L’Honorable Abou Footé Camara n’est plus. Né le 22 novembre 1932 à Ouassou (Dubréka), Abou Footé a été rappelé à Dieu le mardi 16 décembre 2014, à l’âge de 82 ans. Après avoir consacré plus des trois quarts de sa vie à l’éducation nationale où il a servi à presque tous les postes de responsabilité de l’administration enseignante, il assumera successivement les hautes fonctions de ministre de l’éducation nationale, de ministre de l’emploi et de la fonction publique avant de s’engager en diplomatie pour aller représenter notre pays auprès du Royaume du Maroc puis de la République Populaire de Chine. Soit dit en passant, l’enseignant Abou Footé a à son actif la formation de très nombreux cadres de tous les niveaux et qui, comme lui-même, ont servi la Nation avec amour, honneur, compétence et dévouement.
De retour au pays, l’infatigable Abou Footé va entrer au Parlement de la seconde mandature comme député uninominal de son Dubréka natal. Il s’y est illustré par son humilité, sa sagesse, sa pondération et surtout son amitié pour tous.
Mort, Abou Footé avait droit à des honneurs dus, comme cela est de tradition, non seulement à son rang d’ancien député du Parlement guinéen, mais aussi à celui d’ancien grand commis de l’Etat, c’est-à-dire ancien ministre et ancien ambassadeur. Malheureusement, la cérémonie d’hommages organisée à son honneur le vendredi 19 décembre 2014 au Palais du peuple, a donné lieu à un spectacle honteux et révoltant. Il n’est à souhaiter à aucune famille de vivre la pénible ambiance dans laquelle les parents de l’Honorable Abou Footé ont baigné ce jour dans un Palais du peuple quasi vide.
En effet, prévue pour 10 heures, la cérémonie ne commencera que vers 11 h, certainement à l’attente des honorables députés et autres grands commis de l’Etat qui, finalement, ne feront pas le déplacement. Plus grave, aucun représentant officiel du gouvernement, même pas des trois départements de l’éducation nationale qu’il a le plus pratiqués, ni des affaires étrangères, n’étaient au rendez-vous. Ses anciens collègues de l’Assemblée nationale y étaient au nombre de trois, en l’occurrence, l’Honorable Dr Boye Barry, l’Honorable Djènè Saran Camara et votre serviteur. Quant à la nouvelle Assemblée nationale, initiatrice de la cérémonie et qui a curieusement choisi le même jour et la même heure pour la clôture de sa session budgétaire, elle s’est fait représenter par son second vice-président. Du côté de ses collaborateurs de l’éducation, je n’ai aperçu qu’El hadj Alkaly Fofana qui, comme nous autres, ne trouvait pas de mots pour expliquer ce qui se déroulait sous ses yeux. Le comble aura été l’absence remarquée de ses compagnons du PUP, une formation politique qu’il a représentée et défendue sur tous les toits. A bien compter, il n’y avait pas plus de 80 parents, amis et autres relations dans l’immense salle des congrès du Palais du peuple. Pour vous en donner idée, les membres de la famille du défunt qui s’étaient installés sur la tribune à côté du cercueil, constituaient sensiblement le tiers de l’assistance.
Pour le cérémonial, pas d’oraison funèbre, comme s’il n’en avait pas droit; pas de témoignages d’amis ou de connaissances comme s’il n’en avait pas ; même pas la moindre couverture médiatique, comme si cela était superflu. Juste une brève adresse du deuxième vice-président de l’Assemblée nationale suivie des remerciements du représentant de la famille. Ce dernier a dû d’ailleurs revoir sa copie avant de prendre la parole, parce que tous les dignitaires qui devaient être cités d’entrée et remerciés en fin de discours étaient absents. Le tout pour moins de 30 minutes de morosité.
Abou Footé Camara méritait-il un tel traitement ? Où étaient ses amis et surtout ses anciens collaborateurs de l’éducation nationale, des départements de la fonction publique, des affaires étrangères, de l’Assemblée nationale et surtout de son parti, le « tout puissant » PUP dont les témoignages étaient visiblement attendus ? Ils ont certes été à domicile (pas évident) pour présenter les condoléances. Mais leur absence à la cérémonie solennelle au Palais du peuple n’a pas permis de faire le compte. Le résultat était moins qu’une cérémonie à un palefrenier dédiée.
Pour cet homme qui a tout donné à l’école guinéenne et dont il est l’un des bâtisseurs, cet homme qui a servi son pays avec abnégation et loyauté, cet homme qui a représenté dignement la nation guinéenne sur l’échiquier diplomatique, cet homme enfin qui a défendu avec conviction les idéaux du parti de la mouvance présidentielle d’alors, le spectacle de ses obsèques du 19 décembre au Palais du peuple était tout simplement incroyable, surréaliste et révoltant. Elle ne correspondait en rien à la vie et l’œuvre de l’homme. De modestes obsèques dans son Ouassou natal combleraient à n’en pas douter les attentes. L’absence de la famille de l’éducation nationale était plus qu’une faute. Tout le monde pouvait boycotter cette cérémonie sauf sa famille professionnelle qui demeure somme toute sa référence identitaire. A mon humble avis, un symposium pour Abou Footé par l’éducation nationale n’aurait pas été de trop.
L’absence d’une délégation officielle du gouvernement à la cérémonie d’hommages à Abou Footé est difficilement explicable, d’autant plus que l’Etat lui-même a reconnu à l’homme des mérites certains en le nommant de son vivant à de hautes fonctions administratives et politiques. Il faut tout simplement déplorer que cette négligence coupable ait laissé à l’opinion le goût d’une symphonie inachevée.
Quant aux parlementaires, nombreux sont ceux qui n’ont pas encore perçu la portée sociale et surtout politique du rituel des obsèques d’un député au siège même de la haute représentation nationale. Loin d’être une simple formalité administrative comme l’Assemblée nous l’a fait croire dernièrement, ce rituel est un honneur et un privilège réservés exclusivement à la mémoire d’un député défunt. Son organisation qui est une prérogative du Bureau de l’Assemblée nationale, requiert des moyens matériels et financiers adéquats. C’est une tâche qui doit être confiée à une commission compétente, parce que de son travail dépend l’appréciation que le monde extérieur fera de l’institution parlementaire. C’est donc une manifestation organisée par et pour l’Assemblée. La présence de tous les députés, anciens et nouveaux, est impérative. Aucune raison ne saurait les en dispenser. Pour rappel, l’organisation de la cérémonie de l’Honorable Abou Footé était laissée au conseiller politique du bureau de l’Assemblée qui montait et descendait, sans pouvoir couvrir à souhait l’évènement. L’échec était total et la honte insupportable. Or, le rituel des obsèques d’un parlementaire est une opportunité pour l’institution de montrer à l’opinion, par la qualité de la mobilisation de ses élus et de son administration ainsi que le sérieux de l’organisation, qu’un député n’est pas n’importe qui dans la société et qu’il ya toutes les raisons pour tout citoyen d’aspirer à servir son pays à ce haut poste de la représentation nationale. Du coup, la famille éplorée s’en trouverait honorée et consolée tandis que l’institution justifierait aux yeux du citoyen, la pertinence de son existence.
Puisse l’échec des funérailles de l’Honorable Abou Footé servir de leçon à tous les députés pour redonner à la deuxième institution de la République la meilleure image possible. Rappelons-nous cette vérité bien plus qu’évidente que « Abou Footé était comme nous et que nous serons comme lui. »
REPOSE EN PAIX HONORABLE ABOU FOOTE ! AMEN
Hon. Dr Aly Gilbert IFFONO,
ancien député et ancien ministre.