcoa fait des affaires dans ces mêmes conditions avec des hommes d’affaires qui ne sont pas des Africains. »

En s’assurant les services de Donald M. Temple, célèbre avocat des droits civiques, le directeur de Nanko s’inscrit résolument dans la logique opérationnelle du président Alpha Condé qui attache du prix à la conquête de meilleurs avantages économiques de nos immenses ressources minérales. Jusque là, la Guinée pointe au peloton des pays pauvres parmi les plus pauvres du monde, malgré les plus grandes réserves mondiales de bauxite et de minerais de fer entre autres.

Rien qu’en 2012, la CBG a produit et exporté14, 5 millions de tonnes de bauxite au cours d’environ soixante dix dollars la tonne sur le marché international. Avec une teneur exceptionnelle de 60% contre une moyenne mondiale de 40%, il suffit de quatre tonnes de bauxite guinéenne pour obtenir une tonne d’aluminium. Si seulement la transformation se faisait sur place à l’image de nombreux pays qui portent aujourd’hui l’exemple.

Comme l’Indonésie dont la politique hardie a interdit l’exportation de ressources brutes en faveur de leur mise en valeur sur place. Avec tout le bénéfice à en tirer en matière d’emplois, de génération de ressources financières et autres. Puissent pareils exemples nous inspirer, mais en attendant, le chemin reste long à faire et il nous revient de persévérer dans la dynamique engagée.

Depuis 1973, Alcoa, l’actionnaire majoritaire à travers l’américaine Halco Mining, qui contrôle 51% des actions (et dont elle détient 45% des parts) et les autres associés auront engrangé 400 milliards de dollars US pour refiler à la Guinée et ses 49% de parts… 5 milliards. La portion congrue en somme.

Il n’en fallait pas plus pour Mory Diané pour lancer cet avertissement : « si on continue avec le même schéma de la CBG, la Guinée sera pauvre pendant plus de 300 ans ».

Si Nanko gagnait ce procès, comme nous l’espérons vivement, ce serait une grande victoire des Guinéens sur les grands vautours qui, à force de pillage et de corruption, les avaient condamnés à la misère quand les inestimables richesses lovées dans leur sous-sol leur promettaient un avenir plutôt radieux.

Voici donc venu le moment pour tous et toutes de se lever pour manifester un soutien sans faille à tous ceux qui osent braver l’iniquité imposée par les multinationales pour nous permettre enfin, la pleine jouissance de nos richesses minéralières entre autres.

Avec la collaboration du Le Diplomate

 

 

 

 

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