Censure

Des diplomates aux mains sales (opinion)

Lonseny Fall, ministre des Affaires Etrangères

C’est un lieu commun de dire que la corruption gangrène l’administration guinéenne et cela depuis l’accession de notre pays à la souveraineté nationale. La mal gouvernance, on le sait, crée la corruption, l’entretient et l’amplifie par la pratique de l’impunité. Mais si les scandales financiers qui éclaboussent des  cadres de l’administration font régulièrement la une des journaux, on entend rarement parler des scandales qui incriminent notre corps diplomatique, ce n’est pas dire pour autant que nos chancelleries sont exemptes de ce mal. En la  matière deux de nos ambassadeurs à la retraite acceptent sous anonymat de lever un coin du voile sur les pratiques déloyales en cours sous le régime du feu général Lansana Conté.

Le premier interlocuteur affirme avoir laissé à son départ de Washington un montant de 40.000 US dans le compte de l’ambassade. Son successeur n’aurait pas hésité à empocher ce montant et déclaré au ministère de tutelle qu’il a trouvé les caisses vides. L’homme confierait plus tard à un de ses amis : « Si mon devancier ne connaît pas  l’argent, moi je sais m’en servir. »

Le second interlocuteur est arrivé dans la diplomatie au poste subalterne de Conseiller d’ambassade. Il aurait souffert des années de l’ostracisme de l’ambassadeur et de l’attaché financier qui se la coulaient douce à partir du budget de fonctionnement de l’ambassade. Par exemple, bien que la couverture médicale ait été accordée à toutes les familles du personnel diplomatique, ces deux messieurs ne payaient que ce qu’ils voulaient bien payer. Et quand notre Conseiller d’ambassade accédera au poste d’Ambassadeur, il découvrira un réseau de magouille bien huilé qui regroupe des cadres des ministères en charge des affaires étrangères, de l’économie et des finances et du budget. Le réseau monte les budgets de fonctionnement de toutes les ambassades en privilégiant ceux des ambassades où travaillent leurs amis, ils leur accordent une marge substantielle à partager dès que l’argent tombe dans les comptes desdites ambassades. C’est alors que des émissaires débarquent dans les pays accréditaires pour récupérer la part du réseau. Allez savoir si les ministres concernés chapeautent ou non le réseau !

Nos deux interlocuteurs ne manquent pas d’évoquer par ailleurs la possibilité que se donnent certains diplomates de traiter des affaires juteuses par personnes interposées ou à travers des entreprises écrans. En tout cas, disent-ils, il faut être maudit pour ne pas se taper une certaine fortune après quelques années de service dans une mission diplomatique guinéenne. C’est un créneau fort convoité parce que bien lucratif.

Faut-il espérer que nos diplomates aux mains sales ne relèvent que d’un régime défunt, qu’aujourd’hui le secteur est largement assaini ? A chacun de trouver la réponse qui sied.

                                                                                                                                    Walaoulou BILIVOGUI

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