Alors que les Etats africains, surtout ceux de l’Union africaine et de l’espace CEDEAO, rechignent à porter secours ou à tout le moins se montrer solidaires des pays du bec du perroquet, une Bande qui se situe entre Nongoa (Guinée), Kailahum (Sierra Leone) et Foya (Libéria), atteints par la fièvre hémorragique à virus Ebola, c’est l’Occident qui vient nous donner des notions d’entraide et de solidarité. En témoignent les appuis américains, russes et français dans le cadre de la lutte contre l’épidémie.
Alors que le Sénégal, pays ‘’frère’’ et ‘’ami’’ de la Guinée a hermétiquement fermé ses frontières avec la Guinée (en attendant de les fermer également aux chauves-souris migratoires) avec une attitude qui frise le mépris, c’est l’ancienne puissance coloniale, la France, qui vient nous rappeler qu’elle a toujours été de notre côté dans le pire comme dans le meilleur. L’école française reste ouverte et malgré que plusieurs compagnies aériennes aient décidé de ne plus desservir la Guinée, Air France est toujours là. Mieux, les organisations CFDT avec son syndicat national CFDT Air France et la CGT ont relayé l’appel des syndicats guinéens auprès de leurs collègues français pour le maintien de la desserte aérienne de Conakry. Ces organisations françaises ont en effet estimé que « l’absence de liaison avec l’extérieur et le confinement ne sont pas les réponses appropriées à la crise sanitaire actuelle en Guinée et s’avèrent contreproductifs pour de nombreux experts sur place ».
Et d’ajouter que « le confinement de la Guinée met en péril l’économie fragile de ce pays et risque de provoquer de graves troubles sociaux. De plus, l’isolement du pays risque de fragiliser le processus démocratique en cours et de mettre en danger la construction en cours de l’Etat de droit. Si l’on peut louer l’application d’un légitime principe de précaution face au danger de ce virus, la crainte qui s’est emparée, dans plusieurs pays, est en revanche disproportionnée au regard des mesures mises en place. L’un des résultats est le départ de nombreux expatriés dont ceux de l’économie minière, principale source de revenus de pays tels que la Guinée la Sierra Léone ou le Libéria ». Du reste, l’expérience récente a prouvé que la fermeture des frontières n’est pas la solution adéquate pour empêcher la progression du virus, leur porosité étant connue de tous. Un dispositif de contrôle sanitaire rigoureux permet de mieux contrôler les entrées et les sorties, amoindrissant ainsi les risques de propagation de la maladie.
A cet appui français, il faut ajouter la présence en Guinée de l’ONG française, ‘’Médecins Sans Frontières’’ depuis le début de l’épidémie en début d’année. Et comme pour montrer l’intérêt au plus haut que la France accorde aux pays du bec du perroquet, la Secrétaire d’Etat français au Développement et à la Francophonie, Mme Annick Girardin, à la tête d’une importante délégation a été dépêchée en Guinée où elle a été reçue le 13 septembre en audience par le Président Alpha Condé. Dès son arrivée, elle a déclaré : « Ma présence ici à Conakry souligne que la France est aux côtés de votre pays dans sa riposte contre l’épidémie Ebola ».
A la clé, 5 millions d’Euros, consacrés à la lutte contre Ebola à travers la construction d’un nouveau centre de traitement et le développement de la pisciculture en Guinée Forestière. Sans oublier 75 autres millions d’Euros au titre du document cadre de partenariat programme (DCP) pour 2014-2016.
En plus, le samedi 13 septembre 2014, lors d’une cérémonie regroupant les autorités sanitaires du pays, la France a offert 2 tonnes de matériels de protection et de soins à la Guinée pour lutter contre l’épidémie. A cette occasion, la secrétaire d’Etat français chargée du Développement et de la Francophonie a annoncé que son pays compte offrir 9 millions d’euros pour non seulement la construction d’un nouveau centre de traitement, mais aussi appuyer l’institut pasteur de Guinée. C’est ce que l’on appelle un bel exemple de coopération Nord-Sud.
Pour autant, certains Etats africains n’ont pas manqué quand même de montrer leur solidarité en la Guinée comme la République sœur du Mali qui n’a pas pensé un seul instant fermer ses frontières malgré la cadence du flux entre les deux pays. Ou comme le Maroc qui vient d’accueillir lors d’un forum économique des personnalités et des hommes d’affaires de la Guinée. La Royale Air Maroc continue également de desservir Conakry. Un autre Etat, qui n’a aucune frontière avec les pays du bec du perroquet, qui n’est même pas membre de la CEDEAO, a offert un million d’Euros dans le cadre de son soutien à la lutte contre l’épidémie. Vous avez compris, il s’agit du pays lointain, le Kenya. Vite imité par le Sénégal, comme pour se racheter de ce manque évident de solidarité. Si la contribution kenyane a été saluée, celle du Sénégal, il fallait s’y attendre, a été accueillie avec le mépris le plus absolu. La réponse du berger à la bergère, en attendant d’autres encore plus significatives dans la mesure où des calculs bassement politiques teintées de considérations ethno-stratégiques sont à la base de ce manque de solidarité.
Comme pour enfoncer le clou, l’Union africaine a recommandé la réouverture des frontières aériennes estimant que là n’était pas la solution.
Le Président en exercice de la CEDEAO, le Ghanéen John Dramani Mahama en tournée dans les pays touchés par Ebola s’est également prononcé le lundi 15 septembre à Conakry sur la fermeture des frontières : « Nous avons des directives par rapport à la fermeture des frontières. Dans ces directives, il y a les procédures à suivre par rapport à la protection. Et dans ces directives, il a été indiqué clairement qu’il n’est pas nécessaire de fermer les frontières. De toute façon en Afrique, la plupart des frontières sont artificielles. Parce que si vous empêchez les gens d’utiliser ou de passer par les frontières officielles, ils vont utiliser la brousse pour y arriver. Donc la meilleure solution, c’est de permettre aux gens de passer par les frontières officielles. Parce que, c’est ce qui permet l’utilisation des procédures de protection. La recommandation de la CEDEAO est la réouverture des frontières et la reprise des vols vers les pays affectés. Parce que vous ne pouvez pas attraper Ebola en étant assis à côté de quelqu’un qui est infecté ».
Il est vrai que certains qui craignent qu’Ebola ne s’invite au prochain sommet de la Francophonie ont vite fait de ligoter leurs frontières espérant en cela éviter la migration des chauves-souris porteuses du virus vers leur pays. Justement, la Secrétaire d’Etat français au Développement et à la Francophonie, Mme Annick Girardin, devrait recommander de revoir le lieu de la tenue prochaine de ce sommet. Ne serait-ce que pour rappeler que la francophonie, c’est avant tout la… solidarité pour ceux qui ont en commun la langue française.
Béa Zézé