A l’occasion du 56ème anniversaire de l’accession de la Guinée à l’indépendance, le président Alpha Condé, procédera au dépôt d’une gerbe de fleurs ce jeudi 2 octobre à la Place des martyrs (Kaloum). Mais avant, il a tenu son discours traditionnel de l’anniversaire de l’indépendance. Lisez.
Guinéennes, Guinéens,
Ce 2 octobre 2014, 56ème Anniversaire de l’Indépendance de notre pays, se déroule dans un contexte particulièrement difficile pour nos populations. J’ai décidé que les festivités commémoratives qui devraient se dérouler à Mamou soient reportées à une date plus propice. Notre peuple fait face à une grande épidémie qui touche certains de nos pays voisins et qui est aujourd’hui qualifiée de menace mondiale par la communauté internationale.
C’est la ville de Mamou qui sera le moment venu le point de convergence de l’ensemble des Guinéens pour cette indépendance ô combien historique que nous célébrerons très prochainement.
Au regard de ses immenses potentialités agro-pastorales et touristiques, cette région s’affirme comme un grand pôle économique en pleine évolution dans le vaste espace du Foutah, et un acteur majeur dans la construction d’un État capable de relever les défis du futur.
Je salue la détermination des forces vives des villes du Foutah qui, dans un contexte souvent difficile, œuvrent au quotidien, avec assurance et confiance, à la transformation qualitative de la Guinée.
Je leur renouvelle mes encouragements pour la dynamique instaurée afin d’accélérer le développement socioéconomique de leur région et partant de toute la Guinée.
Cette épidémie s’est déclarée au moment où après tant d’efforts et de sacrifices, nous avions enfin constitué une base macroéconomique saine, une croissance à deux chiffres, une forte réduction de l’inflation et la signature de conventions porteuses d’investissements pour le décollage économique effectif de notre pays.
Cette épidémie s’est déclarée au moment où nous nous apprêtions à passer d’une saine gestion macroéconomique à une croissance et un développement économiques permettant la production de richesses et de partage de revenus.
Cette épidémie s’est déclarée au moment où dans nos villages, les paysannes et paysans de Guinée, avec l’appui technique et financier des services de l’Etat, ont accru la production agricole, et peu à peu, atteignaient le niveau nécessaire pour l’autosuffisance alimentaire.
Cette épidémie s’est déclarée au moment où la reforme des services sociaux de base, notamment les services de santé, devrait permettre l’accès de tous aux soins de qualité.
Cette épidémie de la fièvre Ebola est arrivée au moment où l’économie guinéenne prend son envol, avec la conclusion d’importants contrats miniers, le retour des investisseurs visitant notre pays et qui repartent confiants. Cette crise sanitaire a également eu pour conséquences, une baisse de l’activité économique préjudiciable à nos finances publiques, sans oublier que nos hôtels qui ne désemplissaient pas, ont vu leurs capacités d’accueil réduites.
Chaque fois que notre pays a eu à faire face à des événements douloureux tel que celui provoqué aujourd’hui par l’épidémie de la fièvre Ebola, il a su faire preuve de sursaut national, en mettant en avant son unité et sa détermination à faire prévaloir, par-dessus toute considération, l’intérêt supérieur du peuple guinéen. Ce message d’unité et de solidarité nationale est partagé, je n’en doute pas, par toutes les organisations politiques, les confessions religieuses, les organisations de la société civile ainsi que par l’ensemble des acteurs économiques et sociaux.
Je voudrais ici adresser un message particulier ànos compatriotes qui sont encore sceptiques sur la réalité de la maladie : Ebola est une réalité, une maladie grave que l’on peut soigner. Elle n’est donc pas une fatalité car on ne meurt pas nécessairement d’Ebola. Si les prises en charge sont effectuées à temps et si les patients se présentent très tôt dans les différents centres de traitement, on peut guérir d’Ebola et les faits en attestent quotidiennement.
Ainsi la préfecture de Télimélé a pu vaincre la maladie par la sensibilisation et le respect des règles d’hygiène. Je demande la coopération de l’ensemble de la population pour ces actions de sensibilisation qui sont l’une des clés principales pour vaincre la maladie.
A ce propos, je tiens à vous assurer que les évènements tragiques de Womey dans lesquels huit personnes ont perdu la vie, dans le cadre d’une mission de sensibilisation contre l’épidémie, ne resteront pas impunis et les coupables répondront devant la justice.
Je reviens de New York en tant que Président en exercice de l’Union Mano River, où s’est tenue l’Assemblée Générale des Nations Unies :
– Une résolution du conseil de sécurité adoptée à l’unanimité des quinze membres, avec le soutien de 150 Etats, déclarant l’Ebola comme une menace contre la paix et la sécurité mondiale, a été adoptée.
