Censure

Ebola, une menace majeure pour l’industrie minière de l’Afrique de l’Ouest

La mise en valeur attendue des gigantesques gisements ferreux des pays d’Afrique de l’Ouest va subir de plein fouet les conséquences de l’épidémie Ebola qui sévit dans cette région. Les projets étaient déjà repoussés suite à la décrue brutale des prix du minerai de fer.

« Actuellement, nous ne sommes pas touchés mais [le virus Ebola] c’est plus qu’un risque, c’est une menace », a mis en garde Mark Bristow, le directeur général du groupe aurifère Rangold Resources. Sa compagnie contrôle des mines d’or au Mali, en République du Congo et en Côte d’Ivoire. Elle dispose également d’un portefeuille d’exploration en Afrique sub-saharienne. L’arrêt des vols aériens vers certaines destinations va perturber la circulation des responsables miniers, constate une note de Macquarie Research. De même les approvisionnements vont souffrir de la suspension des vols de compagnies aériennes majeurs – British Airways, Air France et Emirates –, ainsi que par les compagnies régionales Arik Air et Asky Airlines, vers le Liberia, la Guinée et la Sierra-Leone. Le Botswana refuse également de laisser transiter les tombereaux chargés de cuivre et de cobalt extraits en RDC. Si les activités d’études ne réclamant pas de présence physique se poursuivent, les forages ont été arrêtés, a ainsi expliqué Tawana Resources, une compagnie australienne présente au Liberia.

L’épidémie Ebola touche trois pays pour lesquelles l’industrie minière a pris une importance capitale. Le secteur minier – en particulier ses riches gisements de bauxite – représente plus d’un quart du PIB de la Guinée et au moins 95% de ses exportations. A terme, l’exploitation de gigantesques gisements de minerai de fer devrait encore augmenter la part des mines dans l’économie du pays. Au Liberia, c’est la rapide montée en puissance de ses mines de fer qui tire la croissance du pays, assurant déjà un quart de ses exportations. Pour la Sierra-Leone, c’est le minerai de fer mais également les diamants qui représentent la part majeure des exportations de minerais qui à elles-seules assurent les trois-quarts des exportations.

Les compagnies minières qui sont actives en Afrique de l’Ouest viennent du monde entier. Notamment d’Australie où David Heyman, un responsable des services de santé britanniques, a pris la parole à Perth lors d’une conférence sur l’industrie minière africaine qui se déroulait début septembre. Pas moins de 280 compagnies australiennes sont actives dans l’ouest africain, travaillant dans la recherche minière, l’exploitation ou la logistique. « Il doit y avoir un système d’alerte lorsque l’épidémie est découverte et cela fonctionne mieux s’il y a une bonne communication entre les compagnies minières et les populations locales », a expliqué Heyman aux centaines de participants à la conférence, soulignant la possibilité d’un « black swan », une catastrophe produite par la conjonction d’éléments considérés comme improbables.

Le concept utilisé par un directeur d’African Minerals, l’un des groupes miniers les plus actifs dans cette région, est celui de « perfect storm » car à l’épidémie qui a déjà fait près de 2 000 victimes, s’ajoute l’effondrement des prix du minerai de fer. Le prix du minerai à 58%, d’une qualité proche de celui extrait de son projet de Tonkolili, au Sierra-Leone, qui s’échangeait encore à plus de 100 dollars en début d’année, a perdu un tiers de sa valeur en 2014. London Mining a repoussé l’agrandissement de sa mine de Marampa, également au Sierra-Leone, en réponse à la chute des prix du minerai et à l’épidémie. La valeur boursière du groupe a fondu des deux tiers depuis mars dernier.

Mi-août, c’est le numéro un de l’acier qui a déclaré un cas de force majeure pour stopper la seconde phase de l’expansion de son gisement ferreux de Yekepa au Liberia, un projet qui doit recevoir 1,5 milliard de dollars. L’extraction de minerai et son expédition continuent toutefois, a précisé le sidérurgiste au magazine spécialisé Steel First.

C’est le responsable du service de santé d’ArcelorMittal au Liberia, mort en juillet dans un hôpital de Lagos, qui avait transporté le virus depuis Monrovia jusqu’au Nigeria. Le sidérurgiste utilise désormais des scanners thermiques pour suivre au plus près les risques de contagion parmi ses salariés. Monrovia est utilisée comme quartier général par de nombreuses compagnies minières qui explorent ou exploitent la riche région minière de Nimba, à cheval sur la Guinée et la Côte d’Ivoire.

Les grandes compagnies minières internationales, qui avaient identifié le risque sanitaire depuis plusieurs mois, ont réagi différemment. Le brésilien Vale a simplement retiré ses salariés expatriés et mis en congés ses travailleurs locaux. En avril, Rio Tinto a fait un don de 100 000 dollars à l’OMS pour tenter de combattre l’épidémie en Guinée et a augmenté les précautions sanitaires pour ses salariés travaillant sur le projet de Simandou. Six compagnies minières, notamment l’américain Freeport McMoRan et l’australien MMG (contrôlé par China Minmetals), sont partie prenante dans IDRAM Initiative (Extractive Industry Infectious Disease Risk Assessment Management). Ce projet vise à coordonner l’action des autorités sanitaires des pays de l’ouest-africain, l’université de Lubumbashi, les équipes médicales locales et les compagnies minières pour combattre les maladies tropicales telle Ebola.

 

Source : Usine nouvelle

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