Censure

Bah Oury réagit à la rencontre de Bruxelles : « Ebola n’a pas brisé un élan de progrès comme le prétendent les autorités guinéennes »

Suite à la visite récente du président guinéen, Alpha Condé, à Bruxelles où en compagnie de ses homologues de la Sierra-Leone, du Liberia, il a rencontré les bailleurs de fonds pour la relance de l’économie de ces trois pays, après ébola ; Bah Oury, no2 de l’UFDG a depuis son exil envoyé un commentaire à guinee7.com que nous publions in extenso.

Le 3 mars 2015, la délégation guinéenne à Bruxelles conduite par M. Alpha CONDE a demandé à la communauté internationale la mise en place d’un plan d’aide massive en faveur des pays affectés par le virus hémorragique Ebola (plan Marshall ). M.Alpha CONDE, pour qui « Ebola est une opportunité » clame partout que la Guinée était bien partie mais c’est Ebola qui a tout détruit. Il fait ces déclarations croyant que les guinéens n’ont pas de mémoire et sont capables de croire tous les mensonges des autorités officielles. Le texte qui suit est un extrait de mes vœux du 31 décembre 2013, qui restitue sans aucune altération le contexte qui a prévalu en 2013.

Il est vrai que l’année 2014 est marquée par la présence de la fièvre Ebola dans notre pays. L’épidémie continue depuis lors de provoquer de lourds ravages dans la société et l’économie est profondément affectée. Toutefois, Ebola a mis en lumière les graves carences de la gouvernance en Guinée mais elle n’a pas pour autant briser un élan de progrès comme le prétendent les autorités guinéennes. Il en est autrement au Liberia et en Sierra-Léone où en 2013 les taux de croissance du PIB dans ces deux pays avoisinaient respectivement 8,5 % et 13,5 %. Pendant ce temps, la Guinée en 2013 a avec peine atteint 2,3 % de croissance du PIB. Ceci infirme le discours officiel en mettant à nu les mensonges des gouvernants de Conakry.

2013:Une année plombée par la mauvaise gouvernance

Le gouvernement a indiqué que les  recettes budgétaires au titre de  l’année 2013 ont accusé un déficit de 1400 milliards de GNF par rapport aux prévisions. Il justifie ce gap important par deux facteurs , la morosité de la situation économique mondiale d’une part et la persistance des troubles sociaux et politiques que la Guinée a connu tout au long de l’année 2013 d’autre part. En réalité la mauvaise gouvernance explique largement cette mauvaise performance de l’économie nationale. En effet, la gestion à la hussarde du processus électoral qui est à l’origine de l’instabilité politique qui a eu pour conséquence l’atonie de l’économie guinéenne. En plus , les géants miniers après la brève euphorie de 2011 ont pour la plus part abandonné leurs concessions guinéennes comme BHP-Billiton, ou ont gelé leurs investissements comme Rio-Tinto, ou ont freiné leurs activités comme Valé-BSGR. L’usine d’alumine de Fria est aux arrêts depuis avril 2012. Les raisons de ces désertions sont à rechercher du côté de l’incurie gouvernementale du fait de la mauvaise gouvernance.La Guinée ,ainsi en proie à un marasme d’une vaste ampleur de son tissu productif comme s’il s’agit d’une zone de guerre , ne peut pas générer des recettes intérieures suffisantes.Le gouvernement assume l’entière responsabilité de cette catastrophe. C’est la raison pour laquelle ,depuis quelques semaines , des confidences sont distillées pour annoncer la prochaine mise en place d’un gouvernement dit de missions.

