Le massacre inqualifiable des membres d’une mission officielle de sensibilisation dans la sous-préfecture de Womey (50 Km de N’Zérékoré) a donné lieu à de nombreuses réactions au sein des populations guinéennes. Tout le monde a exprimé son indignation à travers des mots tous aussi puissants de condamnation les uns que les autres. Dans toutes les langues du pays et en français, l’horreur a été hurlée comme pour exorciser ce mal qui a tenu tout un pays à la gorge.
Malheureusement, les extrémistes de tous bords en ont profité pour vomir leur venin et éclabousser toute une nation endeuillée et complètement groggy après ce énième drame. Certains (notamment les opposants) ont abondé dans le sens de la condamnation sans discernement du pouvoir, l’accusant de négligence voire de complicité dans ce qui s’est passé à Womey. Comme toujours, d’ailleurs et c’est de bonne guerre, pourrait-on dire.
Par contre, du côté de la mouvance, si la plupart des gens se sont plutôt mis à condamner les agissements rétrogrades et barbares des auteurs de ces faits graves et inacceptables dans cette localité dont le nom est entré par cette tragédie dans l’histoire nationale, malheureusement certains extrémistes en ont profité pour se faire entendre et tenter de faire passer dans l’opinion l’idée qu’il faudrait revenir aux anciennes méthodes de la Première République, où l’on procédait à des exécutions sommaires et autres pendaisons publiques. Pour le bon exemple, selon eux. Et c’est Laye Junior Condé du RPG-Arc-en-ciel qui est monté au créneau pour tenir des propos allant dans ce sens, lors d’une émission radiophonique, le lundi dernier. Le responsable politique a regretté « les méthodes de feu Ahmed Sékou Touré ». Pour lui, les droits de l’homme n’ont pas droit de cité en pareils cas. L’on doit procéder à une justice expéditive et régler le compte aux auteurs de crimes aussi crapuleux. Il s’agit bien de cela quand on parle de ‘‘méthode Sékou Touré’’.
Il est vrai que le débat sur la peine de mort n’est pas vraiment d’actualité en Guinée. La preuve en est que le code pénal guinéen la prévoit. Elle est toujours en vigueur, même si son application est rare. Cependant Laye Junior Condé voudrait-il que l’on laisse de côté le droit existant pour appliquer ce qui n’existe plus ? Parce que la ‘‘méthode Sékou Touré’’ est bien différente de l’application pure et simple de la peine de mort.
La Guinée a opté pour un régime où le droit doit être dit et appliqué selon ce qui est prescrit par la loi, et celle-ci reconnait le principe de la présomption d’innocence, celui d’une justice équitable qui reconnaît au présumé auteur de crime le droit à un procès équitable, avec un avocat pour sa défense. Il ne faut pas que la colère voire l’indignation fasse oublier le respect des droits de l’homme. C’est une garantie pour tous les citoyens qui savent que la justice est égale pour tous. En ce qui concerne les événements de Womey, la justice est déjà en branle et des présumés auteurs ont été mis aux arrêts et auditionnés. Espérons que les choses iront dans le bon sens et que les coupables seront démasqués et châtiés à la hauteur de leur forfaiture.
Laye Jr Condé doit donc se ressaisir et ne pas exprimer de la sorte ses passions. C’est un homme politique doublé d’un responsable d’une grande administration. Il doit être de ceux qui en premiers respectent les lois de ce pays et ne pas verser dans le catastrophisme et le non respect de la loi. Sinon, c’est la voie ouverte à la justice privée, à la justice sommaire et non respect des droits de l’homme auxquels la République de Guinée a souscrit.
Abdoulaye Camara, Conakry