Fortement ébranlé par la mutinerie militaire des 2 et 3 février 1996 qui a failli emporter le régime du 3 avril 1984, le Général Lansana Conté se laissera convaincre pour se dessaisir d’une partie de ses prérogatives, au profit d’un Premier Ministre civil qu’il désignera librement. Sur conseil, dit-on, de l’Honorable Aboubacar Somparé, son choix tombera sur un certain Sidiya Touré, longtemps installé en côte d’ivoire et ancien collaborateur d’Alhassane Dramane Ouattara qui fut Premier Ministre du bélier de Yamoussokoro, Félix Houphouet Boigni.
Illustre inconnu des guinéens à l’époque des faits, l’homme bénéficiera cependant d’un préjugé favorable dû à la qualité de la contribution qu’il aurait apporté dans la réussite de la politique de redressement économique menée par son ancien patron. C’est dire que sa nomination fut accueillie avec beaucoup d’enthousiasme et d’espoirs par les guinéens, sans considérations politique, ethnique, ou religieuse.
Nommé dans un contexte aussi favorable, le promu avait toutes les chances de placer notre pays sur l’orbite d’un véritable décollage politique, économique, et social.
Après environ 3 ans et demi passé à la tête de la primature (juillet 1996-MARS 1999), Sidiya Touré avait il pu combler les attentes des Guinéens ? Rien n’est moins sûr.
Si, à ses débuts, l’homme engagea quelques actions qui firent croire à certains de nos concitoyens crédules qu’il ferait l’affaire, pour la plupart des analystes par contre, son échec inéluctable se dessina lorsque, fuyant une partie de ses responsabilités pour ne pas avoir à se prononcer sur les exactions et autres violations des droits de l’homme commises à l’époque, il se réfugia derrière une mission essentiellement économique.
La question que l’on est amené à se poser aujourd’hui est la suivante : la personne qui se fait passer aujourd’hui pour le champion de la lutte contre toutes les formes d’injustice et défenseur des principes démocratiques, est elle bien celle là même qui fût importée de côte d’ivoire par le Général Lansana Conté, pour occuper la Primature le 9 JUILLET 1996,et qui se mura dans un mutisme coupable ? La question a son importance, tant les graves violations des règles élémentaires de démocratie et autres droits des citoyens furent nombreuses et variées en son temps .Ce docteur es démocratie ne se prononcera jamais sur des évènements aussi graves comme :
1-l’affaire Kaporo rail : en une semaine, au cours d’un inoubliable funeste mois de mars 1998, plus de 330 familles virent le ciel tomber, non pas devant eux, mais sur leur tête. En effet, ils assistèrent, impuissants, à la démolition par les bulldozers de leurs habitations construites après des années de dur labeur et de privations pour les uns. Que de foyers disloqués ! Que de scolarités interrompues ! Pendant ces destructions des biens de nos concitoyens, où était donc notre SUPER MAN, défenseur des pauvres et de la démocratie ? Il trônait, la conscience tranquille, à la tête du gouvernement qui avait planifié et exécuté ces crimes avec, à ses côtés, un certain Cellou Dalein Diallo, aujourd’hui chef de file de l’opposition.
2-l’arrestation, puis l’emprisonnement du leader de l’UNR, le doyen Bah Mamadou, député de son état, sans la levée de son immunité parlementaire. Il s’en suivra également une terrible répression pour ses militants.
3-L’arrestation et l’emprisonnement en 1998 du candidat du RPG à l’élection présidentielle, en dépit de sa double immunité de candidat et de député, suivis de l’organisation d’une véritable chasse à l’homme, au cours de laquelle furent brutalisés et enfermés sans aucune forme de procès de nombreux RPGISTES.
Cherchant à s’agripper vaille que vaille à cette primature qui le mettait si près du fauteuil présidentiel auquel il n’ a cessé de rêver dès les premiers instants de sa nomination, prenant pour prétexte l’accomplissement de sa prétendue mission essentiellement économique, l’homme ne pouvait ni entendre les cris de détresse des suppliciés, encore moins ressentir leurs souffrances.
