Compte tenu de l’importance qu’occupent les deux hommes dans la sphère politique de la Guinée d’aujourd’hui mais aussi et surtout de l’impact de leurs faits et gestes sur le pays et sur la population, il m’a semblé utile d’établir cette parallèle.
La justification de ne se focaliser que sur ces deux personnalités tient donc aux faits suivants :
1) Que l’un assume actuellement les fonctions de président de la République de Guinée et l’autre celles de président de la plus importante formation politique de l’opposition guinéenne ;
2) Que même si officiellement aucun d’eux n’a encore clairement annoncé sa candidature aux prochaines élections présidentielles prévues en 2015, ils restent les plus sérieux potentiels candidats à magistrature suprême;
3) Qu’il y a de forte chance que le prochain président démocratiquement élu de la République de Guinée s’appelle Alpha Condé ou Cellou Dalein.
Mais quel est l’intérêt pour la population guinéenne dans sa globalité et dans sa diversité que ce soit l’un ou l’autre qui occupe la place présidentielle tant convoitée ? C’est la réponse à cette interrogation cruciale pour les guinéens qui rend pertinente une telle démarche.
Si les deux hommes ont un point commun qui est l’ambition affichée d’accéder (ou se maintenir) à la fonction présidentielle à travers les urnes, ce sont deux personnalités politiques aux parcours et aux styles différents que tout oppose.
Tout d’abord, il s’agit de comparer un homme qui, avant 2010, n’avait jamais assumé de hautes responsabilités publiques qui est Alpha Condé et un homme qui a toujours assumé de hautes responsabilités publiques, Cellou Dalein Diallo. Mais est-ce que cet état de fait constitue un handicap pour l’un et un atout pour l’autre ; rien n’est moins sûr. Car, si le fait d’avoir toujours été aux commandes est une preuve irréfutable d’expérience et de connaissance des dossiers nationaux, le fait de l’être dans un pays où chaque régime et chaque gouvernement a été plus mauvais que le précédent pendant plus d’un demi-siècle est un sérieux problème que Cellou Dalein doit assumer.
Par ailleurs, si le fait de n’avoir jamais assumé de hautes fonctions de responsabilité nationale ou internationale constitue un handicap majeur au niveau expérience professionnelle et fait douter de la compétence d’Alpha Condé à diriger, son éloignement des régimes précédents le place au-dessus de tout soupçon quant à la mauvaise gestion du pays durant toutes ces années (sauf de 2010 à 2015 !).
A l’inverse, au niveau expérience politique Alpha Condé qui peut capitaliser son engagement au sein de la FEANF et sa lutte politique depuis (et même avant) l’instauration du multipartisme en Guinée au début des années 90 a une longueur d’avance sur Cellou Dalein dont le passé politique ne date que de son parachutage controversé à l’UFDG en 2007. Cellou est de ce point de vue un novice politicien de circonstance qui a trouvé en la politique le moyen de reconquérir un pouvoir perdu suite à son éviction du gouvernement de Lansana Conté dont il est longtemps resté le chouchou. Au contrario, Alpha Condé est un politicien dans l’âme au passé politique bien garni (condamné à mort par contumace sous Sékou Touré, exilé politique des décennies durant, prisonnier politique de Lansana Conté, Candidat malheureux à toutes élections présidentielles exceptée une) mais terni par ses cinq (5) ans de mauvaise gouvernance.
Aujourd’hui, le fait que Alpha Condé soit dans la position d’un président sortant, procure à Cellou Dalein la totale légitimité d’être celui qui peut prôner un changement. Alpha Condé n’étant plus l’homme neuf qu’il était avant 2010 et après cinq ans de gouvernance, il doit présenter un bilan. Dans ces circonstances là et compte tenu de la situation difficile que traverse le pays, l’avantage est incontestablement du côté de Cellou Dalein. Car en plus des promesses de compagne non tenues (eau, électricité, emploi, etc.), d’autres problématiques sont venus assombrir le bilan du président sortant (tribalisme, gabegie, mauvaise utilisation des fonds publics, assassinat de manifestants pacifiques par les forces de l’ordre, invention de coup d’Etat afin de s’en prendre à des responsables politiques, mauvaise gestion de grands contrats miniers et portuaires, l’insécurité et l’injustice, etc.).
Mais quelle est la probabilité pour que l’un ou l’autre soit le prochain président de la Guinée. Malgré un bilan que l’on peut raisonnablement qualifier de négatif de la présidence de Alpha Condé, tout porte à croire qu’il rempilera pour un second mandant en 2015. Et pour causes :
1) Une opposition faible et divisée (pour preuve le déroulement de l’élection du président de l’Assemblée Nationale dont certains députés de l’opposition n’ont pas hésité à voter pour le candidat du parti présidentiel) ;
2) Un soutien aveugle de l’électorat à l’ethnie reléguant ainsi l’intérêt national au second plan ; La logique du moi, ma famille, mon ethnie, ma région et enfin ma nation doit être inversée mais quand et comment ;
3) Des leçons qui n’ont pas été tirées du déroulement de l’élection présidentielle de 2010. Et donc la répétition du scénario de 2010 en perspective. Aucune disposition n’est prise pour éviter le tripatouillage des résultats ; le vote est une simple formalité, les résultats étant programmés à l’avance ;
4) Une particularité de la « démocratie africaine » qui consiste à ne jamais organiser et perdre des élections. La Guinée ne fera certainement pas exception à cette règle non dite mais bien établie et ancrée dans les mentalités de nos dirigeants ; C’est sans doute une manière d’éviter la justice une fois le temps de gloire terminé ;
5) Des institutions républicaines au solde du pouvoir et une cour suprême qui ne dit pas le droit en cas de recours sur la régularité et la transparence des élections ; Le président de la Cour suprême étant nommé par décret, « on ne mord pas la main qui nous nourrit » entend-on officieusement quand la question est soulevée ;
6) Un recensement général de la population bâclé, biaisé et manipulé à des fins électorales (Kankan plus peuplé que Conakry par exemple ! allez savoir pourquoi et comment) ;
7) Une administration française (toujours fortement impliquée dans les processus électoraux africains malgré la fin officielle de la françafrique) actuellement socialiste qui n’aura aucun intérêt à voir un « libéral » au pouvoir ; Les intérêts de contrats mal acquis doivent être préservés à tout prix ;
8) Une Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) partiale et qui n’a d’Indépendance que le nom. A l’image de l’Assemblée Nationale, le seul intérêt des membres de la CENI à y participer est la prime de participation. Et oui ! quand les temps sont durs un salaire ne se refuse pas ;
9) Des hauts fonctionnaires prêts à sacrifier la nation pour préserver des intérêts personnels. « On sait ce qu’on a mais on ne sait pas ce qu’on aura » soutiennent-ils.
Abdoul Diaila BAH
Liège, Belgique
abdoul.diaila@gmail.com