Les effets de l’atteinte du point d’achèvement n’ont pas été au rendez-vous  

Cette mauvaise gouvernance explique pourquoi les autorités guinéennes n’ont pas été en mesure de faire profiter à la population les retombées positives de l’atteinte du point d’achèvement le 25 septembre 2012. La reconversion des annuités de remboursement de la dette pour financer des programmes sociaux et d’investissements pour les infrastructures de base n’a pu être effective car les ressources nécessaires n’ont pas été générées par la collecte des recettes budgétaires. Un immense gâchis alors que la Guinée a bénéficié de l’annulation de  prés de 2 milliards de dollars us. Cette mauvaise gouvernance politique est également responsable du retard des décaissements du 10 éme FED de l’Union Européenne. Cette aide au développement finance principalement les politiques des investissements publics comme les routes et les infrastructures sanitaires et scolaires. A l’examen de ces faits, les autorités politiques guinéennes portent l’entière responsabilité de l’élargissement de la pauvreté et de la misère. Les statistiques officielles reconnaissent que la pauvreté s’est accrue entre 2007 et 2012 et six familles sur dix n’arrivent pas à subvenir à leurs besoins vitaux. Un taux de croissance de 2,5 %  en 2013 avec un taux de progression démographique de 3,1 % par an prouve que la Guinée ne fait que s’appauvrir. Les prévisions du gouvernement pour 2014 tablent pour un taux de croissance de 4,5 % pour le PIB . Je rappelle que M.DIA Mamadou ancien fonctionnaire de la Banque mondiale et du FMI qui était en charge  la supervision des programmes de la Guinée , avait indiqué qu’un taux de croissance de 4 % est le minimum réalisable en Guinée sans que le gouvernement ne « fasse rien ».Les propos de cet économiste international prouvent qu’un taux de 4,5 % n’est  pas une avancée majeure et ne peut pas inverser la courbe de progression de la pauvreté. Pour mémoire pour que cette courbe soit inversée il faudra un taux de croissance triple du taux de progression démographique sur une longue durée (soit 9 à 10 % au minimum sur une longue période). Les résultats macro-économiques de la gouvernance d’Alpha CONDE a complètement échoué à améliorer le niveau de vie des guinéens, à l’aune de trois années d’exercice sans partage du pouvoir.

L’attitude politicienne du pouvoir a ruiné les chances de la Guinée  

Il est difficile de comprendre pourquoi la Guinée n’arrive pas à sortir de la misère et du sous-développement malgré les immenses potentialités économiques, minières, agricoles et hydroélectriques que possèdent le pays. C’est incompréhensible aussi bien pour l’observateur étranger et pour le citoyen guinéen, d’admettre l’état de délabrement des infrastructures physiques et sociales de ce pays si bien doté par la nature. La raison essentielle de notre sous-développement et  de la misère qui écrasent tous les guinéens est le culte de l’affairisme au sommet de l’Etat. Loin de moi de dire que cet affairisme est né avec l’arrivée d’Alpha CONDE au pouvoir. Mais il s’est avéré que M. Alpha CONDE est un continuateur  d’un processus politique prédateur qui a démarré depuis longtemps. C’est la racine du mal guinéen , d’où le retard économique de notre pays, qui était promu à l’indépendance d’être la locomotive en Afrique. La Guinée d’aujourd’hui est hélas parmi les derniers au classement mondial de l’IDH  du PNUD et elle figure en bonne place au niveau de la  lanterne rouge dans le monde dans tous les classements ( transparency, indice doing business ). A titre d’illustration , trois cas  méritent d’être cités :

  • L’abandon de la construction de l’usine d’alumine à Sangarédi

La conférence des bailleurs en faveur de la Guinée qui s’est tenue à Abu Dhabi à la fin de 2013 aurait permis la mobilisation de 6 milliards de dollars US d’intentions de financements d’investissements miniers.  Les 5 milliards de dollars US proviendraient de Mudhabalah qui a obtenu l’accord des autorités guinéennes de ravitailler en bauxite, l’usine d’alumine en cours de construction aux Emirats Arabes Unis. Cet accord pose deux réels problèmes. D’abord sur le plan institutionnel et juridique , le ministre des mines Mohamed Lamine FOFANA a violé la loi. En effet, le Général Lansana CONTE avait fièrement signé et fait  ratifier la convention de Global Alumina Corporation (GAC) en 2005 pour la transformation  en alumine à Sangarédi d’une partie de la bauxite extraite dans cette zone.Le texte ratifié par la représentation parlementaire est purement et simplement mis de côté par une décision ministérielle. Ceci confirme le peu de cas que les responsables guinéens accordent aux lois et règlements du pays. Ensuite, dans le cadre de ce projet 10 millions de tonnes de bauxite devraient être transformées pour une production de 3 millions de tonnes d’alumine. L’abandon de la construction de l’usine d’alumine ravale notre pays à un Etat rentier avec l’exportation de minerais bruts. Là aussi c’est un abandon des intérêts de notre pays. Ainsi au lieu d’accroître sa valeur ajoutée dans la transformation de la bauxite qui est un vecteur de croissance économique , les choix gouvernementaux accentuent le retard économique de la Guinée.