Quelles étaient donc les performances de cette mission essentiellement économique qui auront justifié aux yeux de notre PM, son approbation tacite (qui ne dit rien, consent) des graves évènements sus cites ? Nous n’aurons pas beaucoup de peine à les énumérer, d’autant plus que le principal intéressé, conscient de la faiblesse de son bilan, ne parle que d’un nombre très peu significatif.
Ce qui est certain et indiscutable est que, après 3 années et demie passé à la tête de la primature, Mr Touré n’aura réalisé ou laissé aucun projet d’envergure pour la construction de routes, de centres hospitaliers modernes, de barrages hydroélectriques pouvant faciliter les déplacements ou l’approvisionnement en eaux et électricité de ses compatriotes, qui auraient mis notre pays à l’abris des insuffisances qu’il n’a cesse de dénoncer tous les jours, et sur tous les toits.
Pour parler de ces fameuses performances économiques de l’ère Sidiya , nous commencerons par celle dont il semble être le plus fier, et qu’il continue à brandir encore aujourd’hui comme son trophée le plus illustre. Il s’agit, vous l’aurez deviné chers lecteurs, de l’électrification de certains quartiers de la capitale, suite à l’achat en mer, à un coût prohibitif, de groupes diesel d’occasion.
De l’avis de nombreux spécialistes, ce fut encore une fois, une occasion de piocher impunément dans les caisses de l’état car, disent ils, ces groupes n’auraient pas fonctionné plus d un an. Selon les mêmes sources, ces groupes qui furent ironiquement désignés sous l appellation de Fatraba , Faidherbe dans nos langues nationales ,par les ouvriers de Tombo, je ne sais d’ailleurs pour quelles raisons, auraient été démantelés il y a belle lurette Cette affirmation contredit catégoriquement les propos de notre ancien PM qui a récemment dit, au cours d une interview, que ces groupes sont a tombo, et y fonctionnent à merveille . En outre, enfoncent ces spécialistes, leur capacité de production servirait tout juste à l’approvisionnement de 13 quartiers de Conakry aujourd’hui. Il faudrait signaler à ce niveau que l’érection de nombreux édifices à plusieurs niveaux et de villas cossues, friands en eau et électricité, vient ajouter une dimension nouvelle à la problématique d’alimentation de notre capitale en ces denrées indispensables. Il y a là de quoi mettre le bémol au triomphalisme excessif de certains.
Un autre coup dur porté au mythe de l’électrification de la capitale, ressassé sans cesse par le leader de l’UFR, quelques mois seulement après sa nomination en 1996 comme PM, est bien l’affirmation de Mr Abbé Sylla de la NGR, qui l’accuse d’avoir saboté son projet BOT, de loin meilleur à celui qui continue encore à faire l’objet de toutes les critiques.
La deuxième performance économique de Mr Touré est constituée par les privatisations catastrophiques de nombreuses unités industrielles héritées de la première République, au nombre desquelles celle de ENTAG (Entreprise Des Tabacs et Allumettes de Guinée), intervenue en 1999.Les conséquences de ces privatisations mal préparées auront constitué un véritable désastre pour des milliers de travailleurs qui se retrouveront à la rue, sans argent, sans perspectives ,confrontés aux affres d’un libéralisme sauvage. Les uns moururent dans l’humiliation, le désespoir et le dénuement total, tandis que beaucoup d’autres continuent encore à végéter dans des difficultés extrêmes, dans l’indifférence des responsables de leurs malheurs, qui veulent se présenter aux yeux du peuple pour ce qu’ils ne sont.
Enfin, comme dernière performance, la reprise des relations avec les institutions de Breton WOOD.
Si notre Premier Ministre semblait se satisfaire de ce qu’il considérait comme de véritables succès, il en aura été autrement pour son principal employeur qui , pour marquer son manque d’enthousiasme pour les résultats obtenus, prendra un décret 1997 qui réduira de façon drastique ses prérogatives, en le délestant de cette mission essentiellement économique à laquelle il paraissait tant attachée.