– Un sommet spécial de haut niveau a été consacré à l’Ebola.
Devant la communauté internationale, en votre nom et au nom des pays frères et voisins touchés par l’épidémie, j’ai donné d’amples informations sur la situation, et plaidé encore une fois, pour la mobilisation de la communauté internationale dans cette lutte afin de contenir et de vaincre cette terrible maladie. J’ai insisté sur quatre points :
-Une intervention urgente pour mettre fin le plus rapidement possible à l’épidémie.
-Le renforcement de notre système hospitalier et de l’éducation, afin que nous soyons en mesure de faire face par nous-mêmes à toutes sortes de maladie.
-Une aide budgétaire conséquente pour compenser les pertes énormes subies par notre économie.
-Modifier la communication pour casser la psychose irrationnelle qui s’est emparée du monde. Il faut isoler l’Ebola et non les pays.
Nous avons été entendus. La communauté internationale s’est fortement mobilisée pour appuyer les pays touchés et renforcer la coordination. L’engagement de la communauté internationale est symbolisé par l’adoption de la Résolution 2177 du Conseil de Sécurité relative au déploiement de la Mission des Nations Unies pour l’Action d’Urgence contre Ebola.
J’ai insisté pour que l’aide financière et technique de la communauté internationale soit consacrée à la gestion de l’urgence mais également au renforcement des capacités institutionnelles, humaines, techniques et logistiques.
J’ai également insisté sur l’évaluation et la gestion à court, moyen et long termes de l’impact de l’épidémie sur nos économies et nos sociétés.
Je voudrais ici, au nom du peuple de Guinée, remercier les organisations internationales : Organisation Mondiale de la Santé, CDC/Atlanta, Médecins Sans Frontières, la Croix Rouge. Nos remerciements vont également à nos partenaires bilatéraux : la France, les Etats Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, la Chine, Cuba, le Japon et tant d’autres. Une reconnaissance particulière au Maroc, au Mali, à la France et à la Belgique.
Guinéennes, Guinéens,
Je félicite toutes les couches de notre société qui se sont engagées dans cette lutte contre l’épidémie. Nous avons mis en place une Coordination nationale de la Lutte contre la fièvre à virus Ebola. Cette organisation multisectorielle doit assumer la responsabilité de notre réponse et servir d’interface avec nos partenaires techniques et financiers. Je veillerais personnellement au bon fonctionnement et à l’efficacité de ce dispositif.
Je voudrais aussi vous rassurer que malgré les hésitations et les incompréhensions, je maintiens un dialogue soutenu avec tous nos voisins pour que les mesures de protection sanitaire indispensables ne deviennent pas un frein à l’intégration régionale. Je suis autant préoccupé de la protection des Guinéens que de celles des habitants de la sous-région, de l’Afrique et du Monde.
La collaboration de nos services de santé ne doit souffrir d’aucune négligence, d’aucune complaisance. Il est admis aujourd’hui par la communauté internationale que c’est l’épidémie qu’il faut isoler et non les pays. Nos voisins et le monde entier peuvent compter sur la Guinée pour qu’elle fasse sa part dans la lutte contre Ebola.
Guinéennes, Guinéens,
Les épreuves font partie de la vie d’une nation. Elles constituent aussi des occasions pour renforcer nos liens et assumer notre communauté de destin. L’épidémie que nous combattons ne fait aucune distinction entre les Guinéens. Nous devons nous rassembler au-delà de nos origines, au-delà de nos opinions, au-delà de nos contradictions pour préserver ce qui est au dessus de tout : la vie et la pérennité de notre nation.
Guinéennes, Guinéens, Chers compatriotes,
Nous devons renforcer notre cohésion, améliorer la communication et renforcer la confiance entre les différents acteurs de notre vie sociale. La rumeur et la panique ne sont possibles que là où sont absentes la sensibilisation et la communication.
Pour lutter contre l’épidémie, le premier antidote est l’information. Je demande à toutes les structures d’Etat, aux syndicats, aux médias, aux organisations de la société civile, aux institutions religieuses et aux partis politiques de s’approprier et de transmettre davantage les messages de sensibilisation.
Je demande également aux femmes et aux jeunes de Guinée de dire Stop à EBOLA.
Je ne saurais terminer sans présenter mes condoléances aux familles de toutes les victimes de cette épidémie en Guinée, en Sierra Leone et au Libéria.
Mes condoléances également aux familles et aux proches des victimes des douloureux et regrettables évènements de Womey, dans la Préfecture de Nzérékoré. Ces événements nous interpellent sur la nécessité de la sensibilisation et l’indispensable restauration de l’autorité de l’Etat.
Et je demande à l’ensemble des autorités religieuses de prier pour notre pays.
Je vous remercie.