La tension qui sévit sur l’échiquier politique, résultant d’un déficit de dialogue entretenu par le gouvernement, pourrait conduire à l’enlisement de la situation, à l’allure où vont les choses. L’opposition ayant décidé de ne renoncer en aucun cas à ces actions de désobéissance civile, tant que les accords inter guinéen seront foulés au pied. La journée « ville morte » organisée jeudi dernier s’inscrivait dans ce sens, et ne serait qu’une sorte d’entrée en matière pour les d’autres types de manifestations qui prévus dans les jours à venir, comme l’a fait savoir l’opposition.
Le processus électoral est de nouveau source de conflit entre les acteurs politiques, notamment le pouvoir et l’opposition. Cette friction est partie de la non application des accords inter guinéens qui ont été signés sous l’égide de la communauté internationale. Même si le pouvoir nie avoir paraphé de tels accords relatifs à l’organisation des élections. Le chronogramme électoral publié récemment par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) fixant le scrutin au 11 octobre 2015, est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. A partir de là, l’opposition a fait preuve de son indignation, en appelant à une opération de journée « ville morte ». Après avoir annoncé son retrait du parlement, et désavoué la Ceni, par la même occasion.
Cette journée « ville morte » qui s’est déroulée jeudi dernier a paralysé les activités dans une partie de la capitale. Surtout le long de l’axe menant de Bambeto à Hamdalaye, acquis à la cause de l’opposition. Contrairement au passé, cette fois, aucun incident majeur ne fut enregistré durant cette journée. Le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) Cellou Dalein Diallo a réagi sur la toile, en dressant un état des lieux de la journée « ville morte ».
« Notre appel a été largement suivi. Bien entendu, ceux qui ne se sentaient pas concernés ont continué à circuler librement, cela fait partie des points positifs de cette journée. Notre objectif n’est pas de gêner les citoyens qui ne se sentent pas concernés par notre appel », a précisé le président de l’UFDG. Avant d’ajouter que « le commerce a particulièrement suivi et que les marchés n’ont pas ouvert. Les boutiques non plus. Beaucoup de gens ne sont pas allés au travail. On estime que les banques ont fonctionné à 25%. Aucun camion n’est pratiquement sorti au port autonome de Conakry. » Le chef de file de l’opposition déplore cependant « quelques violences, notamment à Dabondy et à Matam où l’armée est intervenue. Elle a tiré des coups de feu, une personne serait atteinte. Mais pour l’opposition, l’objectif a été atteint. Le mot d’ordre a été largement suivi. »
Cellou Dalein Diallo reconnait que l’opération s’est déroulée dans le calme dans l’ensemble. « On n’a pas eu des violences particulières parce que les forces de l’ordre n’ont pas souvent provoqué les citoyens et nous n’avons pas visiblement été infiltrés. Nos militants font preuve de beaucoup de retenue et respectent notre consigne », dit-il.
Pour terminer il prévient : « il faut s’attendre à beaucoup de villes mortes et à des marches pacifiques. Nous allons continuer. Nous ne nous arrêterons pas bien entendu jusqu’à la satisfaction de nos revendications. Il faut le savoir, nous allons continuer, le calendrier sera publié au moment opportun. Dans tous les cas, ce qui est sûr est qu’on va continuer mardi.»
Sidya Touré, président de l’Union des forces républicaines (UFR), lui aussi a parlé de réussite de cette journée « ville morte ».
Pour lui, «on peut dire aujourd’hui qu’une bonne partie de nos militants ont suivi cette consigne à la lettre ».
Il parle d’une « alerte » lancée au gouvernement, pour qu’il sache que l’opposition n’est pas prête à avaler de nouveau des couleuvres.
« Nous n’accepterons pas que les élections dont les mandats sont arrivés à échéance ne soient pas effectuées, alors qu’on veut se précipiter à la présidentielle pour nous laisser les délégations spéciales entre les mains. Donc, nous n’accepterons pas cela », a insisté le président de l’UFR.
Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo sont sur la même longueur d’onde, quant à poursuivre les manifestations jusqu’à ce que le gouvernement fasse machine arrière, en renonçant à organiser la présidentielle avant les communales.
La mouvance présidentielle ne semble pas non plus résolue à réviser sa position. Elle qui a tourné en dérision l’opposition, suite à cette journée « ville morte », qu’elle a qualifiée de cuisant échec.
Cette posture du parti au pouvoir, qui complaît à nier l’évidence, en parant de toutes les vertus la gestion du président Alpha Condé rappelle un peu le comportement des thuriféraires du Parti de l’unité et du progrès (PUP), sous la deuxième république. Des courtisans dont le combat politique se limite juste à se remplir les poches, quand ils y parviennent. Pour ce qui est du sort de la nation, cela important peu. Voilà la somme des frustrations qui risquent de précipiter la Guinée dans l’abîme…
Mamady Kéita (Le Démocrate)