Si pour de nombreux observateurs ce décret réducteur annonçait le commencement de la fin pour celui qui venait d’en faire les frais, ce dernier , contre toute logique ,restant sourd aux conseils et supplications de ses amis et proches qui l’exhortaient à rendre le tablier ,continuera à se bercer d’illusions, en s’accrochant à son poste.
Pour lui , la Primature, même limitée à un rôle d’inauguration des chrysanthèmes, est un poste stratégique qui procure à son titulaire une notoriété et une certaine capacité financière fort utiles ,surtout quand il caresse le rêve d’occupation du palais présidentiel.
Pour s’y maintenir alors, il fera montre d’une grande capacité à avaler les couleuvres, et d’ une étonnante vitesse de rétropédalage pour se suspendre à une mission politique qu’il avait trop vite rejeté avec dédain. Pour ce faire, il mettra à contribution son génie créateur fécond qui introduira pour la première fois dans le jargon politique guinéen, le fameux slogan « ton pied, mon pied », lors de la campagne électorale de 1998, pour la réélection du général Lansana Conté. Cependant, ni les sacrifices, ni la multiplication des actes de fidélité n’arriveront à le protéger pour longtemps de la dégringolade. Il s’est murmuré à l’époque dans les couloirs du palais que l’enfant de Wawa , plus malin qu’un vieux singe, qui avait découvert sa boulimie pour le pouvoir et ses pratiques de gestion peu orthodoxes , trouva son serment d’allégeance suspect, y voyant une astuce de plus pour garder son poste. Comme il fallait s’y attendre, un décret en date du 8 MARS 1999 fera tomber Mr sidiya Touré de son piédestal, tirant ainsi le rideau sur ce qu’on pourrait appeler l’acte І de sa carrière politique.
Après quelques années d’hibernation, le voilà revenu pour écrire l’acte ІІ de sa carrière politique, grâce à sa désignation à la tête de l’UFR, qui n’était qu’un tout petit parti fondé par Mr Bakary Goyo Zoumanigui.
Devenu Président de l’UFR, l’homme démontrera qu’il n’est pas si fidèle à ses serments. En effet, revêtant la toge de Brutus le parricide, l’inventeur du fameux slogan « ton pied, mon pied », se mettra à pourfendre le régime du Général Conté, celui là même qui le tirera de l’anonymat et de son exil ivoirien, pour le présenter aux guinéens. Dans nos sociétés traditionnelles où la parole donnée est considérée comme un code d’honneur, un tel comportement ne pourrait être qualifié que par 2 mots : trahison et ingratitude.
Malgré tout, grâce à son éloquence trompeuse, à la prétendue transversalité de sa formation politique et à une pernicieuse utilisation d’une stratégie ethno-régionaliste, il réussira à lui donner une envergure respectable. Tant et si bien qu’à l’élection présidentielle de 2010, il se classera 3ième, après respectivement Elh Cellou Dalein Diallo, candidat de l’UFDG, et le Professeur Alpha Condé, candidat du RPG.
Mais Trop ambitieux et très peu réaliste pour apprécier sereinement son score au cours d’un scrutin où le vote communautaire aura été une donnée fondamentale, il se mettra à ronchonner, puis à tempêter, et finalement menacer. Il claironna partout qu’il devrait être au second tour avec le leader de l’UFDG, oubliant ou refusant d’expliquer que pour la survenue d’ un tel cas de figure, il aurait fallu annuler les voix de Siguiri, Mandiana , Kérouané ,et quoi d’autre encore ?Kidnapping de voix que cela s’appelle non ?
Comprenant que ses extravagantes exigences n’avaient aucune chance de prospérer, il poussera dans la rue de pauvres femmes de son parti, pour vouer à la géhenne le Général Sékouba Konaté, Président de la transition, et proférer à l’encontre de ses parents, les propos les plus irrévérencieux.