  • Une mauvaise utilisation des cadres nationaux et une administration archaïque

Le second aspect de l’affairisme triomphant en lieu et place d’une gestion saine et vertueuse des affaires publiques est la faiblesse de la capacité d’absorption de l’économie guinéenne. Il est notoirement connu que depuis plus d’une trente années , une des caractéristiques de l’économie guinéenne est la faiblesse de sa capacité d’absorption. Que signifie cette expression ? La Guinée a des financements mais du fait de l’archaïsme de son administration publique , sur le plan technique et son manque de volonté manifeste de mettre en avant les intérêts du pays , le pays n’arrive pas à faire émerger des projets sérieux susceptibles de déclencher  le décaissement  des financements conformément au cahier de charges de la convention de crédit. C’est comme si, un malade très alité  reçoit toute une panoplie de médicaments pour le soigner  et qui  par paresse ou par ignorance ne s’administre pas la médication telle que prescrite ,conduisant ainsi à l’aggravation du mal.Un gouvernement sérieux, désireux d’accroître les richesses du pays ne devra ménager aucun effort pour renforcer la capacité d’absorption et en faire une priorité parmi les réformes structurelles. Concrètement cela passe par une utilisation optimale des ressources humaines nationales. Valoriser les compétences nationales passe nécessairement par la formation, la recherche de l’excellence et par leur correcte rémunération. Or M.Alpha CONDE ne se gêne pas pour justifier les nominations irrationnelles au sein de son administration en arguant «  qu’aux États-Unis , dés qu’il y a un nouveau président , son camp politique remplace tous les fonctionnaires de l’autre camp opposé ». La comparaison avec les pratiques américaines où existent de véritables institutions et où le fonctionnaire de l’État fédéral, n’a rien à voir avec l’establishment politique au pouvoir à Washington , est réductrice et inappropriée.  En effet, les ressources humaines nationales sont mal utilisées ou le plus souvent ne sont même pas sollicitées. Les cadres ne sont pas là où ils doivent être. Les compétences sont ignorées au profit du copinage « politique » ou « ethnique ». La mise en place de réseaux pour siphonner les maigres ressources publiques prend le dessus sur l’efficacité et l’atteinte des objectifs déclamés. Ce n’est pas étonnant dans ce contexte que la Guinée figure au bon rang parmi les pays les plus corrompus au monde. Loin de moi d’accabler seulement M.Alpha CONDE dans cette dérive prédatrice. Il fait mieux que ces prédécesseurs, car il a externalisé le système en l’arrimant à de réseaux internationaux que ces amis Bernard KOUCHNER, Tony BLAIR et autres ont gracieusement mis à son service.

  • La situation alarmante de la ville de Fria

Les habitants de Fria vivent  une situation inacceptable et révoltante. Elle est révoltante, pour les populations sinistrées de Fria, qui subissent une misère de plus en plus envahissante . Elle est aussi révoltante pour l’ensemble des citoyens guinéens, qui voient un fleuron de l’industrie nationale abandonnée  et qui est en perdition. Où se trouve la responsabilité gouvernementale ? Celle-ci doit être là où les intérêts de la Guinée sont en jeu. A Fria, les intérêts de la Guinée sont en jeu ! Une ville est en train de disparaître, une usine est en perdition, une industrie est en train de mourir.Tout gouvernement vertueux et crédible doit prendre à bras le corps le problème. Cette situation déplorable n’a pas l’air d’inquiéter ou d’alarmer les autorités politiques, comme si Fria était sur une autre planète. La gestion du dossier Fria par Alpha CONDE symbolise l’ensemble de sa gouvernance aussi bien politique, qu’économique marquée par la corruption et la trahison des intérêts fondamentaux de toute la Guinée.

Bah Oury, vice-président UFDG

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