Censure

« Affaire Charlie Hebdo »: Qu’en penser? (1ère Partie)

Je souhaiterais, avec votre permission, partager mes réflexions suivantes au sujet de la version officielle de l’ « affaire Charlie Hebdo »:

  1.  J’aimerais tout d’abord souligner le mimétisme des africains (dirigeants, leaders d’opinions, peuple). L’Occident, grâce (entre autres, pour faire court) à ses énormes moyens de communication, réussit encore et toujours à nous imposer même son agenda émotionnel. Nous sommes contents quand les occidentaux le sont, nous sommes tristes quand ils le sont. Il semblerait que nous ne sommes même pas capables de nous indigner des crimes commis dans notre pays ou sur notre continent sans la „permission“ de l’Occident. Exemples:

– Boko Haram tue tous les jours au Nigéria et on s’en fout. En été dernier, Boko Haram enlève des jeunes filles élèves. Notre réaction: AUCUNE, comme d’habitude! Mais dès que les occidentaux se sont émus et ont lancé le (juste) slogan „Bring Back Our Girls“, nous nous sommes vu obligés de nous émouvoir, nous aussi! On a même organisé une marche de soutien à Conakry.

– Même nous, les 1ers concernés, on a commencé à parler beaucoup beaucoup beaucoup d’Ebola lorsque cette maladie était le sujet de „breaking news“ et d’ „éditions spéciales „ des  chaines occidentales. Une fois qu’Ebola a cessé de faire la UNE de ces médias, on n’en parle presque plus (sauf tout à coup les RPGistes pour justifier leurs conneries habituelles), si comme personne n’en mourrait aujourd’hui au pays!

Par ailleurs, il est quand même curieux d’observer certains partisans guinéens et africains du „Je suis Charlie“ qui „chicotent“ tous les jours leurs „tous petits Charlie“ locaux. Ceux- là même qui „mettent les journalistes au pas“, qui veulent faire taire des artistes, des citoyens ou de petits hommes politiques qui ont le culot d’“insulter“ leur nouveau „prophète“ (président de la République ou chef de parti politique) bien aimé. Quels pharisiens!

  1.  L’attitude (officielle) des autorités françaises et occidentales et celle de la majorité des peuples français et occidentaux face à ces évènements est vraiment à saluer et devrait servir d’exemple à nos hommes politiques et au Peuple guinéen. Des musulmans tuent au nom de L’Islam, et les dirigeants et l’écrasante majorité du peuple de ces pays ne font pas porter le fardeau aux musulmans!!!  Ici, un mimétisme est vivement souhaitable, quand on scrute l’histoire récente de notre pays. Quand on sait qu’une tentative de coup d’Etat d’un officier malinké (Diarra) contre Conté (soussou) a occasionné un pogrom anti-malinké sous l’œil bienveillant des autorités de l’époque. Quand on sait qu’un „empoisonnement“ de militants du RPG (malinké) par „les“ peuls a eu pour conséquence des pogroms anti-peuls en Haute-Guinée sous l’œil bienveillant des autorités de la Transition dirigée par un malinké. Si nous avions eu la chance d’avoir à la tête de notre pays des dirigeants de la trempe des leaders occidentaux, on aurait pu éviter ces évènements douloureux qui continuent de laminer le tissu social de notre pays!
  1.  Pour moi, ces caricatures (pas toutes, mais seulement certaines) étaient de la provocation et une insulte envers la communauté musulmane. Elles ont été justifiées par la liberté d’expression. Il est (selon moi) indiscutable que de toutes les sociétés contemporaines, les sociétés occidentales sont celles où la liberté d’expression est la plus large. Toutefois, j’aimerais souligner, ici aussi, qu’il est évident que cette liberté d’expression n’est nullement absolue, même en France (« la patrie de la liberté »). Ainsi l’Holocauste, par exemple,  est un sujet délicat en France. La liberté d’expression n’est pas valable pour quiconque s’hasarderait à dire, écrire ou dessiner l’Holocauste ou Hitler (bref le nazisme) autrement que le DOGME français le veut. Même l’antisionisme peut être (et est à maintes reprises) considéré comme un délit (antisémitisme), donc pas couvert par la fameuse liberté d’expression. Idem pour des futilités, comme les quenelles. Des chaines satellitaires de télévision ont été interdites.  Aussi prierais-je tous ceux qui parlent de liberté d’expression en terme absolu d’avoir ce 2 poids 2 mesures en tête. Ce sentiment de 2 poids 2 mesures est accentué ces derniers jours avec les poursuites judiciaires encourues par ceux qui disent par exemple: « Je suis Charlie-Coulibaly »! Quelle drôle de « liberté d’expression »!!! Et ce sont ces mêmes personnes qui reprochent à la Turquie le blocage des sites internet diffusant les fameuses caricatures du Prophète de l’Islam (saw)!!!