Certainement grisé par le titre lénifiant de faiseur de roi qui lui fut décerné par les journaux après le premier tour des élections de 2010, il fit la grosse tête et commit la gravissime erreur politique d’aller à l’encontre du souhait des sages et de la majorité de ses électeurs, dans le choix des alliances entre les deux tours de la présidentielle. Mal lui en prit. Comme prix à payer pour une telle impertinence et une telle imprudence, il mordra la poussière avec son alliance CELLOU PRESIDENT avec, en prime, pour son parti, une forte hémorragie de cadres et de militants dont il est loin de pouvoir se relever. La preuve d’une telle affirmation a été donnée lors des législatives passées car l’UFR, sans le renfort de voix des électeurs de l’UFDG, n’aurait pas eu plus de 5 députés .Aux militants et responsables de ce parti, nous souhaitons bien du plaisir à écouter, lors du choix d un éventuel candidat de l opposition, le leader de l UFR disserter sur la pertinence et l’ efficience de sa séduisante théorie sur la prétendue transversalité de son parti qui, si elle était adoptée, éliminerait à coup sur leur idole. J espère pour eux que le réveil ne sera pas trop brutal.
Avec un parcours si riche en enseignements, n’étions-nous pas en droit de nous attendre à un Sdiya plus sage, moins orgueilleux et capable, pour une fois, de faire une lecture correcte et dépassionnée du paysage politique guinéen ? La réponse à cette interrogation est malheureusement non.
Ne le voit on pas encore se prendre pour un Tarzan, un Zorro , ou un Wangrin , investi par je ne sais qui, pour redresser de prétendues entorses à la constitution et aux droits de l’homme .Lui qui ne sait jamais exprimé sur les évènements de kaporail Rail, ni sur les arrestations des députés Bah et Mamadou et Alpha Condé, ni sur les sauvages répressions qui s’abattirent sur leurs militants ? sa position, Lui qui , profitant de sa position dominante du moment n aura pas hésité un seul instant a spolier le pauvre orchestre Horoya band du club de la minière qui lui fut officiellement attribuée par un décret du Président Conte .Par cet acte, il aura pris à son compte cette terrifiante phrase de la Fontaine qui dit dans l une de ses fables, le loup et l agneau, citation : « la raison du plus fort est toujours la meilleure » Tous les démocrates savent que cette phrase qui dépeint si bien le comportement de certains puissants de notre époque ,est contraire aux règles les plus élémentaire des droits de la personne humaine Heureusement que le ridicule ne tue pas, sinon, il y a longtemps que nous ne serions plus de ce monde.
Nul doute que les élections qui pointent à l’horizon permettront à notre nouveau démocrate de se convaincre définitivement sur son poids électoral.
Et lorsque ces élections tireront le rideau sur ce qui pourrait bien être l’acte ІІ et final de la carrière politique du leader de l’UFR, qui ne peut guère espérer qu’à une place de 3ème probable, il ne sera point exagérer de voir dans son parcours, cette image du verre à moitié pleine ou à moitié vide.
En effet, comparé à nombre de ses pairs, il pourrait se satisfaire de ses’’ performances électorales’’.Mais, par rapport au rêve qui l’a toujours habité depuis son arrivée à la primature en 1996, celui d’occuper le kibangni de Sékhoutoureya , sa mission politique aura toujours un goût amer d’inachevé car, l’atteinte de cet objectif risque de demeurer pour lui une chimère, un mirage.
Loin d’être une simple pique à l’encontre d’un adversaire politique, cette affirmation est abondamment corroborée par les nombreux cas de ceux qui, croyant être nés pour devenir président, auront effectué leur voyage sans retour, emportant dans la tombe leur rêve inassouvi. C’est dire donc que s’il est donné la possibilité à chacun de s’aventurer en politique, il n’est cependant nullement garanti à chacun d’avoir un destin qui brillera comme celui du Professeur Alpha Condé.
Une célèbre publicité de la RTG ne disait elle pas : « tôle, c’est pas tôle ».
Alors, tant pis pour les aigris, les jaloux et les ethnos !
Fria le 9 sept. 14.
Dr Sidiki Cissé