 

  1. En Allemagne, par exemple, le blasphème est puni, sous certaines conditions (comme susceptibilité de troubler l’ordre public), par l’article 166 du code pénal d’une peine de prison maximale de 3 ans ou d’une amende.

 

§ 166 Defamation of religious denominations, religious societies and World view associations

(1) Whoever publicly or by dissemination of writings (§ 11 par. 3) defames, in a manner suitable to disturb the public peace, the substance of the religious or world view conviction of others, shall be fined or imprisoned for up to three years.

(2) Whoever publicly or by dissemination of writings (§ 11 par. 3) defames, in a manner suitable to disturb the public peace, a church established in Germany or other religious society or world view association, or their institutions or customs, shall be punished likewise.“

Sur la base de ce § 166 StGB :

  • le Musical „Das Maria-Syndrom“ mettant en dérision la Conception Immaculée de Marie a été interdit la veille de sa Première en 1984. La demande des producteurs du musical de jouer exclusivement devant un « public d’agnostiques convaincus » a été refusée par les autorités de la ville. Tous les recours judiciaires ont échoué! Ainsi le Tribunal Fédéral Administratif (Bundesverwaltungsgericht), l’instance suprême des juridictions administratives allemandes, a statué que: « Le principe de la liberté d’expression et de la liberté artistique protégé par le Législateur ne peut trouver application dans le cas d’espèce. Parce que des citations connues de la pièce font preuve d’un tel niveau de mépris des croyances chrétiennes que ceci n’est plus du domaine de la critique artistique et satirique ».
  • En 2006, un allemand a été condamné à 12 mois de prison avec sursis, avec une période de probation de 5 ans et à 300 heures de travaux sociaux pour avoir imprimé sur quelques papiers hygiéniques « Coran, le Saint Qur’an ». Ensuite, il les fit parvenir à des médias et à certaines mosquées avec un pamphlet stipulant que « le Coran est un livre de cuisine pour les terroristes parce qu’il y existe beaucoup de passages appelant à des actes de violence ». Suite à une note diplomatique de l’Iran, l’Etat allemand a engagé des poursuites judiciaires à son encontre. Selon le procureur, son action ne serait pas couverte par son droit constitutionnel (liberté d’opinion, d’expression) parce que son attitude « franchirait les frontières d’une société ouverte basée sur la tolérance et le respect de la dignité humaine »
  • En 2006, une satire d’un groupe cabaret « montrant » le Pape Benoit XVI faisant des câlins à un évêque allemand n’a pas été diffusée à la télé suite à une plainte d’un catholique ayant entrainé une ouverture d’enquête du procureur. Et ceci, pendant les « Jeux Olympiques allemands » de la satire: le carnaval dans la région du Rhin!
  • En 2014, le chef d’un petit parti politique populiste « Die Freiheit » a été condamné à payer une amende pour avoir écrit dans un blog anti-islamique que « l’islam est comme une tumeur cancéreuse qui infecte peu à peu les peuples, (encore) libres de cette planète, avec le poison de cette Idéologie (islam) extrêmement dangereuse, intolérante, misogyne, violente et affamée de pouvoir ».  Le juge qui l’a condamné était d’avis que « cette comparaison était une offense et une diffamation de l’Islam » et que la critique envers la religion requerrait une certaine limite. Bien évidemment, son article a été supprimé du blog !

En 2000, les partis conservateurs chrétiens allemands (CDU, CSU) ont même voulu durcir la loi en punissant le blasphème, non pas seulement pour « susceptibilité de troubler l’ordre public » mais par respect du « Toleranzgebot » (commandement constitutionnel à la tolérance) envers la religion et la Weltanschauung. La gauche (SPD, Verts et PDS) majoritaire à l’époque a rejeté la loi au Bundestag. La même discussion est revenue plus tard suite à la publication des caricatures du Prophète (saw) en 2006 (Danemark) et en 2012 par Charlie Hebdo. Ces partis conservateurs souhaiteraient même alourdir la peine encourue. Fait intéressant à souligner: en plus des partis de gauches allemands, la plupart des organisations musulmanes et chrétiennes du pays ont rejeté cette proposition de loi, arguant que l’éthique empêcherait les médias de publier ces caricatures.

Le série d’animation Popetown (parodie du Pape), bien que produit par la BBC, n’a pas été diffusée en Grande Bretagne, suite aux protestations de l’Eglise. Les Etats-Unis et plusieurs autres pays ne l’ont pas diffusée non plus.

La liberté d’expression ne se porte pas plus mal en Allemagne, en Grande Bretagne, aux Etats-Unis (et dans bien d’autres pays occidentaux) qu’en France. C’est un choix que la République laïque française a fait !!!

Tout ceci pour dire qu’il peut bel et bien avoir une compatibilité entre la liberté d’expression et le respect de la religion d’autrui. D’autant plus qu’il s’agit d’un pays (France) qui ne rechigne pas sur les moyens rhétoriques et les finesses juridiques pour interdire « Je suis Charlie-Coulibaly » (apologie du terrorisme). « Vive Bibi Netanyahu et le Likoud! » =  liberté d’expression mais « Vive Sheikh Yassine et le Hamas ! » pourrait être interdit (apologie du terrorisme et antisémitisme). De même « Vive Israël Beytanu et Liebermann! », c’est ok, tandis que « Vive Sheikh Nasrallah et le Hisbollah! » est d’une énorme gravité non compatible avec les „valeurs“ de la République. La même ferveur ou logique qui interdit des pièces de théâtre (antisémitisme) et des conférences ou écrits qui remettent en cause le nombre de tués de l’Holocauste ou l’existence des chambres à gaz (négationnisme) ne serait-elle pas capable d’interdire d’AUTRES ( !) blasphèmes, en accordant une protection particulière à la Religion ? Je suis conscient de la lourde tâche juridique et politique consistant à faire un Trade-off entre liberté d’expression et respect de la religion. Mais, celui qui est capable de telles acrobaties pourrait, le cas échéant, faire recours ne serait-ce qu’au terme « susceptible de troubler l’ordre public ». Il suffit juste de le vouloir !

Tout ceci, encore une fois, pour souligner la géométrie variable de la notion de liberté d’expression telle que pratiquée par la France. Seulement, il revient à la société française, du petit Paul (ou petit Mohamed) au Conseil Constitutionnel en passant par les élus du Peuple de régler ce problème !

Charlie Hebdo, en principe très « immigraphile » et anticlérical (traduction de la laïcité par beaucoup de français), s’est moqué de tout le monde (politiciens, Eglise, Rabbins, musulmans…). Malheureusement, pour lui, tous ces groupes n’ont pas réagi de la même manière: Certains ont usé de leur influence, d’autres ont porté plainte etc… Certains musulmans (pour diverses raisons que nous n’aborderons pas ici) ont réagi autrement!

Pourtant, il existe d’autres voies possibles pour montrer son désaccord avec Charlie Hebdo. En plus du boycott des lecteurs, les vendeurs de journaux musulmans peuvent refuser de vendre Charlie Hebdo. Par exemple, les musulmans (fâchés pour diverses raisons) de France auraient pu manifester en grand nombre devant le siège de Charlie Hebdo (tous les vendredis après la prière) depuis la publication de ces caricatures. Personne ne leur aurait interdit de le faire: liberté d’expression et de manifestation. Ainsi, ils auraient combattu Charlie Hebdo avec les règles de la République dans laquelle ils vivent et ont choisi de vivre. Bref…

Toutefois, Il serait quelque peu réducteur (ou insuffisant) d’appréhender les évènements de cette affaire avec seulement des lunettes occidentales. Car il est légitime (en Islam) que des musulmans choisissent de réagir vis-à-vis des caricatures de Charlie Hebdo en fonction de la Loi divine, c’est-à-dire la Loi du Saint Coran. Mais que nous enseigne le Coran?

Il est, selon le Coran, indéniable que le fait d’insulter les Prophètes ou de blasphémer sera puni d’un châtiment divin ici-bas ou dans l’au-delà. La question est de savoir si Dieu s’en charge LUI-MÊME ou s’IL nous impose à nous musulmans de châtier l’ « insulteur » ou le blasphémateur ici- bas. Pour l’au-delà, il est indiscutable qu’IL est Le Seul capable de s’en charger!

Dans la deuxième partie de cet article, nous nous efforcerons à trouver une réponse à cette question!

Baldé Mamadou Gando

Obtenez des mises à jour en temps réel directement sur votre appareil, abonnez-vous maintenant.